Jésus me soulage beaucoup aujourd'hui ; non que ce soit facile de prêcher cet évangile, mais parce qu'il esquive la réponse à la colle qui lui est posée par ces sadducéens, parti conservateur, qui ne reconnaissait que les 5 premiers livres de la Bible, la Torah, bref la Loi. Cette loi précisément obligeait un homme à épouser l'épouse de son frère si celui-ci mourait sans enfants. Colle à partir d'un cas purement imaginaire, de discutailleurs, de jésuites comme dirait un de mes confrères bien connu. Qu'est-ce que cela change que cette femme ait eu 7 maris consécutifs ou bien 50 ! Non sans humour Jésus dit d'abord que cela n'a plus d'importance puisqu'on devient pareils à des anges. Bien sûr, - me disait un des jeunes préparant la messe avec moi et qui n'est pas étudiant en théologie mais plein de bon sens, - mariés ou pas, question inutile puisque les anges n'ont pas de sexe : ils sont des esprits. Me voilà libéré : je ne vais pas non plus répondre. Jésus en fait n'entre pas dans leur jeu ; il les prend de face sur les points de croyance qu'ils refusent : anges et résurrection. Eux parlent de loi, de mort (voyez ce qu'ils disent) ; Jésus parle de mort et de vie : tout un monde, et pourtant c'est lié.
Regardez les frères appelés traditionnellement les 7 frères Maccabées : il est question de mort, mais comme ouverture à la vie. Comment de telles morts seraient-elles possibles sans une foi intérieure qui motive, et pour nous comme pour eux c'est bien la foi en la résurrection, c'est-à-dire la foi en une plénitude de vie. Jésus ne s'arrête pas à décrire la résurrection et ne répond pas - pas plus que moi - à certaines de nos questions " comment cela ira-t-il ? Est-ce que nous allons encore manger, boire, rire, etc " il affirme simplement qu'il s'agit de vivre. A la résurrection, plus besoin de progresser, d'avoir des enfants, d'utiliser ses mains, ses pieds ; tout progrès se fait avant et il se fait dans la fidélité, dans une foi qui donne sens à notre vie aujourd'hui. Avec les 7 frères martyrs, nous sommes invités à la fidélité à nos convictions d'homme et de chrétien : savoir mourir plutôt que de transgresser nos convictions, être fidèles à nos amitiés et à notre idéal de vie, à nos alliances : oui, mais cela n'est possible qu'avec une foi qui donne sens à notre vie, c'est-à-dire une foi en une vie épanouie que nous apporte la résurrection, et cette vie est autre.
Il y a 40 ans, le 25 novembre 1964, le frère Xavier Deltour, dominicain, était assassiné au Congo, donnant sa vie pour la mission et pour moi. Il avait 32 ans. Si je n'étais pas rentré en congé 5 mois auparavant, il ne serait pas venu et j'aurais été à sa place. Dès son départ de Belgique, il savait quel risque il assumait, librement. 12 autres frères dominicains l'accompagnèrent dans la mort. Ils auraient pu aussi partir auparavant s'ils l'avaient voulu. Victoire de la fidélité, fortifiée par le sens que donnait leur foi à leur vie ! Comme les frères Maccabées c'est aussi ensemble qu'ils se sont soutenus l'un l'autre dans cette épreuve parce qu'une même foi les éclairait et leur donnait la force.
Oui, nous avons une foi qui nous est commune, que parfois nous confessons ensemble sans nous rendre compte de l'unité qu'elle crée entre nous et du soutien mutuel qu'elle apporte. La force des uns et des autres vient de ce que des frères et des s½urs disent la même chose : force de la communauté. Alors la question des sadducéens devient sans objet. Ce n'est pas la vie après la mort qui doit faire l'objet de nos préoccupations - ous ne pouvons rien y changer -, mais notre vie aujourd'hui qui nous prépare à ce passage appelé mort, qui n'est pas à voir comme tragique mais se vit dans l'espérance la possibilité d'une vie plus forte, en plénitude.
Vraiment en quelque sorte Jésus dit aux sadducéens que leurs questions ne sont plus d'actualité. Arrêtons ce genre de questions. La vraie question n'est pas là de savoir comment s'y retrouver dans les différents maris qu'on a eus : nous savons dans notre foi que nous nous retrouverons en frères et soeurs, et que nous serons en pleine vie, en pleine forme, et je ne crois pas que ce sera la forme d'anges même si, bien sûr, l'esprit nous animera. Les vieilles questions n'ont plus cours, elles mourront avec nous : Dieu est le Dieu des vivants. Oui, la résurrection, notre résurrection donne une motivation puissante à tous nos projets de vie. C'est aujourd'hui que nous pouvons construire et développer cette vie qui s'épanouira une fois pour toutes si nous sommes vraiment fidèles à nos convictions, fidèles à l'alliance et à l'amour que nous propose l'auteur de la vie, Jésus le Christ.