31e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012


Aimer Dieu.  Mais comment voulez-vous aimer quelqu'un que vous ne connaissez pas et qu'il n'est pas possible de rencontrer ?  me disait un jour une personne.  Me revient à l'esprit cette béatitude trouvée dans l'évangile de Jean : « heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru ».  Cette affirmation est le sens même de notre foi, voire de notre liberté. 

Dieu, nous ne l'avons jamais vu et j'ai envie de vous dire : tant mieux.  Tant mieux parce que je me sens alors plus libre.  Je ne sais pas si cela vous a frappé mais depuis le début de cette célébration, je suis une entrave à votre liberté.  Non pas d'abord parce que vous êtes tenus de vous taire durant cette homélie ou de suivre la liturgie telle qu'elle vous est proposée mais plutôt parce qu'aucun d'entre vous ne peut dire que je n'existe pas.  Ma présence, mon existence s'impose à vous.  Vous ne pouvez la nier et vous n'êtes donc pas libre.  Dieu veut que nous soyons à ce point libre par rapport à Lui, qu'il ne peut plus être une évidence.  Si nous avions la certitude de son existence, nous ne serions plus libre de croire ou de ne pas croire.  Voici une belle richesse de notre foi.  Notre Dieu, révélé en Jésus-Christ et à l'½uvre dans notre monde par son Esprit, veut que ses créatures soient profondément libres par rapport à Lui.  Pourquoi ?  Peut-être tout simplement parce qu'Il recherche que nous entrions dans une relation d'amour avec lui.  Et l'amour pour se vivre, se doit d'être libre par dessus tout.  En effet, l'amour est ce sentiment merveilleux qui nous fait grandir, qui nous donne des ailes pour aller de l'avant et pour vivre sa vie autrement.  Nous avons besoin d'aimer et d'être aimé.  C'est de l'ordre de notre vitalité.  Dieu nous invite à nous tourner vers Lui et à l'aimer de « tout notre c½ur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toute notre force ».  Qu'est-ce à dire ?  Ce commandement est d'abord et avant tout une invitation à entrer en pleine vérité avec nous-même.  En Dieu, il n'y a plus de jardin secret.  Il n'y a rien à cacher.  Je le rencontre dans ma nudité intérieure.  Je me présente à lui tel que je suis.  Je lui partage mes soucis, mes zones d'ombre, mes tristesses.  Je lui offre mes joies, mes bonheurs, mes ajustements. J'entre en dialogue au plus intime de mon intimité pour chercher à comprendre ce qu'il attend de moi dans le quotidien de mon existence.  Quand j'arrive à vivre cela, je suis tout entier en Lui et Lui est tout disponible en moi.  Une paix intérieure s'installe au plus profond de mon être.  Je suis bien avec moi-même.  Je suis bien avec Dieu car je sais par-dessus tout que je suis aimé de Lui quoique je fasse, je pense ou je dise.  Il m'accepte inconditionnellement et m'ouvre son propre c½ur au plus intime du mien.  Cet amour divin est de l'ordre de l'indicible, du mystère.  C'est à chacune et chacun de nous de le trouver puis d'en vivre.  Dieu sera toujours là tout disposé à ce que nous puissions déposer en lui le lot quotidien de nos vies.  Avec personne d'autre sur cette terre, il nous est permis de vivre une telle intimité.  En effet, il ne nous est pas possible de tout dire, de tout partager.  Nous avons nos lieux personnels d'intimité, nos jardins secrets, nos fantasmes.  Ils sont en nous et seul, Dieu y accède lorsque nous lui ouvrons la porte de notre c½ur.  Façonnés par les richesses et les fragilités de notre être, nous sommes ensuite conviés à aimer notre prochain comme nous-mêmes.  Est-il besoin de rappeler que le prochain n'est pas la personne éloignée mais que c'est toujours moi qui devient le prochain de l'autre lorsque je m'en fais proche, lorsque je m'en rapproche.  Je suis donc invité à aimer de respect toutes les personnes de qui je me fais proche et à les aimer comme moi-même.  C'est-à-dire de les aimer telles qu'elles sont et non pas telles que je voudrais qu'elles soient et qu'elles deviennent.  L'amour et l'amitié que nous pouvons avoir l'un pour l'autre nous transformera immanquablement mais cela se vit tout naturellement.  Il n'y a pas un objectif caché.  L'autre, tout comme moi, est fait de forces, de vulnérabilité, d'inconnaissance et d'imperfection.  Réjouissons-nous de pouvoir vivre de ce type de rencontre dans la vérité de ce qui fait notre humanité et vivons tout tourné vers ce Dieu qui vit au plus intime de notre intimité là où nous n'avons plus rien à cacher.  Tel est le sens même de notre liberté.

Amen