32e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Le Dieu des Vivants

Alors que nous venons de célébrer la magnifique fête de TOUS-LES-SAINTS et de prier pour les défunts, il est curieux d'apprendre que bien des catholiques pratiquants avouent ne pas croire en la résurrection. " D'ailleurs, remarquent-ils, personne n'est jamais revenu de là-bas !".

Or justement SI ! Quelqu'un est en effet revenu de la mort : Jésus de Nazareth, l'homme crucifié, mort et enseveli au Golgotha, est revenu près des siens. Lorsque, disent-ils, notre Maître a été arrêté, nous nous sommes enfuis comme des lâches mais peu après, il nous a rejoints au c½ur de notre détresse, il a dissipé nos premières impressions ("ça doit être un fantôme !?") et il nous a convaincus de sa victoire sur la mort. Il n'était pas "réanimé" (comme Lazare qui a bénéficié d'un sursis) mais "ressuscité", relevé, comblé de la Vie divine, véritable Seigneur du monde à l'égal de Dieu son Père.

C'est ce message de la résurrection (et non un appel à une existence vertueuse) que les apôtres ont tout de suite proclamé et qu'ils ont voulu propager dans le monde entier, au risque de leur vie. Sans cela il n'y aurait ni Évangile ni Église, et même nous ne connaîtrions pas ce Jésus qui fut un condamné parmi tant d'autres.

LA RÉSURRECTION, ESPÉRANCE TARDIVE Cette croyance nous semble tellement irrationnelle, tellement impossible qu'elle a mis des siècles avant d'apparaître en Israël. Tout au long de son histoire, celui-ci était persuadé que le décès était l'achèvement de tout et que seul subsistait de nous une ombre falote qui errait dans l'abîme lugubre du Shéol ou Hadès.

Ce n'est qu'au 2ème siècle avant Jésus, lorsque Israël subit une terrible persécution, que la tradition s'ouvrit à une nouvelle espérance. Il n'était pas possible que l'impiété et l'injustice triomphent de la Justice de Dieu donc "il fallait" que les victimes qui avaient offert leur vie pour la foi ressuscitent. Ainsi, dit-on dans un récit emblématique que le jeune prêt à être exécuté, disait :

" Puisque nous mourons par fidélité à ses lois, le Roi du monde nous ressuscitera pour une Vie éternelle"

(1ère Lecture : 2 Maccabées 7)

Cette foi nouvelle ne fut pas acceptée par tous : si les Pharisiens l'adoptèrent, les Sadducéens continuèrent à la nier parce qu'elle ne se trouvait pas exprimée dans la Torah, les 5 Livres de la Loi qu'ils recevaient comme Écritures saintes.

JÉSUS AFFIRME LA FOI EN LA RÉSURRECTION En tout cas, Jésus, lui, y croit fermement et l'affirme face à ses adversaires.

Après l'ultime étape à Jéricho, on sait qu'il a fait sa joyeuse entrée dans Jérusalem, bondée de pèlerins venus pour la pâque mais il refuse de provoquer l'insurrection armée que la foule attend de lui et inlassablement, au temple, il annonce le Royaume des Béatitudes qui appelle à la conversion générale.

Ses ennemis le harcèlent de questions pièges et c'est ainsi que des Sadducéens viennent lui soumettre l'histoire qu'ils ont inventée pour tourner en dérision cette croyance nouvelle. Si, disent-ils, une femme est veuve et se remarie à plusieurs reprises, de qui sera-t-elle l'épouse dans l'au-delà ?

Jésus va leur fournir une double réponse.

D'abord il dissipe nos imaginations ridicules sur le monde futur :

"Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui seront jugés d'avoir part au monde à venir et à la résurrection d'entre les morts, ne se marient pas, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu, en étant héritiers de la résurrection".

Acceptons donc d'être frustrés : enfermés dans l'espace-temps nous resterons toujours radicalement incapables d'imaginer la vie dans l'au-delà. Si la sexualité est un combat contre la mort, une façon de sauver notre vie, de nous prolonger en donnant naissance à des êtres après nous, il est évident qu'elle n'aura plus lieu d'être dans l'éternité, là où il n'y a plus ni temps ni mort. L'amour que tous - mariés ou célibataires- nous aurons cherché ici-bas sera enfin accompli en plénitude. Il n'y a aura plus que l'Amour.

En second lieu, Jésus affirme nettement le fait de la résurrection :

" Quant à dire que les morts doivent ressusciter, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur : " le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob". Il n'est pas le Dieu des morts mais des vivants. Tous vivent en effet pour Lui".

Jésus répond à ses interlocuteurs sur leur terrain et il cite le texte célèbre du Livre de l'Exode ( 3, 6 ), celui de la vocation de Moïse où Dieu se présente comme le Dieu de chaque Patriarche -ce qui, pour lui, sous-entend avec netteté que ces hommes vivent. Car s'ils étaient anéantis, si la mort pouvait les arracher au Dieu qui leur a donné les promesses, c'est donc que la mort l'emporterait sur Dieu !? Si elle règne impitoyablement sur l'humanité, elle est donc le Dieu suprême ! Dans ce cas, dit St Paul, reprenant le cri du prophète Isaïe :

" Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons car demain nous mourrons"( Is 22, 13 et 1 Cor 15, 32 )

Telle est bien l'idéologie de notre société dite "de consommation" : bloquée entre des horizons terrestres, elle ne peut que nous entraîner vers le maximum de plaisirs et de jouissances immédiats - signe qu'elle se déploie sous le signe de la mort (d'où les drogues, les violences, l'idolâtrie, l'immense injustice d'un monde cassé entre riches et pauvres)

Ni anéantissement, ni réincarnation, ni projection de nos petits bonheurs, ni utopie : la mystérieuse résurrection est la certitude qui habite Jésus et qu'il affirme quelques heures avant d'affronter la mort la plus cruelle. Elle est la Bonne Nouvelle sans laquelle notre foi est vide ( 1 Cor 15,14).

Comme Jésus, ne perdons pas de temps en rêveries folles, en imaginations stériles : vivons chaque jour du temps en aimant et en espérant.

L'amour est l'Éternité commencée. L'espérance est la possibilité de l'amour indestructible.