33e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Les fêtes des deux dimanches précédents ayant interrompu le fil du récit de saint Matthieu, nous le reprenons aujourd'hui. Pendant ses derniers jours à Jérusalem, Jésus prêche inlassablement et évite les questions pièges de ses adversaires. Enfin il " sortit du temple" (25, 1) qui le refuse. Assis en face, sur la pente du mont des Oliviers, il contemple le paysage de la ville dominé par le temple majestueux que les disciples n'en finissent pas d'admirer. Soudain Jésus leur fait une annonce stupéfiante : " Vous voyez tout cela ?...En vérité, tout sera détruit". Et là-dessus, dans un grand discours, le 5ème et dernier de l'évangile de Matthieu ( de 24, 4 à 25, 46), il leur livre ses ultimes instructions : il les met en garde car ils vont traverser des temps de grande détresse, il leur prédit la destruction de ce temple et surtout il leur annonce son retour dans la gloire.

Pour quand ? Impossible de le déterminer. D'où une unique consigne, répétée avec insistance : "VEILLEZ ...TENEZ-VOUS PRETS" (24, 42-44).

Que signifie donc cette vigilance ? Quatre paraboles vont l'expliquer :

24, 45-51 : parabole des serviteurs établis pour veiller sur la maison abandonnée par le maître. Heureux celui que le maître, à son arrivée, trouvera en pleine activité. Elle s'adresse donc aux responsables des communautés. 25, 1-13 : parabole des 10 jeunes filles chargées d'accueillir l'époux. Heureuses celles qui ont prévu une réserve d'huile pour allumer leur lampe et entrer dans la salle des noces. Dans la nuit, il faut garder la flamme de la foi ! 25, 14-30, la parabole des talents lue en ce jour. La 4ème parabole constituera l'évangile de dimanche prochain.

LE MAITRE ABSENT ET SES SERVITEURS

Un homme qui partait en voyage appela ses serviteurs et leur confia ses biens. A l'un il donna une somme de 5 talents, à un autre 2 talents, au 3ème un seul - à chacun selon ses capacités. Puis il partit.

Dans cet homme qui va s'absenter, on reconnaît tout de suite Jésus qui, dans un jour ou deux, va être mis à mort et disparaître. Mais auparavant, il rassemble ses serviteurs les disciples et leur confie ses biens. Le "talent" est la monnaie la plus élevée de l'époque : 6000 francs-or, près de 20 ans de salaire d'un journalier ! Il ne s'agit donc pas d'une qualité, d'une capacité humaine ( au sens que le mot a pris aujourd'hui : "un pianiste de talent") mais des trésors spirituels que le Christ remet à ses amis et qui sont d'une valeur inestimable .

La distribution n'est pas égale : chacun reçoit "selon ses capacités". Ste. Thérèse de Lisieux remarquait cette disparité des grâces à l'intérieur de son carmel, elle réalisait qu'elle avait reçu plus que les autres. Elle expliquait : comme un bon jardinier, Dieu plante toutes sortes de fleurs donc aucune ne doit être jalouse des autres car chacune, même la plus petite, apporte sa beauté à l'ensemble (Man. A , 1ère page) Nous voyons en effet que certains chrétiens ont reçu davantage de dons que les autres : au lieu de nous en étonner, sachons reconnaître que ceux-là sont plus "doués" que nous. Ne cherchons pas la raison : l'essentiel est que chacun exerce ses responsabilités selon ses propres "talents" reçus.

Longtemps après, le maître revient et il leur demande des comptes.

Remarquons l'imprécision du délai : "longtemps après" : il ne faut pas attendre le retour du Christ pour l'immédiat ! L'attente sera longue, très longue : elle mettra à l'épreuve la foi et l'espérance des disciples au point que certains perdront courage et retourneront à la vie ordinaire des païens. Il importe de persévérer quoi qu'il en coûte. La foi doit devenir fidélité.

Le 1er serviteur s'avança : " Seigneur, tu m'as confié 5 talents : voilà, j'en ai gagné 5 autres"
-  "Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, je t'en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître". De même, le 2ème vient : " Tu m'as confié 2 talents : voilà, j'en ai gagné 2 autres". .... Même compliment, même récompense.

Les grâces du Seigneur ne sont donc pas des cadeaux bien emballés qu'il suffirait de lui restituer intacts : ce sont plutôt comme des graines qu'il faut planter, comme des potentialités à développer.

Ainsi la grâce du baptême, la connaissance de l'Evangile, toute liturgie, toute motion de l'Esprit-Saint que nous recevons ne sont pas des privilèges que nous avons à préserver avec soin : ce sont des élans, des forces, des poussées qui doivent nous engager à l'action.

Dieu nous comble des dons de son Amour et toute grâce, tout charisme nous confère une responsabilité : nous avons à partager avec nos frères cet amour, cette miséricorde, cette foi. Il ne suffit pas de dire : " Je suis baptisé...Je vais à la messe"...-mais : " Voici comment je vis mon baptême...Voilà les conséquences pratiques de l'Eucharistie dans ma vie...".

LE PECHE = LA PEUR...L'INACTION

Le 3ème serviteur s'avança : " Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n'as pas semé, tu ramasses là où tu n'as pas répandu le grain. J'ai eu peur, et suis allé enfouir ton talent en terre. Le voici. Tu as ce qui t'appartient" Son maître répliqua : " Serviteur mauvais et paresseux, tu savais tout cela...Il fallait placer mon argent à la banque ; à mon retour je l'aurais retrouvé avec les intérêts. Enlevez-lui son talent et donnez-le à celui qui en a 10. Car celui qui a recevra encore. Mais celui qui n'a rien se fera enlever même ce qu'il a. Ce serviteur bon à rien, jetez-le dehors dans les ténèbres...".

Ainsi le jugement du Christ ne porte pas sur les qualités, les défauts, la piété ; Il ne fait pas le compte de nos chutes. Une seule exigence : l'efficience Le péché grave ici, ce ne sont pas les distractions dans les prières, les petits énervements, les écarts de conduite mais le manque d'actes, la paresse.

"J'ai eu peur" : l'homme avoue son péché. Il n'était pas très doué, il n'avait pas reçu autant de "talents" que les autres et il s'est renfermé dans une piété évanescente. Il s'est cru modeste en disant : " Oh vous savez, moi, je ne vaux pas grand chose...Il ne faut rien me demander".

C'est cette inertie, cette fausse humilité qui enfoncent les paroisses dans la médiocrité. Trop de chrétiens ne veulent pas risquer, entreprendre, être différents. Sous une apparence de vertu, ils cachent leur crainte d'abandonner leur tranquillité, de perdre leurs aises. Ils se croient propres parce qu'ils n'ont pas osé ; ils ont peur de se salir les mains ; la vue des périls et des tentations les font rentrer dans leur coquille. Ils n'ont pas confiance en Dieu !

Dans une paroisse, on doit s'aider à déceler les "talents" les uns des autres. Que ceux qui ont reçu beaucoup ne s'enorgueillissent pas ; que les petits ne s'enferment pas dans la peur. Sans jalousie, d'un même c½ur, encourageons-nous à édifier une authentique communauté de charité ; avec une folle espérance, luttons, témoignons pour répandre l'Evangile.

Des banques peuvent faire faillite : à la banque de Dieu, il n'y a que des rendements merveilleux.