32e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

PAS DE BLING-BLING DANS L'EGLISE

En 587 avant notre ère, Nabuchodonosor et ses armées s'emparent de Jérusalem : la ville est saccagée, le temple incendié, le roi, la cour et les classes dirigeantes déportés en Mésopotamie. Ce désastre aurait pu être la fin d'Israël qui allait se laisser assimiler par la brillante civilisation païenne mais les exilés s'accrochent à leur foi ancestrale : ils se réunissent, collectent leurs souvenirs, réfléchissent à leur destin. Et lorsqu'après plus de 50 ans, sous le nouvel empire perse, ils rentrent au pays, ils rebâtissent leur capitale, édifient un nouveau temple et les scribes (les lettrés) réalisent une ½uvre extraordinaire : ils créent la BIBLE. Royauté et armée sont vulnérables ; temple et culte fragiles ; pays facilement envahi et occupé. Reste LE LIVRE de l'ALLIANCE AVEC DIEU.

LES SCRIBES ET LA NAISSANCE DE LA BIBLE

Sous la direction d'EZRA (Esdras), le prêtre-scribe, on fait mémoire de l'histoire d'Israël, on rassemble les oracles des anciens Prophètes et on conclut que la terrible catastrophe était le châtiment mérité de Dieu à cause des infidélités répétées de son peuple. En conséquence, l'urgence, la solution pour l'avenir est de fixer par écrit cette histoire de l'alliance de Dieu et d'enseigner sa Loi au peuple afin que tous désormais observent les commandements de Dieu et évitent les péchés du passé. C'est ainsi que naît l'ébauche de la  BIBLE.  
A ce moment, les SCRIBES commencent à prendre une importance fondamentale. Comme EZRA, ces hommes lettrés ont charge d'écrire la Loi, de la recopier avec précision, de la méditer, de l'étudier et de l'enseigner avec la plus totale fidélité à la lettre. L'explication et la transmission des ECRITURES deviennent une charge capitale, essentielle : c'est autour de ces textes que se constitue Israël - tel que nous le connaissons encore aujourd'hui. Israël a écrit les saintes Ecritures mais c'est la Parole de Dieu qui a gardé Israël.
La secte pharisienne va naître, elle aussi, de cette préoccupation d'identité et de survie : leurs scribes s'appliqueront à la pratique la plus tatillonne de tous les préceptes, créeront des coutumes pour préserver les observances et veilleront à ce que l'héritage soit transmis par les parents à leurs enfants.
Dans la société juive, les scribes sont réputés pour leur science ; les grands maîtres éblouissent leur auditoire par leur subtilité d'esprit, ils sont vénérés et salués par le titre de « rabbi » (mon maître) - qui donnera le mot rabbin. Certains d'entre eux sont choisis pour faire partie, avec des grands prêtres et des anciens, du grand tribunal, le Sanhédrin.

