Cette homélie a été pronocée à l'occasion de la première messe du frère Pierre Vreuls.
Je ne sais pas si des témoins de Jéhovah sont déjà venus frapper à votre porte. Vous voyez, ces gens qui se promènent toujours par deux avec de longs imperméables gris et qui viennent chez vous le dimanche à une heure où généralement nous avons toujours mystérieusement quelque chose d'urgent à faire. Si par le plus grand des hasards, vous deviez un jour discuter avec eux, il est une solution radicale pour que votre rencontre se termine très rapidement... Vous la connaissez peut-être. Il suffit de leur parler calmement de " don de sang... " simplement parce que c'est ce dont ils ne veulent pas entendre parler... Si par contre, c'est un ingénieur civil comme ton père, Pierre, ou un économiste comme toi qui frappe à votre porte le dimanche matin et que vous voulez que l'entrevue soit très courte, je vous conseille de lui expliquer la mécanique des fluides ou bien de problèmes macroéconomiques en lui parlant de la "grâce de Dieu". A mon avis, il ne vous écoutera pas très longtemps.
Eh bien, il me semble que dans l'Evangile que nous venons d'entendre Jésus s'y prend un peu de la même manière. En effet, des sadducéens -un groupement qui ne croyait ni aux anges ni à la résurrection- viennent provoquer Jésus avec un cas d'école. Mais plutôt que de répondre à la question qui lui est posée, Jésus leur parle de deux choses : précisément de résurrection et d'anges, deux choses en quoi ne croient pas les sadducéens et qu'ils ne veulent pas entendre. Pour leur répondre, Jésus présuppose quelque chose qu'ils rejettent catégoriquement.
Pourquoi ? Peut-être parce que Dieu nous questionne bien souvent sur ce qui nous pose problème. Il nous interpelle, nous interroge précisément sur nos peurs ou nos manques de foi. Le jeu de Jésus, le jeu de Dieu est donc plus subtil que nos questions, plus subtil que nos énigmes ou nos recherches de preuves. Vraiment, Jésus nous provoque dans notre foi mais pour qu'ensuite, par la foi nous soyons des provocateurs. Permettez-moi de répéter ceci. Je crois profondément que Jésus nous provoque dans notre foi, pour qu'ensuite, grâce notre foi nous soyons des provocateurs.
1. Tout d'abord, si Jésus nous provoque dans notre foi, c'est peut-être pour nous amener à quitter nos petites certitudes pour réfléchir et pour nous laisser guider par la vérité. Si comme les sadducéens de l'Evangile, nous imaginons une certaine forme de vie après la mort en lui appliquant nos visions de la vie d'ici bas ; Jésus, quant à lui, nous parle de manière très surprenante d'" anges ", non pas pour donner réponse, mais pour fournir une image sur laquelle personne n'a prise. D'une certaine manière, Dieu se révèle à nous dans des lieux où notre raison ne nous pousse pas à le chercher spontanément. Il nous surprend et se révèle à nous pour nous amener en dehors de nos certitudes parfois bien précaires. Il nous appelle hors de nos convictions pour que nous cherchions plus loin la vérité. C'est peut-être cela la pro-vocation. Etre appelé en dehors de nous et de nos certitudes... Non pas par une provocation qui cherche à choquer. Provoquer, ce n'est pas seulement boire une bière avec des santiags, une chemise à fleur et une petite croix sur le col, comme Pierre aime le faire de temps en temps ; provoquer, ce n'est pas non plus appuyer sur les faiblesses des autres,... Non. Provoquer, c'est questionner librement, questionner pour avancer ensemble dans le mystère...
2. C'est pourquoi, nous devons être à notre tour des provocateurs, nous devons tous être des " prêcheurs provocateurs " qui questionnent. Pierre, tu m'as dit un jour que c'était pour toi cela le secret (s'il y en a un) des dominicains : le questionnement. Celles et ceux que tu accompagnes savent que tu le fais si bien et nous qui vivons avec toi savons que tu y consacres tant de temps. En devenant frère prêcheur, tu as questionné ta famille et tes amis et tu en questionneras encore dans tes rencontres h, et depuis la semaine dernière, dans la manière avec laquelle tu célébreras les différents sacrements.
Mais Pierre ne nous questionne certainement pas en assénant des certitudes ou en posant des énigmes. Non, il nous invite à réfléchir pour avancer dans ce mystère sur lequel nous n'aurons jamais pleinement prise ici-bas. Il est peut-être un de ces " prêcheurs provocateurs " cherchant à nous questionner et nous dire : que Dieu n'est peut-être pas là nous croyons qu'il est.
que l'Eglise n'est peut-être pas là où certains peuvent croire qu'elle réside... dans une vieille et froide sacristie par exemple. Rassurez-vous, celle-ci est chauffée.
que les dominicains ne sont peut-être pas tous comme dans le film le " Nom de la rose "...
Un article à propos de Pierre et de l'ordination de la semaine passée paru dans un quotidien " régionalement connu " que je ne citerai pas (je peux juste vous dire que son nom n'est pas sans lien avec l'Evangile qui est dirigé vers l'avenir de la résurrection) avait pour titre cette semaine : " une vie basée sur la rencontre ". Si cette vie est basée sur la rencontre, ces rencontres doivent à leur tour se baser sur la vie, sur la Vie du Dieu des vivants. Alors, peut-être grâce à ces rencontres, Dieu pourra se révéler dans des endroits inattendus. Que cet inattendu de Dieu ne cesse jamais de te provoquer pour que toi-même, Pierre, tu restes le " frère prêcheur provocateur " de vie et de rencontre.
Amen.