32e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Vous est-il déjà arrivé d'être interrompus dans vos activités ô combien sérieuses et essentielles par un certain type de personnes qui viennent frapper à votre porte ? Ils se dénomment les témoins de Jéhova. Souvent, ils se promènent deux par deux avec de longs imperméables gris ou bleus et viennent chez vous le dimanche à une heure où généralement nous avons toujours mystérieusement quelque chose d'urgent à faire. Certains prétendent que si vous êtes accueillants, et je ne sais pas s'ils ont raison car ces témoins ne viennent jamais frapper à la porte d'un couvent dominicain, il vous est difficile de clôturer la conversation. Si par le plus grand des hasards, vous vous trouviez dans une telle situation, il est une solution radicale pour que votre rencontre se termine très rapidement... Vous la connaissez peut-être. Il suffit de leur parler calmement de "don de sang". Simplement parce que c'est ce dont ils ne veulent pas entendre parler. Un simple autocollant sur votre porte d'entrée suffira à ce qu'ils ne vous importunent plus. Il y a des choses dont ils n'aiment pas entendre parler.

Eh bien, il me semble que dans l'Evangile que nous venons d'entendre Jésus s'y prend un peu de la même manière. Non pas qu'il vienne nous importuner mais plutôt parce que les sadducéens - un groupement qui ne croyait ni aux anges ni à la résurrection - viennent provoquer Jésus avec ce fameux cas d'école de la femme aux sept maris et je ne sais pas qui est le plus à plaindre dans cette histoire. En effet, Jésus, plutôt que de répondre à la question qui lui est posée, il leur parle de deux choses : précisément de résurrection et d'anges, deux sujets en quoi ne croient pas les sadducéens et qu'ils ne veulent surtout pas entendre. Pour leur répondre, Jésus présuppose quelque chose qu'ils rejettent catégoriquement. Pourquoi agit-il de la sorte, sommes-nous en droit de nous demander ? Peut-être parce que Dieu semble nous questionner bien plus souvent que nous n'oserions l'imaginer sur ce qui nous pose problème. Il nous interpelle, il nous interroge précisément sur nos peurs, sur nos doutes voire sur nos manques de foi. Nous pourrions même en arriver à imaginer que le jeu de Jésus, le jeu de Dieu est plus subtil que nos questions, plus subtil que nos énigmes ou nos recherches de preuves. Vraiment, Jésus nous provoque dans notre foi mais pour qu'ensuite, par la foi nous devenions des provocateurs. Permettez-moi de répéter ceci. Je crois profondément que Jésus nous provoque dans notre foi, pour qu'ensuite, grâce notre foi nous soyons des croyants provocateurs. En effet, si Jésus nous provoque dans notre foi, c'est peut-être pour nous amener à quitter ces certitudes dans lesquelles nous nous sommes laissés enfermer au fil des années et ce, afin de réfléchir en vue de nous laisser guider par la vérité. Ne sommes-nous pas parfois comme ces sadducéens de l'Evangile. Nous aussi nous avons une certaine représentation de la vie après la mort. Notre perspective d'éternité est marquée, voire contaminée par nos propres visions de la vie d'ici-bas. Ce qui est certain, c'est qu'en fait, nous ne savons pas ce qui nous attend. Nous croyons et nous espérons que l'au-delà de la vie sera un royaume où les vivants, les grands vivants que nous serons, auront leur place. Jésus, quant à lui, nous parle de manière très surprenante d' « anges », non pas pour donner une réponse claire, mais plutôt pour fournir une image sur laquelle personne n'a aucune prise. D'une certaine manière, Dieu se révèle à nous dans des lieux où notre raison ne nous pousse pas à le chercher spontanément. Il nous surprend et se révèle à nous pour nous amener en dehors de nos certitudes parfois bien précaires. Il nous appelle hors de nos convictions pour que nous cherchions plus loin la vérité. C'est peut-être cela la pro-vocation : une vocation pour quelque chose. Toutes et tous, nous sommes appelés à partir en dehors de nous, c'est-à-dire à quitter les lieux de nos certitudes pour oser entrer dans un mystère qui ne pourra se comprendre que le jour où nous le vivrons. Dieu nous provoque et nous invite à entrer dans une dynamique de provocation. Toutefois, non pas par une provocation qui cherche à choquer pour le plaisir. Provoquer, ce n'est pas partir à la recherche du sensationnel tellement éphémère. Non. Provoquer, c'est oser questionner librement, oser questionner pour avancer ensemble dans le mystère... C'est pourquoi, nous devons être à notre tour des croyants provocateurs, c'est-à-dire des hommes et des femmes qu'ils soient debout ou alités et qui ont comme vocation première de ne jamais s'arrêter de questionner car ils perçoivent que la foi ne se laisse découvrir que dans l'étonnement de la Parole du Fils de Dieu.

Amen.