33e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Au terme de sa longue montée, Jésus, sans illusions, est entré à Jérusalem sous les vivats de ses disciples. Sachant qu'on allait le refuser, il a éclaté en larmes sur cette ville qu'il chérissait tant : « Ah si tu avais su comment trouver la paix !...Des jours viendront où tes ennemis t'écraseront, ils ne laisseront pas pierre sur pierre parce que tu n'as pas reconnu le temps où tu as été visitée » (19, 41-44). Néanmoins, pendant plusieurs jours, sur l'esplanade du temple, il a tenté de convaincre, annonçant la Bonne Nouvelle au peuple qui l'écoutait avec joie mais devant des autorités décidées à sa perte (19, 47).
Alors, à la veille de son arrestation, au moment de quitter ce temple pour la dernière fois, Jésus va donner ses ultimes instructions. Ecoutons bien : il nous prévient de ce que nous aurons toujours à vivre.

Certains parlaient du Temple, admirant la beauté des pierres et les dons des fidèles.
Jésus leur dit : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n'en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. ». Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe que cela va se réaliser ? »
Après des dizaines d'années de travaux, l'édifice sacré était magnifique et les Juifs béaient d'admiration devant sa splendeur. Mais Jésus, en y arrivant, avait lancé : « La Maison de prière, vous en avez fait une caverne de bandits » (19, 46) et maintenant il en annonce la ruine proche. Effarés, des hommes demandent à Jésus quand cette incroyable catastrophe surviendra. 
Effectivement, si l'on refuse la libération par Jésus, par les béatitudes et la non-violence, on opte pour Barabbas et l'insurrection armée : en l'an 70 (juste 40 ans après la mort de Jésus en croix), après des combats qui firent des centaines de milliers de victimes, les armées romaines écrasèrent la révolte juive et saccagèrent Jérusalem de fond en comble. A peine achevé, le temple n'était que ruines !

1.    ATTENTION AUX FAUX MESSIES

Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom en disant : 'C'est moi', ou encore : 'Le moment est tout proche.'...... Ne marchez pas derrière eux !

Jésus ne répond pas à la question de la date : il explique aux disciples ce qui va leur arriver. En premier lieu, qu'ils ne se laissent pas prendre par tous ceux-là qui se lèveront et prétendront être, chacun, « le libérateur ». Toujours en effet, devant ce qui apparaît comme un échec de l'Evangile et devant la peur de la croix, les hommes seront tentés de mettre leur confiance dans des leaders habiles à soulever les foules, proposant des programmes plus efficaces que le christianisme. Combien de baptisés ont cru naguère en Staline, en Hitler, et aujourd'hui dans l'idéologie du profit et de l'argent roi ?
Nous sommes prévenus (et l'histoire en donne des preuves multiples) : la « marche derrière eux » est une marche à l'abîme, elle conduit droit dans le mur. Toujours.

2.    DANS UN UNIVERS INSTABLE

« Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne vous effrayez pas : il faut que cela arrive d'abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin. »
Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre, et çà et là des épidémies de peste et des famines ; des faits terrifiants surviendront, et de grands signes dans le ciel ».

A l'inverse de certains faux prophètes qui, aujourd'hui encore, voient dans la succession des catastrophes des signes de l'imminente fin du monde, Jésus ne communique pas de transe apocalyptique. Le cosmos est bouleversé par des secousses sismiques et les hommes, incurables, se jettent les uns contre les autres : que les disciples ne voient pas là des manifestations de la colère de Dieu, qu'ils luttent pour la paix, qu'ils participent à l'immense effort de l'humanité pour échapper aux désastres, arrêter les épidémies, endiguer les haines.
Surtout ne pas se résigner à une soi-disant fatalité.
3.    SOUS LES PERSECUTIONS

On portera la main sur vous et on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon Nom.
Pire encore, voici l'affreuse nouvelle: les disciples qui, joyeux, annonceront que Dieu est Amour, que Jésus a apporté l'Evangile de  la paix, qu'il suffit de nous aimer les uns les autres, ces hommes-là ne seront pas applaudis comme des héros, moqués comme des illuminés, mais bien détestés comme des gens dangereux à abattre. Pouvoir politique et même pouvoir religieux se ligueront afin d'éteindre la Bonne Nouvelle et exterminer les croyants. L'histoire de l'Eglise baigne dans un long fleuve de sang.

Ce sera pour vous l'occasion de rendre témoignage. Mettez-vous dans la tête que vous n'avez pas à vous soucier de votre défense. Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction.
Les attaques, les haines, les tribunaux, les goulags, les camps seront les hauts lieux du témoignage chrétien. Dans cette éventualité, dit Jésus, ne préparez pas des plaidoiries bien argumentées, des homélies poignantes : croyez en moi et je vous soufflerai les mots qui laisseront vos juges sans réplique valable. Vos armes seront non l'éloquence et la bravoure mais la douceur et l'amour des ennemis. Plus tôt, Jésus disait que « l'Esprit-Saint vous enseignera à l'heure même ce qu'il faut dire » (12, 12).

Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d'entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.».
La persécution sera terrible, elle ira aux trois extrêmes :
1) l'Evangile provoquera des déchirures familiales, les uns dénonceront les autres ;
2) la haine ira parfois jusqu'à la torture et la mise à mort ; on tuera des hommes parce que chrétiens.
3) l'opposition sera générale, les disciples ne trouveront nul réconfort d'aucun côté.

« A cause de mon Nom » est répété deux fois. Ce ne sont pas tant nos liturgies, nos crédos, nos édifices, nos caractères, nos attitudes qui susciteront colère et animosité : c'est bien, derrière tout cela, le Christ lui-même qui est visé. C'est lui qui est combattu par « le prince des ténèbres » et il ne sera jamais accepté (Jean 15, 20-21). Donc plus le lien au Christ est fort, plus est grand le risque de la persécution.
Quand l'Eglise processionne dans de beaux atours, proclame des dogmes incompréhensibles et chantonne des liturgies inoffensives, elle ne gêne personne et on la laisse tranquille. Mais lorsqu'elle se réveille, cherche à tout prix à être fidèle à son Seigneur et décide de prendre l'Evangile non comme un livre de chevet pour s'endormir mais  comme son programme d'action immédiate au c½ur de la société, alors son témoignage est dénoncé comme inacceptable, impossible et elle est vilipendée et condamnée. La virulence des attaques est le test de la fidélité.

C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie ».
La parabole du semeur expliquait que si beaucoup de paroles de Jésus se perdent, « ceux qui entendent la parole dans un c½ur loyal et bon la retiennent et portent du fruit à force de persévérance » (8, 15). L'écoute de l'Evangile doit devenir appropriation, qui doit provoquer l'action, qui doit affronter la passion où il s'agit de tenir bon dans la souffrance. « Celui qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perd sa vie à cause de moi la sauvera » (9, 24). 
Après le 1er temple de Salomon disparu en -587 puis le 2ème détruit en +70, Jésus n'a pas appelé ses disciples à lancer un nouveau programme de constructions pour édifier un 3ème.
Son corps ressuscité est ce 3ème temple (Jn 2, 21) qui, au fil des temps, agglomère les disciples et grandit sans que nulle puissance ne puisse arrêter sa croissance.
Les églises de pierres ne sont que des signes de la seule et véritable Eglise, communion du Christ vivant avec ses disciples qui tiennent à lui dans la fidélité et la persévérance.
Les églises peuvent crouler, les martyrs peuvent être abattus : le Corps du Ressuscité est éternel.