3e dimanche de Carême, année C

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Le langage courant le dit simplement : « il y a des gens qui meurent bêtement ». On parle d'une mort stupide, ce peut être le cas de ceux qui se trouvent en vacances en Asie et qui sont emportés par un tsunami, ce peut être le cas des victimes d'un attentat (tous les attentats n'ont pas lieu à Bagdad), ce peut être le cas lors d'une épidémie : « Il y a des gens qui meurent bêtement ». Sont-ils plus coupables que d'autres ? Ont-ils fait une erreur fatale à part celle d'aller au mauvais endroit et au mauvais moment ? Non, la vie est précaire et, finalement, nous mourrons tous « bêtement » ! Il n'y a pas de mort naturelle, disait Simone de Beauvoir, la mort est toujours une violence indue, une injustice et un arrachement. La vraie question est celle d'éviter de vivre bêtement !

La vraie question est celle de profiter de ce temps présent pour vivre vraiment et faire un chemin qui ne se termine pas en queue de poisson, comme une simple interruption. Dans cette perspective il est bon de se rappeler qu'un jour, nous mourrons. Ce que nous vivons aujourd'hui n'est pas éternel et finira. Réfléchissons à ce que nous vivons en ce moment, sachant que c'est fragile, menacé, et limité dans le temps.

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Comment penser ma propre mort ? Comme une fin ? Mais quel type de fin : un aboutissement ou une interruption ? Quelque chose qui s'accomplit ou quelque chose qui s'arrête brutalement ? Est-ce que j'ai conscience parfois que tout ce que je fais finira ? Est-ce que, dans ce que je vis maintenant, j'intègre le fait que cela va s'interrompre inévitablement ? « L'homme, est, dit-on, cet animal qui sait qu'il doit mourir ». Alors suis-je vraiment un homme ou me suis-je dénaturé en un faux animal qui cherche à tromper la mort pour ne pas voir sa fin ? La culture ambiante nous fait voir la mort des autres pour oublier la nôtre, comme si le fait que certains soient piégés nous libérait, comme si les victimes étaient offertes au dieu fatalité à notre place et que, par leur mort, nous étions préservés. Notre civilisation est habitée par la peur de mourir et le désir de se prolonger indéfiniment. Mais l'acharnement thérapeutique est-il souhaitable ? La survie est-elle 'viable' indéfiniment ? « C'est dommage, disaient ses médecins, d'un homme d'Etat : organe par organe, on aurait pu le sauver ! » Le sauver de quoi ?

Comme chrétiens, nous sommes appelés à vivre la mort dans la confiance, comme un abandon dans les mains d'un autre. « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » La traduction n'est pas très bonne, c'est l'esprit au sens de souffle de vie. La mort de Jésus est don de soi. Et c'est ce don de soi que nous anticipons lorsque nous vivons notre baptême de chrétiens.

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Le baptême, c'est cesser de ne vivre que pour soi : c'est être plongé dans la mort-résurrection de Jésus pour vivre avec lui, lui qui est mort et ressuscité pour nous. C'est donc entrer dans une relation de confiance réciproque et de vie.

La mort n'est donc pas pour nous la porte du néant mais comme le commencement d'autre chose. La mort n'est pas une fin mais comme un passage vers une autre forme de vie. La mort est déjà présente tout au long de la vie comme un enfantement permanent parce que je suis toujours en train de mourir à quelque chose, toujours contraint de lâcher prise pour m'élancer plus loin.

C'est donc maintenant que tout se joue et, pour ne pas mourir bêtement, il faut cesser de vivre bêtement. C'est maintenant que nous est offerte la possibilité de porter du fruit, un fruit de vie, un fruit qui fait passer la vie à travers les saisons, à travers le passage de la mort. C'est maintenant que nous sommes appelés à nous convertir, c'est-à-dire à tourner nos regards vers la source de la vie, à entrer en relation avec Celui qui nous attend patiemment et qui espère notre amitié. C'est dès maintenant que nous pouvons vivre du Souffle de Dieu, de son Elan, de son amour créateur et re-créateur. Alors nous ne mourrons pas bêtement, alors notre vie sera portée par le Dieu de Vie et nous n'aurons plus à craindre la mort car pour nous, elle n'existera plus.