34ème dimanche du temps ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 8/11/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

 « Il n’y a plus ni juif, ni Grec » : saint Paul proclame avec enthousiasme la fraternité universelle qui unit tous les hommes (Galates 3, 28).  L’Apocalypse annonce que le salut est apporté aux « hommes de toute tribu, langue et nation » (5, 9).  Il n’y a plus d’étranger.  Et pourtant les vieux réflexes identitaires ressurgissent bien vite : «les Hellénistes se mirent à récriminer contre les Hébreux parce que leurs veuves étaient oubliées dans le service quotidien » (Actes 6, 1).  En 97, Clément de Rome rappelle aux chrétiens de Corinthe le devoir d’hospitalité (Epître 10, 7 – 12, 8).  Irénée de Lyon doit se justifier : il a connu Polycarpe de Smyrne qui lui-même fut le disciple de l’apôtre Jean (Contre les hérésies III, 3, 4).  Sans doute quelques riches commerçants lyonnais méprisaient leur évêque parce qu’il venait de l’Orient. 

            Au quatrième siècle, quand l’Empire romain était balayé par les peuplades germaniques, les chrétiens partageaient les mêmes préjugés racistes que leurs concitoyens païens : au-delà du Rhin vivaient des êtres hirsutes et malodorants qui étaient plus proches de l’animal que de l’homme.  Quand Rome fut pillée par Alaric en 410, les chrétiens se demandaient à quoi servaient les tombes de Paul et de Pierre puisqu’elles n’avaient pu protéger la cité.  De leur côté, les païens reprochaient aux chrétiens d’avoir abandonné le culte des dieux fondateurs et protecteurs.  Ces divinités, ainsi lésées, se sont abstenues de secourir la Ville et l’Empire.  Saint Augustin leur répondra dans la Cité de Dieu que c’est l’amour immodéré des biens terrestres qui conduit au crime et au pillage, alors que seul l’amour de Dieu peut apporter le vrai bonheur.

            La haine de l’envahisseur peut prendre d’étranges aspects.  Les Angles avaient repoussé les Bretons vers le Pays de Galles et la Cornouaille.  Ils étaient païens et les Bretons ne firent rien pour les convertir.  Bien au contraire ! Les autochtones ne souhaitaient pas retrouver les Angles au paradis après avoir dû les supporter sur terre.  Ce sera donc le pape Grégoire le Grand qui enverra un groupe de moines sous la conduite d’Augustin de Cantorbéry bien connu des vacanciers d’Hardelot.

            Mais l’étranger n’est pas celui que l’on croit.  Clément de Rome, en 97, parle au nom de « l’Eglise Dieu qui séjourne comme une étrangère à Rome ».  Et il s’adresse à « l’Eglise de Dieu qui séjourne comme une étrangère à Corinthe » (adresse).  Plus tard, un chrétien écrira à Diognète que les chrétiens « résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés … toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère » (5, 5).  Car leur vraie patrie, c’est le ciel.