30e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Il m'arrive assez régulièrement dans cet hôpital d'entendre des personnes qui me disent qu'elles sont croyantes et non pratiquantes. A l'étonnement qui se lit sur mon visage, certaines s'autorisent à me questionner : « pourquoi réagissez-vous de la sorte ? » Ma réponse est toujours la même : « je n'arrive pas à comprendre comment l'on peut être croyant sans être pratiquant. La foi et la pratique sont les deux côtés de la même pièce. Elles sont indissociables. Pour moi, la foi n'est pas un simple concept intellectuel, une relation privilégiée qui m'unit au Créateur par le biais unique de la prière. Non, si vous croyez, cela doit se voir dans la manière dont vous vivez votre vie. La foi se lit dans vos yeux, elle se décline dans les paroles de votre bouche, elle s'offre dans les gestes montrant l'attention que vous portez à celles et ceux de qui vous vous faites proches ». Le Christ ne semble pas souhaiter que nous limitions notre foi au Père en nous enfermant dans une relation personnelle tournée exclusivement vers Lui. Il est vrai que nous sommes invités à aimer Dieu de tout notre c½ur, de toute notre âme et de tout notre esprit. Mais ce n'est pas suffisant. Ce serait trop facile. Je viens à la messe le dimanche, j'ai accompli mon devoir et le reste de la semaine, je fais ce que je veux sans plus aucune référence à cette foi proclamée une heure par semaine dans un lieu précis. C'est sans doute la raison pour laquelle, le Christ rappelle cet autre commandement, semblable au premier : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Quelques mots pour souligner que la pratique ne peut se limiter à un moment dominical mais qu'elle s'enracine dans la rencontre de l'autre. En d'autres termes, si nous sommes croyants, nous sommes automatiquement pratiquants. L'un ne va pas sans l'autre puisqu'il s'agit d'aimer Dieu et d'aimer son prochain. Voilà la tâche précise qui nous est demandée. Rien de plus. Nous pourrions presque en arriver à regretter les commandements donnés par Moïse. Je crois en effet, qu'il est beaucoup plus simple de se limiter à quelques lois édictées plutôt que de faire vibrer sa vie au son de la loi divine : une loi d'amour de l'autre et du Tout-Autre. Dieu n'attend rien d'autre de nous. Il nous demande d'aimer, d'aimer et toujours d'aimer. Telle est sa volonté. Ö combien cette dernière nous semble parfois bien difficile à appréhender. En effet, dans la vie, cette phrase du Notre Père a souvent été mal comprise : « que ta volonté soit faite ». Je l'entends avec un soupir de résignation comme si l'épreuve que j'étais en train de traverser avait été dictée de là-haut. La perte de l'être aimé, l'expérience de la douleur, de la souffrance ou encore du temps de la maladie peuvent être perçues par certaines personnes comme étant la volonté de Dieu à laquelle nous devrions acquiescer sans broncher. Toutefois, je pense que dans cette perspective, la volonté divine serait purement arbitraire. Dieu l'a voulu ainsi et nous n'aurions qu'à le subir. Sa volonté serait un absolu que rien n'explique ni ne justifie. Dieu l'a voulu ainsi et je suis prié de m'y soumettre puisqu'il est le plus fort. Je ne peux pas faire autrement. Cette compréhension de Dieu qui a marqué de nombreux siècles de notre histoire me paraît profondément perverse. En effet, ici, Dieu n'est plus que pouvoir arbitraire et aliénant. C'est la loi du plus fort qui s'applique et nous n'avons plus d'autre solution que celle d'obéir aveuglément. Nous serions ainsi réduits à courber l'échine devant une volonté qui cherche à nous anéantir en nous envoyant les pires épreuves possibles. Heureusement pour nous, Jésus nous rappelle ce matin que la volonté de Dieu est tout autre. La volonté divine s'inscrit au c½ur de notre c½ur. Elle s'enracine dans ce dont nous avons le plus besoin au monde : l'amour. Oui, telle est la véritable volonté de Dieu : que nous aimions, que nous puissions grandir en humanité et en divinité par les armes de l'amour. La volonté divine est ce projet merveilleux que Dieu nous offre à chacune et chacun : celui d'aimer. L'aimer Lui mais également aimer tous ceux et celles qui croisent notre chemin. Dieu n'a pas d'autre volonté que cette loi d'amour. Sa volonté se récapitule dans cette bienveillance qu'il a pour ses propres enfants. Nous sommes toutes et tous aimés de Dieu. Il veut notre bonheur. Puissions-nous nous le rappeler tout à l'heure lorsque ensemble nous dirons « que ta volonté soit faite ». Cette phrase sera alors un cadeau que nous pourrons nous offrir les uns aux autres car nous avons compris que sa volonté est un désir d'amour qui nous conduit immanquablement vers la vraie vie. Moïse ne disait-il pas déjà : « je te propose aujourd'hui de choisir ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. Choisis la vie ! ». Ensemble ce matin choisissons alors la vie et choisissons de la vivre dans l'amour puisque telle est la volonté de Dieu. Que ta volonté soit faite !

Amen