30e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Mc 10, 46-52

Quand j'étais petit, et oui, moi aussi, un jour j'ai été petit, donc quand j'étais petit je rêvais d'une moto. Mais hélas, mes parents nous avaient déjà signifiés même à l'âge de 8 ans qu'il n'était pas question qu'une mobylette voire une moto entre un jour dans leur maison. Pas de mobylette, pas de moto. Hélas pour eux, déjà à cette époque j'aimais avoir le dernier mot. Puisque je ne pouvais pas avoir de moto, il ne me restait qu'à en fabriquer une. C'est ce que je fis avec quelques pinces à linge et des cartes à jouer. J'accrochai donc avec les pinces les cartes aux fourches du vélo. Les cartes frottant les rayons des roues, cela faisait vraiment le bruit d'une moto même s'il me fallait encore pédaler. Vous auriez entendu le bruit des motos des enfants du quartier. Un vrai tintamarre. Et nous criions de bonheur sur nos engins supersoniques. On criait, on criait à en enerver les grands qui nous demandaient de nous calmer. Pourtant qu'est ce que c'était gai de pouvoir crier de la sorte.

Aujourd'hui encore je trouve le cri important. N'ayez pas d'inquiétude je n'ai plus de vélo et je ne viendrai pas perturber votre tranquilité. Non mes cris ont changé. Ils sont plus variés. Il y a les cris de joie, les cris de bonheur. Le cri, c'est un peu la vie ; n'attend-on pas que le bébé crie lorsqu'il naît pour se rassurer que sa respiration se mette bien en route. Il y a aussi les cris liés à la surprise, à l'étonnement : le fameux "bouh fais-moi peur" en cas de hocquet. Il y a également les cris de colère. Ceux-là je les aime moins. Je trouve qu'ils font très peu éduqués. Puis il y a aussi les cris de révolte, d'incompréhension. Ces derniers sont importants, essentiels. Osons crier ce qui nous dérange, ce qui nous paraît impossible, incompréhensible. Nous sommes en droit de tenter de comprendre pour mieux vivre avec nos souffrances.

Le cri fait bien partie de la vie. A l'image de celui entendu dans l'évangile de ce jour. Comme Bartimée, nous ne voyons pas Dieu. Il n'est pas visible comme tel à nos regards. Il vit au-dedans de nous, au plus profond de nos êtres. Nous devons donc crier vers lui pour qu'il nous entende. Notre cri dans la foi doit faire écho en Dieu et cela ne peut se vivre que dans la confiance et l'espérance. Il n'y a rien de pire que de découvrir que notre cri n'a comme unique réponse le silence, le vide. (Un peu à l'image du GSM qui est coupé, comme s'il fallait que l'autre réponde toujours quand nous le souhaitons). Crier vers Dieu tant sa joie que son désarroi n'est pas déplacé mais réalité de ce qui peut nous habiter. Le cri est de la sorte une invitation à ne pas se taire, à ne pas nous enfermer dans une spirale de questions restées sans réponse. Il est appel. Un appel de la vie à la vie. Une nécessité nous permettant tout simplement de continuer à respirer. C'est un échauffement qui nous fait du bien, le départ d'une démarche. En effet, Bartimée ne s'est pas simplement contenté de crier. Il s'est levé et puis il a dû se taire pour pouvoir se diriger et partir à la rencontre de Jésus, celui-là même qu'il reconnaissait comme Fils de David, c'est-à-dire Fils de Dieu. Selon cette dynamique évangélique, un cri ne peut s'enfermer dans un cri, sinon il devient une plainte lanscinante, une paralysie d'enfermement sur soi et ses problèmes. Un cri se dit, un cri se crie et puis silence. Au cri, suit l'écoute attentive, le désir de percevoir la brise légère qui conduit immanquablement à Dieu. Il devient cette respiration entendue comme invitation à se lever, à avancer et partir à la rencontre du Fils sur notre propre chemin. Dieu le Fils, nous accompagne sur la route de nos vies malgré tous les bruits existants. Il se tient près de nous, en nous. Et il attend, il attend patiemment notre cri, celui du désir de le rencontrer, de le découvrir, de l'aimer. Dans cette rencontre, dans cet apaisement, Jésus le Fils nous guérit de nous-mêmes, c'est-à-dire de tous nos aveuglements, de toutes ces certitudes ancrées en nous ainsi que de toutes nos duretés, nos intransigeances. Il nous désaveugle de tout ce qui nous encombre pour nous éclairer de la vraie lumière, l'unique. Celle qui illumine les êtres que nous sommes. Une lumière merveilleuse qui conduit au bonheur mais au bonheur en Dieu.

Alors si parfois nous avons l'impression que nous vivons un peu trop dans nos ombres, que l'amour n'est pas au c½ur de nous-mêmes, que nous n'arrivons pas à nous réconcilier, que nous nous enfermons dans nos nocturnités, retournons-nous vers Bartimée et crions avec lui vers le Christ pour qu'il nous dise : "va, ta foi t'a sauvé". Alors nous aussi nous verrons.

Amen.