Ce jour là au catéchisme, quelques enfants avaient lu et commenté le texte de la traversée de la Mer Rouge. Lorsqu'un de ceux-ci --le petit Corentin-- rentra chez lui, sa maman lui demanda ce qu'il avait appris. Il lui répondit : « les israéliens s'enfuirent d'Egypte et Pharaon envoya son armée derrière eux. Les israéliens arrivant devant la Mer Rouge, se trouvèrent bloqués car ils ne pouvaient pas la traverser. Or l'armée égyptienne avançait à grands pas. Moïse voyant cela contacta par son téléphone mobile l'armée israélienne qui envoya un escadron pour bombarder l'armée égyptienne pendant que la marine israélienne faisait un pont de fortune pour permettre aux fuyards de traverser la mer ». La maman fut étonnée par un tel récit. Est-ce vraiment ainsi que ton catéchiste t'a raconté l'histoire de Moïse et de la traversée de la Mer Rouge? demanda-t-elle. « Pas tout à fait, admit Corentin, mais si je te l'avais racontée comme lui l'a fait, tu ne m'aurais jamais cru ». L'enfant de cette histoire avait quelques difficultés à appréhender le mystère de la toute puissance divine. Il ne pouvait l'envisager qu'en perspective de domination, de maîtrise des événements. Et il est vrai qu'une lecture trop rapide du livre de Daniel pourrait d'ailleurs nous entrainer dans une telle voie. Toutefois, le Christ Roi que nous célébrons aujourd'hui nous invite à découvrir qu'il en va tout autrement. « Si ma royauté venait de ce monde » nous dit Jésus « j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs ». Le Roi que nous fêtons en ce jour n'avait ni garde, ni armée pour se défendre. Sa seule arme était de rendre témoignage à la vérité : une vérité qui s'inscrit dans le c½ur de tout être humain, c'est-à-dire une vérité qui se laisse découvrir dans la fragilité et dans la tendresse. Ces dernières se déclinent au rythme des saisons de nos vies comme un souffle doux, une brise ineffable qui vient de notre âme, passe par le coeur pour rayonner dans les yeux, la voix, les gestes, en fait dans l'être tout entier. La tendresse est une lumière si fine et cependant si forte lorsque nous la recevons. Elle nous illumine de l'intérieur et donne un autre sens à notre vie. La douceur et la tendresse ne se mendient pas, mais se donnent naturellement sans bruit, dans le silence de regards aimants. Donner de la tendresse, c'est donner un peu de la lumière de son âme. Aimons donc le souffle de cette douceur car il provient du plus profond de nos entrailles pour permettre aux êtres humains de « se tendresser ». « Se tendresser » est un verbe qui se découvre en le vivant. « Toi, mon enfant, susurre Dieu, à chacune et chacun d'entre nous, tu fais partie de mon royaume. C'est pourquoi, je te tendresse et si tu te laisses tendresser, tu me tendresses également. Nous nous porterons ainsi l'un l'autre dans un amour qui nous étreindra ». Grâce à la douceur de la tendresse, nous assistons à notre mise à la Vie éternelle en nous laissant tout simplement, tout tendrement « tendresser ». C'est pourquoi, nous sommes invités à apprendre à marcher sur le chemin de la vie en rayonnant de cette douceur toute intérieure. Celle-ci est aux couleurs d'éternité, puisqu'elle prend sa source dans notre c½ur, qui ne vieillira jamais tant que nous continuons à désirer, à donner, à partager, à aimer. La royauté de notre c½ur est une royauté qui ne sera pas détruite, car il y a en chacun de nous une force de vie qui nous pousse à nous ouvrir vers celles et ceux de qui nous nous faisons proches. Aujourd'hui encore, Dieu vient nous redire que la toute puissance s'exprime dans la douceur, que la gloire se réalise dans le service, que la force s'accomplit dans notre fragilité intérieure, révélée dans un regard offert doucement à l'autre. En effet, notre regard dit quelque chose de ce que nous ressentons, de ce que nous traversons. Il est comme une page qui n'attend qu'à se laisser déchiffrer par celles et ceux qui acceptent de la lire. Il est cette porte d'entrée qui nous conduit à l'essentiel de notre être, là où se trouve le fondement de notre foi. En nous, il y a comme un socle qui ne peut s'abîmer, se fracasser. Notre foi est cette pierre angulaire qui nous ramène à cette part intouchable malgré notre fragilité qu'elle soit due à la maladie, à la vieillesse, à la mort d'un être cher, aux blessures de l'existence. En chaque créature humaine, il y a ce lieu intérieur qui nous confirme dans notre dignité et ce, qui que nous soyons, quoique nous ayons fait ou subi. Il y a de l'intact en nous, mieux encore du merveilleux divin. Un merveilleux qui nous invite à rendre témoignage de cette vérité dont la puissance se révèle dans la douceur et dans la tendresse. Amen