2e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2009-2010

Le Vin de la Noce du Dimanche

La lecture de l'évangile du jour omet l'indication chronologique qui ouvre le texte de saint Jean. Celui-ci a bien écrit:" Or, le 3ème jour, il y eut une noce à Cana....": ce récit est donc en lien avec ce qui le précède. Or, en consultant le Nouveau Testament, on remarque que, de repère en repère, il est possible de remonter jusqu'au tout début de l'évangile lui-même. La scène de Cana apparaît comme l'accomplissement du début de l'évangile que Jean présente dans le cadre d'une semaine:

1er JOUR   :  1, 1 :   Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu...Le Verbe s'est fait chair...

et nous avons vu sa  Gloire !

2e JOUR    :  1, 12 :    Témoignage de Jean ( Baptiste ) : il nie être le Messie et annonce  un autre qui vient après lui.

3e JOUR   :  1, 29 :    Le lendemain Jean désigne Jésus: " Voici l'Agneau de Dieu qui ..."

4e JOUR    :  1, 35 :    Le lendemain, Jean répète...André et un disciple le quittent pour suivre Jésus

5e JOUR    :  1, 41 :     Tôt matin, André va chercher son frère Simon que Jésus renomme Képhas =  Pierre

6e JOUR    :  1, 43 :    Le lendemain Jésus appelle Philippe...qui lui-même appelle Nathanaël...    --     Jésus a donc 5 disciples.

7e JOUR    :   .........................   sabbat - vide - rien - silence

(SEMAINE SUIVANTE):   1er JOUR    :  2, 1 :  Or, le 3ème jour (c.à.d. le surlendemain), il y eut une noce à Cana...

Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit...Il  manifesta sa Gloire et ses disciples crurent en lui.

Jean ouvre son évangile en reprenant la célèbre expression de la Genèse: "AU COMMENCEMENT..." et il énumère la succession des jours de la semaine (fait unique dans le nouveau Testament). C'est dire qu'avec Jésus s'opère une NOUVELLE GENESE. Non une réparation ni une amélioration de l'homme mais SA RE-CREATION.

Nous avons la révélation d'une nouvelle vision de l'histoire et de son rythme de base, la semaine:

-   Dieu a créé le monde par sa Parole ("Il dit et cela fut").

-   Son Fils, le Logos, la Parole s'est faite chair...Il a demeuré parmi nous...( proclame le Prologue).

-   Sous le régime de la Loi, les prophètes chantaient la grandeur de l'Alliance entre Dieu et Israël, rappelaient les préceptes....mais rien n'y faisait ! Effort perpétuellement voué à l'échec, tant est grande la faiblesse de l'homme.

-   Jean-Baptiste acquit conscience de cette impuissance de la Loi: prédications, bains de purification, menaces,  ne pouvaient absolument pas changer l'être humain. Il comprit qu'il devait s'effacer devant celui qui venait après lui.

-   Jésus apparut tel un homme ordinaire, un prophète dans la lignée de ses prédécesseurs, Las, il fut méconnu, haï par certaines autorités: "Il est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas accueilli" ( 1, 11). Et un jour,  la veille d'un sabbat, il fut mis à mort sur une croix.  Mais "le 3ème jour"(expression biblique pour dire "le surlendemain") qui est également " le premier jour de la semaine" (Jn 20, 1 et les autres évangiles), il ressuscita, se montra comme SEIGNEUR à ses disciples. A la lumière de l'Esprit, ils comprirent que sa mort en tant "qu'agneau de Dieu" ôte le péché du monde et que sa Résurrection communique la Vie.

"La Loi fut donné par Moïse; la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ...

"A ceux qui l'ont reçu, qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu"(1, 12-17)

Il s'agit bien du tournant de l'histoire. L'Alliance -  que la Loi et les règlements ne pouvaient jamais réaliser  - est enfin accomplie. Elle n'est plus seulement un contrat dont on essaie d'observer les clauses mais elle se vit réellement comme une union des contractants, un amour, un "mariage". A ceux qui croient en lui, qui lui font confiance, Jésus offre d'entrer dans  la célébration des NOCES : il y a entre eux union, communion dans la miséricorde et l'amour.

C'est pourquoi les apôtres et premiers disciples décidèrent de se réunir, chaque semaine, chaque "premier jour de la semaine" ( qui est aussi le 3e jour après la croix ) afin de célébrer la mémoire de leur Seigneur Vivant. Ils rappelaient ses paroles,  se partageaient son Pain de Vie comme il le leur avait  commandé et  se passaient la coupe pour boire le Vin de sa Vie nouvelle.  Ils en avaient la certitude: au c½ur de leur assemblée, JESUS ETAIT PRESENT, "il est là au milieu d'eux" (Jean 20, 19 et 26). L'eucharistie était bien COMM-UNION

Ce 1er jour, ils l'appelèrent "JOUR DU SEIGNEUR" - en latin "domenica", en français DIMANCHE.

NOCE  DE  CANA  :    SIGNE  DE  L'EUCHARISTIE.

Nous commençons à comprendre. La scène de Cana n'est pas un "miracle" - un mot que Jean n'utilise jamais car il réduit l'action de Jésus à une merveille que l'on admire ou que l'on récuse. Point de vue extérieur qui reste vain. A quoi sert en effet de s'extasier sur les merveilles accomplies par Jésus si l'on se contente de les connaître, de les voir, de les admirer ? On peut être témoin d'un miracle à Lourdes et refuser de changer de vie !

