31e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2010-2011

Pour la conversion des clercs

Depuis qu'il est entré à Jérusalem, Jésus se tient sur l'esplanade du temple envahie par les flux de pèlerins tout exaltés à l'approche de la fête de la Pâque. Il enseigne la foule et ainsi il restitue à l'édifice sacré sa fonction première : être le lieu où retentit la Parole de Dieu. Parole de lumière mais aussi Parole qui conteste ceux-là même qui dirigent la liturgie et la législation.

Jésus enseigne ses certitudes fondamentales (= tout le chapitre 22 de Matthieu lu ces derniers dimanches) :

-       Je suis le Fils qui appelle les invités à venir à la noce  (1-14)

-       Je n'appelle pas à la guerre (15-22)

-       J'affirme qu'il y a résurrection des morts (23-33)

-       Je centre toute la Loi de Dieu sur l'amour (34-40)

-       Je suis le Messie, fils de David et Fils de Dieu (43-46)


Et Matthieu conclut son chapitre : «  Et depuis ce jour-là, nul n'osa plus l'interroger ».

Aucun pharisien, aucun grand prêtre n'a pu prendre Jésus en défaut. Mais aucun ne s'est rallié à lui. Au contraire leur hostilité s'exacerbe: ils ne veulent pas l'écouter, endurcis dans leur aveuglement. Peu à peu, d'heure en heure, Jésus sent sa fin s'approcher. C'est pourquoi il va adresser une mise en garde contre ces hommes d'autant plus coupables qu'ils sont les responsables, les guides du peuple.

Ces dénonciations ne s'adressent évidemment pas qu'aux autorités juives car les mêmes défauts peuvent se retrouver dans toute religion, y compris le christianisme !

ENSEIGNER A CONDITION DE FAIRE

Jésus déclarait à la foule et à ses disciples : «  Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Pratiquez donc et observez tout ce qu'ils peuvent vous dire. Mais n'agissez pas d'après leurs actes car ils disent et ne font pas. Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt.... »

Jésus l'avait proclamé d'emblée : «  Je ne suis pas venu abroger la Loi ou les Prophètes mais accomplir » (5, 17). Donc l'enseignement de la tradition reste valable. La Loi n'est pas déclarée obsolète. Toutefois on remarque parfois que les prédicateurs attitrés, tout en expliquant bien le message révélé, ne le mettent pas en pratique eux-mêmes. Il faut donc dépasser le scandale, savoir discerner entre la vérité dite par l'enseignant et le mensonge de sa conduite.

Ainsi des prédicateurs, emportés par leur zèle, exigent des sacrifices très lourds de la part des fidèles...mais eux-mêmes parfois s'en dispensent. Naguère Jésus, apitoyé par la multiplicité des ordonnances imposées aux gens (prières, sacrifices, jeûnes, ablutions, ...), avait lancé : «  Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug » (11, 28) Le prédicateur chrétien doit veiller à ne pas augmenter ni durcir les obligations mais d'abord montrer que lui-même pratique l'essentiel.

VANITE DES CLERCS

Ils agissent toujours pour être remarqués des hommes : ils portent sur eux des phylactères très larges et des franges très longues ; ils aiment les places d'honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues, les salutations sur les places publiques.

Autre défaut ecclésiastique connu : la vanité. On se décharge d'obligations trop lourdes mais on se drape dans des costumes d'apparat, on porte les insignes de sa dignité, on arbore vêtements, chapeaux, cornettes, gants qui sortent de l'ordinaire ; on défile pompeusement à la queue-leu-leu ; en tant que personnalités invitées, on trône au premier rang tout en murmurant des protestations d'humilité. « Oh non il ne faut pas... ».

Comme s'il y avait deux sortes de croyants : les ordinaires et les prélats chamarrés !  Les premiers apôtres - y eut-il plus grands hommes qu'eux ? - étaient vêtus comme tout le  monde ; rien ne les distinguait sinon leur amour passionné pour Jésus et l'audace d'affronter les adversaires.

PAS DE TITRES

Ils aiment recevoir des gens le titre de « rabbi ». Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de rabbi car vous n'avez qu'un seul enseignant, et vous êtes tous frères.

« Rabbi » était un titre d'honneur que l'on donnait aux experts en matière religieuse, capables de trancher sur les points de la Loi. Au 1er siècle, il fut conféré par une cérémonie d'ordination (qui disparut par la suite). Maintenant, dit Jésus, vous n'aurez plus besoin d'avoir recours à des juristes : l'Esprit-Saint demeurera en vous et il vous enseignera tout (Jean 14, 26). Vous ne serez plus des ignares dépendant d'autorités mais des « frères » qui s'instruisent l'un l'autre parce qu'ils partagent le même Esprit de Vérité.

Ne donnez à personne sur terre le nom de Père car vous n'avez qu'un seul Père, celui qui est aux cieux.

Evidemment Jésus ne parle pas du rapport ordinaire du père de famille à ses enfants mais de la coutume de vénérer une autorité religieuse par le nom de « père ». Ou de « révérend père ». Et même de « révérendissime père abbé » (grandiloquence et pléonasme !!). Laissez cela, dit Jésus, aux boîtes de fromage et aux bières : seul Dieu est votre Père et tous, d'égale dignité, vous êtes ses enfants. Cette dignité suprême dévalorise tout titre.

Ne vous faites pas non plus appeler « maîtres » » car vous n'avez qu'un seul Maître, le Christ.

Ah si le peuple chrétien avait toujours cherché à comprendre et à vivre l'Evangile et non une nouvelle théorie émise par une « Eminence » ou un « Docteur ». Que d'affrontements théologiques ont déchiré l'Eglise, que d'animosités entre savants ont provoqué des schismes !

« Sola scriptura » criait Martin Luther. L'Evangile à la lettre, disait le pauvre François.

---------Prier le PERE, méditer l'évangile du FILS, écouter le SAINT ESPRIT,  le maître intérieur: voilà ce qui constitue une communauté fraternelle telle que Jésus la veut.

LE GOUT DES GRANDEURS

Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s'élèvera sera abaissé, qui s'abaissera sera élevé.

Autre défaut courant : l'ambition. Désirer dépasser l'autre. Se vouloir le plus élevé. Péché qui travaillait déjà le groupe des 12 apôtres. En marchant on se disputait : « Qui est le plus grand ? ». Et Jésus, énervé, de prendre un gamin : «  Celui qui se fera petit comme cet enfant, voilà le plus grand » (18, 1-4). A la mère de Jacques et Jean qui intercédait pour que ses fils passent avant Pierre, il répondit : « Si quelqu'un veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur. Le fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie » (20, 20-28).

Dieu seul fixe les places. Au banquet du royaume, il vaut mieux se diriger vers le fond. (Luc  14, 10)

CONCLUSION


Depuis Jean XXIII, beaucoup d'efforts ont été faits afin de diminuer les fastes et revenir à une simplicité évangélique. Réjouissons-nous et poursuivons sur la lancée.

Que les scandales qui éclatent dans l'Eglise, au lieu de nous inciter à la quitter, nous poussent au contraire à la purifier.