3e dimanche de Carême, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

voilà des années que certains criaient : " Si on continue comme ça, on va droit dans le mur" ...mais, bien installés dans le train de la croissance à tout-va, nous les traitions de faux prophètes, de pessimistes invétérés. Aujourd'hui la communauté scientifique pose un diagnostic (presque) unanime : le réchauffement climatique est patent et il est dû à l'activité de l'homme (en ordre principal nous - nations industrialisées). Il faut de toute urgence prendre des mesures si l'on veut échapper au désastre : notre planète est en danger de mort. Certes il appartient d'abord aux politiques de lancer des plans, aux grandes industries de modifier leurs méthodes, mais, nous répète-t-on, chacun de nous doit se convertir. Dur quand on a été habitué à gaspiller, à user sans vergogne des ressources de la terre ! Il est si tentant de croire que ce sont les autres qui sont en faute et que soi-même on n'est pas concerné ! En ce carême, le Christ exige que nous nous convertissions.

LES EVENEMENTS SONT DES APPELS A LA CONVERSION

Un jour, des gens vinrent rapporter à Jésus l'affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer pendant qu'ils offraient un sacrifice. Jésus leur répondit : " Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres ... ? Eh bien non , je vous le dis. Et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous comme eux."

Jésus a perçu le sous-entendu de l'information ("Ces victimes sont coupables. Pas nous") : aussi détrompe-t-il ses interlocuteurs et il rappelle un autre accident tragique :

"...Et ces 18 personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien non ! Et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière !".

On ne peut inférer du malheur d'autrui à sa culpabilité : ce serait une caricature de Dieu (vengeur impitoyable) et une subtile façon de tirer son épingle du jeu (" Cela ne m'est pas arrivé, donc...") Au contraire, Jésus affirme que tous, nous sommes menacés de mort - pas seulement de la mort corporelle mais de la mort spirituelle devant Dieu. Si les événements doivent nous apitoyer sur le sort des victimes, ils doivent surtout nous faire réfléchir à notre précarité : nous sommes tous promis tôt ou tard à comparaître devant Dieu !

Un seul remède...à appliquer de toute urgence : SE CONVERTIR, CHANGER TOUT DE SUITE, SE DECIDER SANS ATTENDRE.

LA PARABOLE DU FIGUIER

Et pour se faire comprendre, Jésus invente une parabole :

" Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier et n'en trouva pas ! Il dit à son vigneron : " Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier et je n'en trouve pas. Coupe-le : à quoi bon le laisser épuiser le sol ?". Mais le vigneron lui répondit : " Seigneur, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir.... Sinon tu le couperas ".

Les paysans du pays avaient l'habitude de planter un figuier dans un coin de leur vignoble : ce bel arbre, aux larges feuilles brillantes, leur donnait des fruits succulents et aussi de l'ombre lors des travaux. Cela avait fait naître la comparaison, courante à l'époque : Israël est la Vigne chérie du Seigneur et le figuier représente le Temple, ce magnifique édifice bâti au c½ur du pays, rutilant sous la lumière du soleil et dans lequel les croyants peuvent se réfugier et s'estimer justes devant Dieu.

La parabole de Jésus vise donc le système religieux de son peuple : son apparence est parfaite, il fonctionne avec régularité mais il ne donne pas les fruits que Dieu attend ! Les pratiquants se rassurent par une piété formelle, des liturgies convenables, une honnêteté de surface. Le Temple, avec ses splendides constructions, centre de la vie nationale, lieu des sacrifices et des cérémonies impeccables, ressemble à un figuier qui ne donnerait que de belles feuilles !

Or Dieu exige des fruits : le culte n'a pas sa fin en lui-même mais il doit conduire ses participants à CHANGER DE VIE, A SE CONVERTIR. On ne rend pas honneur à Dieu par des bâtiments majestueux et des rites solennels mais par la CONSTRUCTION D' UNE HUMANITE NOUVELLE qui abandonne ses anciennes conceptions égoïstes et adopte de nouveaux comportements.

Ne l'oublions jamais : la messe du dimanche a pour but de faire de nous un peuple fécond en bonnes ½uvres, en fidélité à la Volonté de Dieu.

LE CARÊME TEMPS DU CHANGEMENT

Au seuil de l'évangile, le prophète Jean-Baptiste menaçait : " Déjà la hache est prête à attaquer la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu"( 3, 9)

Mais Jésus est d'une infinie et merveilleuse patience à notre égard : alors que notre vie si peu fidèle, si peu engagée, si peu soucieuse de "rendement" évangélique nous rend stériles, il nous offre un délai de grâce. De nous-mêmes nous avons refusé d'agir comme il le fallait et nous avons voulu notre confort maximum : alors le Christ se propose de nous travailler, de nous secouer afin que nous donnions à Dieu les fruits d'amour qu'il attend - qu'il veut ! - de nous. Quels sont ces fruits ? ceux-là même enseignés par le Seigneur et que saint Luc a rapporté dans ses pages précédentes :

" Heureux vous, les pauvres...Aimez vos ennemis...Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux...Pourquoi m'appelez-vous Seigneur et ne faites-vous pas ce que je dis ? Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même...Qui veut sauver sa vie la perdra...Gardez-vous de toute avidité : ce n'est pas du fait qu'un homme est riche qu'il a sa vie garantie par ses biens...Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez : La vie est plus que la nourriture... Cherchez plutôt le Royaume du Père et cela vous sera donné par surcroît...Soyez comme des gens qui attendent leur maître... Vous ne pouvez servir Dieu et l'Argent...C'est un feu que je suis venu apporter sur la terre...Esprits pervertis, comment ne savez-vous pas reconnaître le temps présent ? "(12, 56)

Ce "temps présent", c'est celui ouvert par la venue du Christ, la durée dans laquelle nous sommes maintenant : temps de miséricorde, temps de la patience de Dieu et du travail du Christ qui laboure notre vie pour que nous correspondions à la Volonté de Dieu. Le carême est donc ce temps accordé pour nous CONVERTIR, nous CHANGER, prendre d'autres chemins, opter pour d'autres conduites, lutter avec plus de courage. Ainsi notre Eucharistie du dimanche- qui nous paraît souvent inutile, banale, routinière- est le grand moment où le Seigneur nous attend : Il dissipe nos mensonges par ses Paroles, Il nous offre une Nourriture qui comble notre faim de Vérité, Il nous rassemble dans son Amour. Est-ce que ce culte aura des effets ? "PEUT-ÊTRE donnera-t-il du fruit" : tant il est vrai que nous ne sommes pas manipulés. Rien ne peut nous contraindre : c'est à chacun de se laisser travailler et de répondre en vérité