3e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2002-2003

Il faut dire que pendant toutes ces années, lorsqu'il était responsable de ce mouvement, il avait donné beaucoup de son temps. Au départ l'association était petite, ne touchait que quelques personnes, mais sous son impulsion, grâce à son savoir-faire et surtout son savoir-être, il l'avait développée en un projet au niveau national. Le nombre d'adhérents se comptait par centaines. Puis vint ce fameux jour, où estimant qu'il avait fait le tour de la question, il décida de démissionner pour commencer de nouvelles aventures ailleurs. Son successeur avait repris les choses en main mais il n'avait pas son charisme. Très vite le mouvement traversa une crise. Lui qui avait donné tant d'années de sa vie aurait dû être attristé mais voilà qu'il se sentait traversé de sentiments plus ambigus. C'est vrai, il était triste de voir ce qui se passait mais en même temps au fond de lui-même, il y avait comme une espèce de joie profonde qui lui rappelait ô combien il avait fait du bon travail et qu'il était difficilement remplaçable. Combien d'entre nous n'ont pas vécu quelque chose de similaire lorsque nous passions le flambeau au suivant.

Il est si difficile de se laisser remplacer par un successeur sans pour autant le critiquer. Et cela commence très tôt, quel sizenier chez les louveteaux et lutins, quel CP chez les scouts et guides, quel capitaine d'équipe de foot, et je peux continuer la liste, lequel d'entre eux souhaite vraiment que leur successeur fasse mieux qu'eux. Il est vrai qu'il nous arrive parfois, voire même souvent de mal accepter que d'autres viennent s'investir, innovent sur des terrains considérés comme des " chasses gardées " et font alors mieux que nous. Notre ego en prend un sacré coup. S'il en est ainsi c'est parce que nous avons dans ce processus commis une erreur que l'évangile de ce jour remet en pleine lumière. Notre erreur, c'est de nous être approprié le projet, la mission pour nous tailler un petit succès personnel. Nous avions ramener les choses à nous-mêmes plutôt que de les laisser là où elles devaient être.

Or un témoin, un vrai témoin pour remplir sa mission doit quelque part, comme dans une course à pied, passer le témoin au suivant qui lui aussi fera de même et ainsi de suite. Jean-Baptiste nous révèle de la sorte que la première attitude du témoin est celle d'avoir l'humilité de reconnaître que nous ne travaillons pas d'abord pour nous mais pour un autre. Si son message a effectivement traversé les siècles, c'est parce qu'il n'était pas la finalité de sa prédication. Il ne prêche pas pour lui, il annonce la venue de quelqu'un plus grand que lui dont il ne peut même pas défaire la courroie de sa sandale. La force de son témoignage réside en cette capacité à se concentrer sur son message en toute humilité.

Toutefois pour que cela puisse être entendu par d'autres, ce n'est pas suffisant. Un témoin a également besoin d'habiter ses mots, des les enraciner en lui sinon ils ne vibrent pas mais sonnent creux. Il y a donc une adéquation entre les propos que nous disons et les attitudes que nous avons. Un témoin ne peut se dissocier de sa parole. Un peu comme si, une absence de cohérence conduit à proposer un mensonge et nos auditeurs ne sont pas dupes. Témoigner de ce qui habite au plus profond de notre être demande donc la convergence de plusieurs valeurs : humilité, vérité et cohérence. Ces trois valeurs donnent du poids à nos propos et nous rendent crédibles lorsque nous nous mettons à témoigner. En effet, la foi nous a été transmise et nous l'avons reçue même si elle reste parfois traversée de doutes.

Au fil des années, cette foi nous a façonné dans la manière dont nous vivons notre vie, dans les choix que nous posons sinon elle serait vaine. Toutefois celle-ci ne peut s'enfermer en nous, nous ne pouvons pas nous l'approprier. Nous la recevons, nous la méditons pour l'offrir à d'autres. En effet, si la foi donne sens à ma vie, il est important de ne pas la garder mais plutôt de la partager. C'est pourquoi, nous aussi, là où nous en sommes sur notre chemin, nous sommes conviés à donner à d'autres le témoin de cette foi qui nous a été donnée un jour et que nous avons acceptée. Ce témoin se transmet par la contagion de ce qui habite au plus profond de notre être. Et pour ce faire, il nous suffit de vivre des trois valeurs qui feront de nous, à l'image de Jean le Baptiste, de vrais témoins du vingt et unième siècle. Que l'Esprit nous éclaire alors pour que nous vivions l'humilité, la vérité et la cohérence afin de devenir de vrais témoins de Dieu non pas pour nous mais pour Lui.

Amen.