3e dimanche de Carême, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2002-2003

Il y a trois ans lors d'une visite de soutien à un projet dans une région des grands lacs d'Afrique, les rebelles avaient fait savoir que s'ils me prenaient, ma tête serait mise à prix à 4.000 dollars pour la rançon. Je vous avais dit à l'époque que j'avais été un peu vexé d'avoir si peu de valeur à leurs yeux, ma seule consolation ayant été de me dire que dans la monnaie locale cela faisait quand même un million six cents mille francs.

Alors sur cette base, imaginez-vous un instant seulement que je vienne vers vous " monsieur " et que je vous dise ceci : " cher monsieur, je ne sais pas si votre épouse est à vendre mais je suis prêt à vous l'acheter pour la somme de ¤ 4.000 ". Vraisemblablement, en tout cas je l'espère, vous allez me regarder d'un drôle d'½il et sans doute me dire " Monsieur, je ne vous permets pas ". Je me mets alors à insister en vous proposant de passer à ¤ 4.200. Vous me prier cette fois sèchement de me taire. N'en ayant que faire je poursuis et vous dit : " écoutez, je suis quand même très généreux de vous proposer une telle somme car quand je regarde votre épouse, elle n'est quand même plus des plus fraîches. Le dur labeur de ses années ont salement marqué son visage ". Et à ce moment précis, votre colère éclate. Cette colère me paraît effectivement une saine colère face à mon manque total de respect tant vis-à-vis de votre épouse que de vous-même.

Je me demande alors si la colère qui a traversé le Christ dans le Temple en renvoyant ces fameux marchands n'était pas un peu le même type de colère : une saine colère, une colère salutaire. En effet, un être humain, une relation cela ne s'achète pas, cela ne se négocie pas. Et il en va de même avec Dieu. Notre Dieu ne s'achète pas et ne se négocie pas. Nous avons à toujours veiller pour ne pas dégrader notre foi en utilisation du divin. Et il est très facile de tomber dans un tel piège. Qui d'entre nous, même dans la foi, n'est pas au moins une fois dans sa vie entré dans une dynamique de négociation avec Dieu par des mots tels que ceux-ci : " Seigneur, si tu me permets d'obtenir ceci et bien, moi en contre-partie de te promets de faire cela ". Nous entrons de cette manière dans une relation contractuelle avec obligation de part et d'autre. Il y a donc une négociation au départ.

Or Dieu ne se négocie pas, Dieu ne s'achète pas. Un peu comme s'il n'avait que faire de toutes ces demandes de signes que nous attendons de lui pour mieux nous rassurer dans notre foi en lui. L'être humain attend donc un signe et le Christ fait un don, celui de sa Résurrection. Mais nous ne pouvons recevoir un tel cadeau que si nous croyons. Notre foi devient ainsi gratuite. Elle ne se négocie pas. Elle se construit d'une manière toute simple par le biais de notre prière. Une prière que chacune et chacun découvrira par lui-même car il n'y a pas d'école de prière. En effet, la prière, ce dialogue tout simple entre Dieu et nous, est éminemment personnelle. Elle variera en fonction des personnes, des expériences de vie mais également des étapes de la vie. La prière est donc d'abord et avant tout une question de relation entre Dieu et nous. Et comme nous la savons, une relation cela ne s'achète pas.

C'est pourquoi non seulement Dieu ne se négocie pas mais il ne s'achète pas non plus. Non, le Dieu qui nous rassemble est un Dieu qui se laisse rencontrer, qui se laisse aimer. Et nous le vivons dans l'intime de notre être, là où lieu se révèle également dans toute son intimité. C'est une des conséquences du don de la Résurrection, c'est-à-dire qu'elle annonce la fin d'une certaine manière d'emprisonner Dieu dans des lieux et des demeures.

En offrant la Résurrection, Jésus purifie notre temple par sa saine colère pour nous rappeler que c'est dans la relation que la foi se vit car la résurrection finalement c'est partout où deux ou trois sont réunis en son nom. Une fois encore nous découvrons que nous ne pouvons ni contrôler, ni négocier, ni acheter ce qui donne sens à nos vies. Notre foi se vit dans l'abandon et la confiance en Dieu.

Alors permettez-moi de conclure par cette petite anecdote racontée par Timothy Radcliffe et que plusieurs d'entre vous connaissent je crois. Un jour, un homme au volant de sa voiture rate un virage et tombe dans un ravin. Par je ne sais quel hasard il se retrouve accroché à une branche et voilà que l'idée de Dieu lui paraît à nouveau intéressante. Il crie alors vers le Ciel : il y a quelqu'un là-haut. Et une voix lui répond : oui mon enfant, je suis là, fais-moi confiance, lâche la branche et jette-toi dans le précipice. L'homme réfléchit un instant puis crie à nouveau vers le Ciel : n'y aurait-il pas quelqu'un d'autre là-haut ? ". Alors, sachant que Dieu ne se négocie pas, que Dieu ne s'achète pas mais qu'il se rencontre dans l'expérience de l'abandon, honnêtement, est-ce que vous lâcheriez la branche vous ? La réponse se vit entre Dieu et chacune et chacun de nous.

Amen.