Tout dans cet Evangile n'est que dérision. Les chefs et les soldats se moquent de Jésus, c'est-à-dire que les Juifs comme les envahisseurs se moquent de lui. C'est toute la terre qui est ainsi symbolisée. Le monde entier se moque de Dieu, hier comme aujourd'hui. Et pis encore : sur la croix, il y a cette inscription : « celui-ci est le roi des Juifs ». Quelle moquerie cruelle ! Non seulement on se moque de lui, mais on raille la raison même de sa condamnation. Tout le monde peut le voir, c'est un fou, un idiot, regardez ce qu'il est devenu. Il croyait être roi, il n'est plus qu'un morceau de viande, pendu à la croix.
Et c'est là la question cruelle que tous nous nous posons : où est-il ce Dieu ? Où était-il quand mes parents, mes enfants ont divorcé ? Où était-il quand j'étais à l'hôpital, déchiré par la douleur, épuisé par les traitements ? Où était-il quand la tempête ravage un pays, quand tant de gens vivent dans la précarité ?
Mais la première question qui devrait être posée ne devrait-elle pas être : où étais-je quand la misère frappe mon voisin ? Où étais-je quand mes enfants se déchiraient ? Où étais-je quand mes parents étaient à l'hôpital ? Certes, nous avons fait et nous faisons ce que nous pouvons et pourtant le drame de la souffrance, de la séparation et de la mort frappe encore et toujours nos proches comme chacun d'entre nous. Et Dieu, malgré toutes nos trahisons et nos petites mesquineries, recommence son histoire d'amour avec chacun d'entre nous. Le visage ensanglanté, il nous offre son sourire. Telle une femme trompée par son mari, il est prêt à tout recommencer si nous sommes prêts à le suivre et à l'écouter.
Oui, me direz-vous, mais cela n'apporte pas de solution à la souffrance et à la mort. Non, certes, mais si le véritable bonheur, c'est de ne pas être malade et de ne pas mourir, pourquoi le Christ a-t-il volontairement accepté la trahison de ses amis, la souffrance de la croix et la mort solitaire ? C'est que sans doute le vrai bonheur ne repose pas dans l'absence de souffrances, mais dans le don de soi même dans la souffrance. Et se donner, c'est toujours souffrir. Car l'autre que j'aime, que ce soit une femme ou un homme ou même Dieu, l'autre est tellement différent de ce que je croyais. C'est crucifiant d'aimer un autre, parce que ce n'est jamais comme on pense, comme on l'avait espéré. Alors on peut rester sur la croix de ses déceptions ou jaillir dans la lumière d'une nouvelle vie, d'un nouvel amour, de la résurrection.
Célébrer le Christ-Roi de l'univers, ce n'est pas célébrer le grand ingénieur, maître de tous les éléments du monde et de l'histoire, maître du soleil et de la pluie, maître des peuples et des nations. Célébrer le Christ-Roi de l'univers, c'est célébrer le Christ victorieux de toutes les défaites, de toutes les humiliations, de tous les échecs. Car si Jésus a été capable de dépasser tout cela, c'est parce qu'il se savait infiniment aimé par son Père et que porté par son amour il était prêt à affronter les méchancetés et les trahisons de tous les hommes, fussent-ils Juifs ou non-Juifs.
En cette fête du Christ-Roi de l'univers, reconnaissons avec admiration le bonheur d'être aimé par celui que rien n'a pu rebuter et qui toujours a triomphé de la rancune, de la déception pour nous offrir un amour toujours plus grand.
34e dimanche ordinaire, année C (Christ Roi)
- Auteur: Henne Philippe
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : C
- Année: 2012-2013