3e dimanche de Carême, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Jn 2:13-25

Un gentleman avait tué un homme : la justice ne le soupçonnait pas, mais les remords le faisaient errer tristement. Un jour, comme il passait devant une église anglicane, il lui sembla que le secret serait moins lourd s'il pouvait le partager ! Il entra donc et demanda au pasteur d'écouter sa confession. Celui-ci répondit prestement : « Mais certainement : ouvrez-moi votre c½ur, vous pouvez tout me dire comme à un père ». L'autre commença : « J'ai tué un homme ». A l'instant même, le pasteur fut pris d'une violente colère et bondit en prenant le pénitent par le cour. « Et c'est à moi que vous venez dire cela ! Misérable assassin ! Votre présence souille la maison de Dieu. Il n'est pas question de vous garder une minute de plus sous ce toit habité de la présence divine ». Il le jeta hors de son église et l'homme s'en alla tristement. Quelques kilomètres plus loin, il vit, près de la route sur laquelle il marchait, une église catholique. Un dernier espoir le fit entrer et il s'agenouilla dans le confessionnal. Il devina dans l'ombre le prêtre qui priait, la tête dans ses mains. « Mon père, dit-il, je ne suis pas catholique, mais je voudrais me confesser à vous. » « Mon fils, je vous écoute », reprit le prêtre. « Mon père, j'ai assassiné ». Il attendit l'effet de l'épouvantable révélation. Dans le silence auguste de l'église, la voix du prêtre dit simplement : « combien de fois, mon fils ? ». Nous pourrions nous interroger sur la colère du pasteur ? Pourquoi une telle réaction ? Pourquoi si peu de miséricorde dans le chef d'un homme de Dieu ? Quelles émotions négatives l'ont-elles traversé ? C'est vrai, il y a tant de colères qui peuvent se vivre : celle face à l'injustice des situations auxquelles nous pouvons être confrontées comme la perte d'un emploi, la disparition d'un être cher, le surgissement d'une maladie douloureuse, la trahison d'un être aimé. Il y a également les colères à grands cris et puis celles qui se disent dans le silence et le calme. Ces dernières sont souvent plus difficiles à vivre car elles nous désarçonnent par leur froideur. Il y a aussi des colères colorées : une colère noire ou l'expression « il est rouge de colère ». Puis, il y a la colère divine, c'est-à-dire une colère bien spécifique lorsqu'un homme, une femme se perd sur un faux chemin, se détourne de sa vocation première, quitte le champ de la vérité intérieure. Ne serait-ce pas la colère de l'évangile que nous venons d'entendre ? Dieu le Fils se met en colère et cette dernière est même assez violente dans ses mots et ses gestes. Le Christ ne peut tolérer que le sens premier du Temple soit dévié, que les autorités osent manipuler les plus faibles. Le Temple est le lieu par excellence de la rencontre avec Dieu. Il est l'expression de la Vérité divine qui ne peut tolérer aucun marchandage. S'il en est autrement, la seule réponse est alors cette colère. Personnellement, cela me rassure de me dire que Dieu peut se mettre en colère. S'il se l'autorise, alors j'estime que, si cela s'avère nécessaire, je puis également laisser place à ce type de sentiment. Oui, la colère peut nous envahir face à ces situations injustes. Ne la réfrénons pas. Laissons-lui toute sa place et crions-la. D'une certaine manière, à l'instar de Job, Dieu nous autorise à la laisser éclater pour que nous puissions nous libérer de nos incompréhensions, de ces sentiments négatifs qui nous assaillent jusqu'à parfois nous faire trébucher, voire tomber. Toutefois, la colère n'a pas de finalité en elle-même. Elle ne peut être qu'un moyen, un mode d'expression nous permettant d'entrer ainsi dans une nouvelle dimension de notre être, à devenir capables d'écrire une nouvelle page de notre histoire. Lorsque la colère nous libère, elle ouvre en nous un espace nous conduisant vers une réconciliation intérieure permettant à ce qu'une paix profonde nous envahisse. Telle est l'annonce de ce nouveau temple dont parle Jésus. Dieu ne peut se satisfaire de nos offrandes, il attend plutôt le don de notre vie au service de tous ceux et celles qui ont été fragilisés et en qui il se révèle de manière plus forte encore. Depuis cet événement où ces marchands ont été chassés du Temple, depuis l'entrée dans le mystère de ce nouveau Temple qu'est le Christ, nous sommes devenus aujourd'hui encore le temple habité de l'Esprit Saint. Notre temple intérieur peut également parfois être encombré de tant de choses qui nous détournent de notre destinée. Que ce temps de Carême offert, nous donne l'occasion de nous réconcilier avec nous-mêmes afin de participer mieux encore autour de nous à l'élaboration d'un monde de paix et de joie. Laissons advenir Dieu en chacune et chacun de nous par le biais de la Vérité puisque celle-ci nous ouvre à l'existentiel d'une Vie offerte au don de soi dans l'Amour.

Amen