Le don du vin de Cana est un SIGNE, un acte qui renvoie au-delà de lui-même. Jean dit bien en concluant son récit de Cana: "Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. Il manifesta sa Gloire et ses disciples crurent en lui. Après quoi il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples".

Jean  ne mentionne même pas les noms des jeunes mariés de Cana: peu importe. L'essentiel, c'est que quelques jeunes gens se mettent à croire en Jésus, s'attachent à lui et décident de le suivre.

Plus tard, de façon infiniment supérieure, ils célèbreront le Repas du Seigneur, l'Eucharistie des Noces où le Sang de l'Agneau de Dieu est consommé dans la Coupe de Vin de l'ALLIANCE.

A ce banquet qui actualise l'Evangile, la Bonne Nouvelle, les disciples sont envahis par une JOIE immense, une allégresse toute nouvelle qui a trois qualités, suggère notre évangéliste.

---   Elle est gratuite (comme l'eau de Cana), offerte sans que rien soit exigé, ni argent ni mérites ni diplôme de  sainteté. La vie chrétienne n'est pas un championnat, une course aux performances. Tout est grâce.

---   Elle est surabondante comme les cuves qui ont été remplies à plein bord et qui débordaient. Pas de risque d'en manquer, pas de crainte de la gaspiller. Elle doit jaillir, éclater, ruisseler car elle est inépuisable.

---   Elle est "extra", succulente, inouïe, et les chrétiens n'en reviennent pas de goûter sa saveur incomparable- tout comme le "traiteur" de Cana s'étonnait de goûter un nectar à nul autre pareil !

MARIE  ET  L'EUCHARISTIE

La Mère de Jésus se trouve à Cana comme elle sera à la fin de l'évangile au pied de la croix, contemplant le sang qui coule du c½ur ouvert de son Fils. Elle y prononce deux phrases qui nous permettent d'entrer dans le mystère et d'adopter les attitudes nécessaires dans la célébration eucharistique:

ILS N'ONT PLUS DE VIN ! Marie constate la misère des hommes qui "manquent", "qui n'ont pas", qui ne connaissent pas Dieu, qui ne le voient que comme un créateur lointain ou un juge implacable. Ils voudraient célébrer la joie de l'amour nuptial et si souvent ils font l'expérience de sa fragilité et de son désastre. "Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux". Marie lance l'appel au secours au nom de l'humanité, en notre nom.  A notre tour, avec elle, nous "inter-cédons" pour le monde. Nous ne voulons pas nous estimer une élite de croyants qui laisse le monde à ses tragédies. Seul peut communier à Dieu le c½ur qui communie au malheur des hommes.

FAITES TOUT CE QU'IL VOUS DIRA ! Marie n'offre pas une religion au rabais, un raccourci facile pour obtenir le ciel. Elle nous renvoie à une écoute des commandements de Jésus, à une obéissance sans failles. La piété doit être active, la confession de foi doit devenir travail, la prière  mobilise.

Et que dit Jésus ? " Remplissez d'eau ces cuves" destinées aux "ablutions rituelles des Juifs" et dont la capacité est de "100 litres"! Combien y a-t-il de ces cuves ? "Six" évidemment.

La Nouvelle Alliance n'est donc pas l'abolition de la Loi, l'anarchie: il s'agit bien d'abord de s'appliquer de toutes ses forces à "remplir" ses obligations "jusqu'au bord" c.à.d. le mieux possible, en allant jusqu'au bout de ses efforts. Tout au long des six jours de la semaine, les disciples de Jésus veulent vraiment obéir à leur Seigneur, vivre selon son Evangile, sans ménager leur peine, heureux d'être à son service. Mais "le premier jour de la semaine", ils se rassemblent, apportant la vie ordinaire et banale  des six jours précédents. Et en partageant le pain et le vin "transfigurés" en Corps et Sang de leur Seigneur, ils voient leurs peines et leurs joies "transfigurées". La vie, ses rires et ses larmes,  prend toutes ses dimensions.

Alors aucun ne s'enorgueillit de ses succès, aucun ne désespère de ses péchés, aucun ne se compare aux autres.

Et plus aucun n'emploie le mot païen "week-end" puisque le dimanche est   JOUR   N° 1   !!!

Pour les apôtres, cette expérience de l'Eucharistie dominicale était tellement forte, tellement "grisante" qu'aucun d'eux n'eut l'idée de décréter : "la messe est obligatoire". Les premières générations y couraient. On  ne pouvait imaginer une "petite messe" expédiée en une demi-heure, où l'on vient en retard avec des pieds de plomb et d'où l'on sort, l'air morose,  sans avoir rencontré les autres, sans avoir fait d'"expérience". L' Eucharistie était "le rendez-vous de Cana", la noce du dimanche. Le départ, le sommet, le c½ur de la semaine.

Elle donnait goût à tout. Elle communiquait une telle force que l'on s'y rendait en dépit des moqueries, des sarcasmes, des menaces. Toute l'existence était accrochée à cette étoile.

Urgence actuelle: nous unir et travailler  pour que la messe du dimanche - centre de la vie de toute communauté chrétienne -  soit ce qu'elle signifie: une assemblée joyeuse qui rayonne.