2ème dimanche du temps de l'Avent (C)

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 6/12/15
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C

Saint Luc ne manque d’humour.  Il commence cet Evangile de façon solennelle.  Il annonce comme à coups de clairon tous les grands personnages de l’époque, à commencer par l’empereur, puis le gouverneur, puis tous les princes de la famille royale de l’époque, et sans oublier les grands-prêtes du Temple de Jérusalem.  Et tout ça pour quoi ? Pour nous dire que quelqu’un  crie dans le désert.  Franchement, en quoi cela nous concerne-t-il que quelqu’un crie dans le désert ? D’ailleurs, pour crier dans le désert, il ne faut pas être très intelligent, ni même tout à fait normal.  Crier dans le désert, ce n’est pas le meilleur moyen d’avoir du succès.

Et c’est à sans doute la première question : ‘est-ce que saint Luc veut nous parler du succès ? Est-ce qu’il veut nous donner les recettes du marketing et de la publicité ? Bien au contraire, il accumule tous les points négatifs : non seulement il parle du désert, mais ensuite il évoque la vallée du Jourdain.  Dans l’Antiquité, qui connaît la vallée du Jourdain ? Ah, la vallée du Nil, tout le monde connaît, mais la vallée du Jourdain, c’est comme la vallée de la Dyle, c’est joli, mais pas très connu à l’époque.  Enfin saint Luc atteint le sommet du manque de tact : il nous parle d’un baptême de conversion.  Qui a envie de se convertir ? Et de se convertir à quoi ? Pour quoi faire ?

 Et c’est là sans doute la grande leçon de cet Evangile : retrouver Dieu non pas là où il est, car il est partout, mais là où nous pouvons le recevoir.  Le désert, vous vous en souvenez, ce fut la grande expérience du peuple hébreu.  Après l’esclavage en Egypte, le peuple hébreu vécut quarante ans dans le désert, ce fut long, ce fut pénible, mais ce fut le vrai moment de la rencontre amoureuse entre le Seigneur et son peuple.  Ce souvenir est tellement beau que, quand le prophète Elisée est désespéré, poursuivi par la reine, menacé de mort, il se réfugie dans le désert et il marche vers le mont Horeb, vers le mont Sinaï, là où Dieu s’est révélé à son peuple.  C’est comme parfois dans un couple quand on repasse par les lieux de la première rencontre, pour retrouver l’essentiel de sa vie, c’est comme dans une communauté quand on se tait autour du Saint-Sacrement et où non essaie de retrouver l’essentiel de la vocation religieuse, la rencontre amoureuse avec Dieu. 

Et c’est une question qu’on pourrait se poser : qu’y a-t-il d’essentiel dans ma vie ? Et je vous propose un exercice personnel, secret : posez-vous la question de savoir ce que vous emmèneriez si vous deviez vivre sur une île déserte ? Quel serait l’objet qui vous nourrirait, vous soutiendrait spirituellement dans une telle épreuve de solitude ? Car ce n’est pas par hasard que le peuple hébreu a connu l’épreuve du désert après l’esclavage de l’Egypte.  Eh oui, pour rencontrer Dieu, il faut se libérer de tout ce qui nous retient esclave : les mots croisés, le journal télévisé, la réunion de bridge ou le match de tennis, tout ce qui nous empêche d’accueillir l’autre, d’accueillir Dieu.  Aplanir la route devant Dieu, cela veut les débarrasser, nous débarrasser de tout ce qui nous encombre et nous empêche de recevoir le Bien-aimé.

Ce que, moi, personnellement, j’emmènerai sur une île déserte, c’est le livre de prières.  Ce serait pour pouvoir lire la Parole de Dieu en même temps que les autres, pour pouvoir prier Dieu avec toute l’Eglise.  Car nous ne sommes jamais seuls dans la prière.  Dieu est là qui nous écoute et le peuple de Dieu est là, avec nous, autour de nous, qui prie avec nous.  Alors, partons dans le désert, libérons-nous des objets encombrants dans notre vie et laissons la place tout entière libre pour le Bien-aimé, car il va venir.