Imaginez vous donc que quelqu'un vienne ici et nous lise le prophète Isaïe, ferme le livre et nous dise : « tout cela que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui que cela s'accomplit ». Comment le prendriez-vous ? Je pense que l'on pourrait le féliciter, lui dire bravo pour la guérison des aveugles, l'espérance pour les pauvres, la libération des prisonniers ! En avant, n'hésite pas et je serais tout disposé ensuite à confirmer que l'Esprit du Seigneur est sur lui, qu'il a été consacré par l'onction ! Oui, voilà un chrétien confirmé !
Confirmé, « oint », « messie », tout ces mots ont le même sens et désignent celui qui a reçu une onction d'huile et qui est choisi pour une fonction messianique ! En ce sens littéral, dire « chrétien confirmé », c'est dire deux fois la même chose puisque chrétien veut dire christ et que Christ veut dire Oint, qui veut dire messie. Ces questions de vocabulaire montrent que nous sommes au c½ur de notre vocation, au c½ur de notre identité chrétienne. Celui qui ne rend pas l'espérance aux pauvres, ne libère pas des captifs, n'ouvre pas les yeux des aveugles, peut-il se dire chrétien ? Peut-il dire : « aujourd'hui encore, la Parole s'accomplit » ? Alors nous prenons conscience du décalage qui existe entre notre vocation et ce que nous en vivons. Alors nous prenons conscience aussi de l'identité exceptionnelle de Jésus.
Jésus est celui qui survient, prend le livre et dit : aujourd'hui, c'est vrai ! C'est vrai et je vous le dis ! Aucun de nous n'aurait osé, aucun de nous n'aurait eu cette prétention. Lui, il le fait, et c'est tout simple et c'est même évident : chaque fois que la Parole est proclamée avec foi, elle s'accomplit. Sinon pourquoi la lirait-on ? Cette Parole est vivante, éternelle, elle est la Parole de Dieu. La proclamer, c'est marquer le temps, le qualifier en sorte que chaque instant est un aujourd'hui, unique et absolu. Nous, nous lisons avec nos lèvres et même si nous nous y impliquons, nous restons à distance, un peu loin. Jésus, lui, prend tout au sérieux : aujourd'hui, ici, c'est vrai ! En cela Jésus est unique, mais il est unique sans vouloir rester tout seul, avec un monopole, comme un privilégié. Il est unique dans sa manière d'être premier, c'est-à-dire d'ouvrir la voie, pour que nous devenions ensuite comme lui, à sa manière, vivants et actifs dans son Esprit. Avec le même culot, avec la même allure, avec le même dynamisme, le même souffle, la même inspiration, nous aussi, à sa suite, fils de Dieu. C'est cela, devenir des « chrétiens » confirmés, habités par l'Esprit, capables de proclamer la Parole, de la comprendre, de l'expliquer et de la mettre en pratique. C'est possible, il faut simplement y croire et s'y entraîner personnellement et en communauté, car la communauté est le lieu vital de la Parole, la Parole suppose que l'on soit plusieurs à l'écouter comme à la porter.
Jésus nous appelle donc à nous lever, à prendre la parole et à soutenir l'adversité. Vous savez en effet que Jésus n'est pas bien reçu, même s'il se trouve dans son village de Nazareth où tout le monde le connaît. Justement peut être parce que tout le monde le connaît. Mais cela est une autre histoire, ou plutôt la suite de notre histoire, pour un autre numéro du roman feuilleton évangélique... Jésus a pour nous une ambition qui va bien au-delà de ce que nous nous croyons capables de réaliser. Croire en sa parole, c'est lui faire confiance pour nous lancer dans une aventure dont les éléments nous échappent complètement. Les disciples savaient-ils où ils allaient quand ils ont laissé leurs barques et leurs filets ? En ce sens, Jésus nous libère. Il nous libère de vouloir tout savoir, il nous libère d'horizons rétrécis, de routines asphyxiantes, d'un quotidien de morts vivants. Il nous ouvre les yeux sur des possibles qui vont se réaliser si nous nous y risquons, si nous y croyons, pas à pas, « à chaque jour suffit sa peine ». La foi fait des miracles pour la simple raison souvent qu'il suffit de commencer pour que les rêves les plus fous, peu à peu deviennent réalité. Ici je vais vous raconter une histoire pour être plus concret. C'est une histoire juive, celle de Samuel, Shlomo qui, dans sa prière, reproche à Dieu de ne jamais gagner à la loterie. Et il entend une voix qui lui dit : « Shlomo, d'accord, mais achète donc au moins un billet ! » Comprenez- moi bien : je ne vous encourage pas du tout à gaspiller votre argent dans les jeux de hasard mais je vous encourage à faire confiance à Jésus et à vous risquer sur les chemins de l'Evangile pour en vérifier toute la fécondité. « Frappez et l'on vous ouvrira, demandez et l'on vous donnera ! » Dieu nous supplie, nous prie, de lui demander son aide. Il a fait alliance avec nous et ne demande qu'une chose, c'est de nous aider.
« L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres, et aux aveugles qu'ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. »
Et disons, nous aussi avec Jésus : « Cette parole de l'Écriture, que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit. » Elle s'accomplit pour vous, elle s'accomplit pour moi. Voici une année de bienfaits accordés par le Seigneur. C'est la manière de Jésus de nous souhaiter une très bonne année 2010 et je vous dis moi aussi : Bonne année mes amis !