Le propre de toute publicité est de dire : « Nous ne sommes pas comme les autres ». Quel slogan publicitaire utiliserait aujourd'hui le Pharisien pour se vendre ??
Je suis plus blanc que blanc...
Pharisien, vous avez bien choisi...
Moins cher que moi, c'est illégal...
Ou le slogan d'une grande banque : « Probablement le plus compétent »...
Vous êtes si bien chez le Pharisien. ?Le Pharisien, surprenez-vous à l'écouter, etc etc...?Dans le cas du pharisien qui ne fait que s'auto-encenser, il pourrait dire?l'auréole, parce que je la vaux bien !
Comme je ne regarde pas la télévision,?je devrais faire appel à vous pour allonger cette liste d'allusion à des slogans publicitaires actuels... Vous le savez, la publicité est partout et pas seulement dans les médias. Elle est aussi dans nos relations. La publicité est en nous et elle intervient même dans notre prière !
Car, au-delà d'une simple distinction entre l'humilité et l'orgueil, la petite parabole que nous venons d'entendre est une caricature de deux attitudes, qui nous menacent toutes et tous. ?D'un côté, l'attitude du pharisien, celle du toujours plus et de la publicité, ?D'un autre côté, l'attitude du publicain, celle du bas-les-masques, ?celle de la dépossession de soi que l'on appelle la prière...
Reprenons, si vous le voulez bien, ces deux attitudes...
Le pharisien, tout d'abord « Moi, je. Moi, je. Moi, je » Le Pharisien n'a rien fait de mal. Il fait même plus que ce qui lui est demandé. Il est irréprochable et il fait tout mieux que les autres. Bref, il n'a aucun vice caché !
Mais sa prière est fausse car il ne prie pas. Il se prie lui-même. Il regarde ce qu'il possède plutôt que de se mettre dans une attitude de dépossession. L'attitude du pharisien touche la racine de tous nos maux : la comparaison entre les humains, qui fausse toute relation à l'altérité.
Comparer amène toujours subtilement un peu de convoitise, ?la convoitise amène l'envie et le désir de possession, ?le désir de possession amène l'instinct de propriété, la violence parfois... ?Comparer est toujours potentiellement violent...
Le pharisien est celui qui compare, qui jette un regard en coin. Il se sépare des autres et --du même coup-- n'est plus lui-même devant Dieu. Il est seul devant son miroir, devant son petit ego idéalisé, pas devant Dieu.
D'ailleurs, le mot pharisien signifie bien être « séparé ». ?La comparaison --comme la publicité-- est toujours dans le paraître, ?jamais au plan de l'être. Voilà l'attitude de comparaison et de séparation, ?la racine de tous les maux. ??La Bible commence par une publicité comparative mensongère. Souvenez-vous du serpent de la Genèse avec son slogan « Si vous en mangez, vous ne mourrez pas, mais vous serez comparable aux Dieux ». Comparable ! Comparer pour être meilleur, dans le toujours plus... plus grand, plus fort, plus beau, plus intelligent, plus brillant, plus religieux... Le pharisien reste muré dans ce toujours plus et dans l'avoir. Même sa prière fait partie de son avoir... Finalement, cet homme n'a existentiellement pas besoin des autres et de Dieu. Dieu est un prétexte pour parler de ses qualités et se comparer aux autres.?
Si le pharisien fait un discours sur lui-même et pour lui-même, le publicain, par contre, parle véritablement à Dieu... Nous sommes dans une toute autre logique. Il se reconnaît comme un être pêcheur, c'est à dire qu'il vient avec ce qu'il est, pas ce qu'il a fait ou n'a pas fait. Si le pharisien est existentiellement dans les mérites et la publicité, le publicain, lui, est dans l'être, dans l'attitude d'intériorité véritable, dans l'anti-publicité par excellence, cette attitude qui n'a rien à faire valoir et à vendre, ?l'attitude de la prière tout simplement.
La prière est donc l'acte même par lequel on ne vend rien, l'attitude dans laquelle on ne compare pas. La vraie prière n'est qu'un acte de dépossession de soi pour s'en remettre à l'Esprit de Dieu.
Comme le dit la lecture de ce jour, Dieu, lui, ne compare pas. Il ne fait pas de distinctions. Voilà la justice de Dieu. Voilà l'être-même de Dieu. Dieu ne compare pas, car l'Amour ne compare pas. Comparer, c'est toujours juger, voir les bons et les mauvais côtés. En ce sens, juger devient un manque d'amour car cela revient à décomposer un être, pour ne voir un seul aspect de sa personne.
Publicain et pharisien, deux attitudes existentielles qui nous traversent toutes et tous. Nous sommes à la fois pharisien et publicain. Il y a de l'avoir et de la comparaison tapis au fond de nous. Il y a aussi de la nudité, de la dépossession. ??La petite parabole de ce jour nous rappelle que Dieu viendra toujours nous rencontrer par surprise dans ces lieux où nous sommes réellement nous-mêmes, où nous n'avons rien à prouver. ??Car c'est toujours quand nous rentrons chez nous, au plus profond de nous, ?que nous découvrons dans le silence que ?« celui qui se dépossède du masque de son avoir ou de ses mérites, ?découvre la source de son être véritable». Amen.
30e dimanche ordinaire, année C
- Auteur: Croonenberghs Didier
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : C
- Année: 2012-2013