LES SCRIBES ET JESUS

Dans les évangiles, par contre, les scribes apparaissent comme des adversaires farouches de Jésus. Ces savants sont choqués par les audaces de ce paysan, Jésus de Nazareth, un « laïc », un petit villageois qui n'a pas fait les longues études nécessaires, n'a aucune compétence pour prêcher, prend l'initiative de pardonner les péchés (2, 6), fréquente des pécheurs notoires (2, 16), n'observe pas les coutumes habituelles (7, 1). Ce sont les scribes, dit Marc, qui accusent Jésus d'être un possédé qui a fait un pacte avec le diable (3, 22) et ils sont décidés à le supprimer dès que possible (11, 18). Lorsque Jésus annonce à ses disciples sa passion prochaine, il leur dit qu'il sera rejeté « par les grands prêtres, les anciens et les scribes » (8, 31 ; 10, 33).  Avec le sanhédrin, ils parviendront à arrêter et à livrer Jésus (14, 43.53 ; 15, 1) ; certains d'entre eux se moqueront du crucifié (15, 31)
Pourtant nous avons rencontré dimanche passé un scribe qui ne partage pas l'animosité de ses collègues et qui se réjouit de son accord avec Jésus sur le primat absolu de l'amour « qui vaut mieux que les holocaustes ».  Il ne faut donc jamais généraliser.
Toujours est-il qu'à la suite des quelques controverses qu'il a eues avec eux au temple, Jésus dénonce vertement le péché de ces hommes.
Dans son enseignement, Jésus disait : «  Méfiez-vous des scribes qui tiennent à sortir en robes solennelles et qui aiment les salutations sur les places publiques, les premiers rangs dans les synagogues et les places d'honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement : ils seront d'autant plus sévèrement condamnés ».
Parmi ces « théologiens », certains sont imbus de leur savoir, jouent aux grands personnages, s'habillent de manière chic, se plaisent à recevoir les marques de respect et de vénération des passants, jouissent d'occuper les places d'honneur dans le culte et les réceptions. Ces « intelligents », on leur voit faire de longues prières mais leur piété affectée cache un c½ur cupide, manigançant pour obtenir les cadeaux des riches et jouir de l'héritage des veuves fortunées.
Vanité, recherche des honneurs, cupidité : péchés d'autant plus graves qu'ils sont le fait de personnes qui se présentent comme les savants, les modèles et qu'ils dissimulent ces fautes sous des apparences pieuses.
A deux reprises, Jésus avait tancé ses apôtres qui étaient tentés, eux aussi, de devenir de grands chefs pour épater la galerie : « Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » (9, 35 et 10, 43).

LA GENEROSITE AUTHENTIQUE

Par contre, Jésus va faire l'éloge d'une pauvre et humble femme qui est tout le contraire de ces maîtres.

Jésus s'était assis dans le temple en face de la salle du trésor et regardait la foule déposer de l'argent dans le tronc. Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s'avança et déposa deux piécettes. Jésus s'adressa à ses disciples : «  Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence. Elle a tout donné, tout ce qu'elle avait pour vivre ».
Sans doute les apôtres manifestaient-ils leur admiration pour tel ou tel qui  ostensiblement glissait dans le tronc une somme importante. Jésus détrompe ses amis  et leur apprend que la générosité doit s'évaluer selon le rapport « possession/don ». Un milliardaire qui offre 50.000 euros n'est pas généreux puisqu'il écorne à peine son superflu et n'entame en rien son train de vie. Tandis que cette petite vieille misérable, apportant quelques centimes, tout ce qu'elle a, montre, elle, une générosité authentique.

CONCLUSIONS

On comprend pourquoi certaines autorités religieuses du temple ont détesté, rejeté et finalement condamné Jésus à mort. Afin de libérer la foi du légalisme et le culte du formalisme, il osait dénoncer leurs fautes graves : multiplier les préceptes au point de transformer la Loi en un carcan d'obligations insupportables pour le peuple, valoriser leur personnage, s'infatuer d'eux-mêmes, courir après les honneurs, aimer l'argent, placer le culte et la régularité des rites avant l'amour. Marc, en dénonçant certains scribes juifs, pressait les savants de l'Eglise de ne pas leur ressembler. Or  hélas, l'histoire raconte que, pas peu souvent hélas, dans les hauts degrés de la hiérarchie, certains sont retombés dans les mêmes travers.

Jésus a beaucoup appris des femmes lesquelles n'avaient qu'un statut mineur dans la société du temps. Naguère, une d'elles, souffrant d'hémorragies, l'avait émerveillé par sa foi (5, 25) ; lors de son passage en Phénicie, il avait été frappé par la foi d'une maman qui intercédait pour sa petite fille et le pressait d'élargir sa mission (les miettes) aux païens (7, 27) ; ici à nouveau une femme, sans un mot, donne à Jésus une fameuse leçon : pour Dieu, il faut savoir donner tout son bien jusqu'à se dépouiller. Jésus, frappé par cet exemple silencieux, va aller beaucoup plus loin puisque ce n'est pas de l'argent mais son être, sa vie qu'il va bientôt offrir sur la croix. Enfin lorsqu'une femme le oindra à Béthanie, il y verra le signe de son ensevelissement (14, 3). Les femmes l'ont aidé à reconnaître son chemin.