Jésus a échoué à se faire reconnaître à Jérusalem Endurcis dans leur fermeture, ulcérés par ses invectives, ses ennemis préparent sa perte.
Jésus en est bien conscient. Bouleversé de deviner le destin tragique de cette ville qu'il aime tant, il sort du temple et, à partir du mont des Oliviers, il fait à ses disciples un long discours d'adieu. En deux chapitres (24-25), c'est le 5ème et dernier discours de Jésus dans l'évangile de Matthieu qui enchaînera, tout de suite après sur le récit de la Passion. C'est dire l'importance de cette ultime instruction sur l'avenir (on dit : "eschatologique").
LE DISCOURS D'ADIEU DE JESUS AUX SIENS
Jésus met les siens en garde : l'histoire va continuer, elle sera très longue et parsemée de malheurs. De faux libérateurs se prétendront les véritables messies, des calamités naturelles et des guerres éclateront, on persécutera les chrétiens, une terrible catastrophe surviendra en Judée (sans doute la guerre et la défaite de l'an 70). Mais, au sein même de ces tourments et sans discontinuer, les disciples auront la mission essentielle de proclamer l'Evangile, la Bonne Nouvelle du Royaume dans le monde entier (24, 14).
Et Jésus termine par une ultime promesse qui doit permettre aux disciples de garder courage et de tenir bon dans les adversités :
le Fils de l'homme viendra dans la Gloire.
Souvent Jésus s'est attribué ce titre qu'il a trouvé dans le prophète Daniel : un siècle et demi avant le Christ, celui-ci racontait une vision apocalyptique :
"Je regardai dans les visions de la nuit et voici qu'avec les nuées du ciel venait comme UN FILS D'HOMME : il arriva jusqu'à l'Ancien (symbole de Dieu)...Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté. Les gens de tous peuples, nations et langues le servaient. Sa Souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas et sa royauté ne sera jamais détruite
( Daniel 7, 13)
Jésus (alors même qu'il est prêt d'être jugé et condamné comme un malfaiteur !) affirme qu'il s'identifie à ce mystérieux personnage et que son futur avènement dans la Gloire divine - que l'on appelle PAROUSIE - est absolument certain. Il sera soudain comme l'éclair (24, 27), imprévu comme le déluge (24, 37) et nul, sauf Dieu le Père, n'en connaît ni le jour ni l'heure.
A plusieurs reprises, Jésus insiste sur cette ignorance afin de détourner les siens de la folle curiosité des calculs, supputations, pronostics sur "la fin du monde" - temps perdu en vain et qu'il faudrait consacrer à adopter la seule attitude qui importe : VEILLER, DEMEURER VIGILANTS, SE TENIR PRETS car "en ce jour" Dieu effectuera un discernement, un tri définitif parmi les humains.
Cinq paraboles se succèdent pour nous mettre en garde, nous apprendre à demeurer vigilants, à garder l'espérance - tant le danger qui nous guette est d'oublier l'horizon, le but de l'existence et de nous enliser dans le souci des choses immédiates.
Aujourd'hui nous écoutons la 3ème de ces paraboles de la vigilance.
LA PARABOLE DES 10 JEUNES FILLES
Le Royaume de Dieu, dit Jésus, sera comparable à 10 jeunes filles invitées à des noces. 5 insensées prennent leur lampe ; 5 prévoyantes, avec leur lampe, prennent de l'huile en réserve.
L'époux tardait : toutes s'endorment...
Au milieu de la nuit, un cri : " Voici l'époux : sortez à sa rencontre !".
Toutes se réveillent et prennent leur lampe. Les insensées disent aux autres : " Donnez-nous de votre huile car nos lampes s'éteignent" ; elles répondent : " Jamais ça ne suffira ; allez plutôt vous en procurer chez les marchands". Pendant qu'elles y vont, l'époux arrive. Les filles qui sont prêtes entrent avec lui dans la salle de noces et on ferme la porte.
Plus tard les autres arrivent et crient : " Seigneur, Seigneur, ouvre-nous". Il leur répond : " Amen je vous le dis : je ne vous connais pas".
VEILLEZ DONC CAR VOUS NE SAVEZ NI LE JOUR NI L'HEURE
Jésus s'est inspiré d'une coutume de son pays : pendant que les deux familles discutaient âprement (parfois très longtemps) au sujet du montant de la dot de la mariée, des jeunes filles se préparaient pour faire joyeux cortège au jeune époux lors de son arrivée.
Ainsi, dit Jésus, à la fin, il y aura "des noces" : l'Alliance (que nous aurons toujours confondue avec des préceptes à suivre) s'accomplira, sera "consommée". Il y aura bien union entre la divinité et l'humanité, donc accès à la plénitude de la Béatitude éternelle.
Mais le temps est long, les siècles passent, on ne voit rien venir et le soupçon met en doute cette échéance. Est-il vrai que le Christ viendra ? N'est-ce pas une légende ? N'est-il pas mieux de profiter, dès aujourd'hui, des plaisirs de la vie ? (en nous plaignant des injustices mondiales et en glissant parfois une piécette à un mendiant).
Mais inéluctablement, pour chacun de nous, le moment vient, l'invitation nous est faite d'entrer dans la Vraie Vie. Alors les "insensés" ne peuvent plus demander au "prévoyants" l'espérance qu'ils ont abandonnée - pas plus qu'un athlète qui a omis de soigner sa préparation ne peut, à la veille des Jeux, demander à un autre de lui passer tout à coup "sa forme". A ce moment, il est trop tard, la lumière de la foi est éteinte et la porte est fermée !
Ce n'est pas la première fois que Jésus évoque cette éventualité : déjà, à la fin de sa 1ère instruction (Le Sermon sur la Montagne), il avait mis en garde ses auditeurs :
Il ne suffit pas de me dire :" Seigneur ! Seigneur !" pour entrer dans le Royaume de Dieu ; il faut faire la volonté de mon Père. En ce jour-là, beaucoup me diront : " Seigneur, Seigneur, n'est-ce pas en ton nom que nous avons prêché, que nous avons fait des miracles ?" Alors je leur dirai : " Je ne vous ai jamais connus ; écartez-vous, vous qui commettez l'iniquité (7, 21-23)
N'est-ce pas le péril sournois de notre société où l'idéal - qu'un philosophe désignait comme "le sacre du présent"- se réduit à la hausse du niveau de vie, à la crispation sur ses propres droits, à la fascination de la jouissance immédiate ? Contaminés par cet état d'esprit, des baptisés, en foule, oublient l'avenir de Dieu ; ils aménagent, gèrent, améliorent le quotidien. Ils ne voient plus la nécessité de participer au repas eucharistique de la route puisque, installés dans l'avoir, ils n'attendent plus personne.
Et si notre témoignage le plus urgent était de rendre l'espérance à une société nantie ? Voit-on que nous sommes en attente de Dieu ?
Seigneur : que ton Esprit de Lumière nous garde éveillés dans la nuit du monde.
Que ton Eglise soit un peuple en marche, pauvre,
animé par l'espérance, "pré-voyant".
Sans mépris des choses de la terre. Sans anxiété devant l'avenir.
Sûrs que nous allons à ta rencontre et que tu es Amour.
Que l'espérance de la consommation des noces futures
nous garde de l'enlisement dans la consommation des biens matériels