3e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

PASSER ET TÉMOIGNER DE JÉSUS

Les quatre évangélistes, en débutant leurs livrets, ont tenu à préciser le rôle de Jean-Baptiste. Pourquoi ? Parce qu'au temps de leur rédaction, les groupes de disciples de Jésus croisent ceux de Jean-Baptiste qui proclament que leur maître exécuté est le vrai Messie (cf. « les johannites » en Ac. 18, 25 ; 19, 3). Les chrétiens répliquent que si Jésus a bien accepté le baptême par Jean, il faut rappeler fortement que Jean en personne a reconnu être d'un statut infiniment inférieur à Jésus.   L'évangile de ce jour nous fait d'abord entendre une des deux mentions du Précurseur dans le « Prologue » solennel qui ouvre l'évangile de Jean et qui est tout à la gloire de Jésus « le logos », la Parole même de Dieu,
Il y eut un homme, envoyé par Dieu. Son nom était Jean.
Il était venu comme témoin pour rendre témoignage à la Lumière afin que tous croient par lui.
Cet homme n'était pas la Lumière mais il était là pour lui rendre témoignage.
Le Verbe était la vraie Lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme....
Jean demeure dans la lignée des prophètes, ces hommes envoyés par Dieu pour rappeler les exigences de la Loi et appeler à la conversion un peuple qui s'en était écarté. Mais en outre, et là est sa grandeur unique, Jean a été envoyé comme TEMOIN de Jésus, pour le montrer et s'effacer devant lui. A la suite de Moïse, Jean ne pouvait que donner et rappeler la LOI, tandis que « GRÂCE ET VERITE sont venues par Jésus Christ » (Jn 1, 17).

TOUT COMMENCE AVEC LE TÉMOIGNAGE D'UN HOMME

Après le Prologue qui s'ouvre, comme la « Genèse », par l'expression « AU COMMENCEMENT » (Jn 1, 1-18), l'évangéliste débute son récit de la mission de Jésus par plusieurs petites scènes qui s'échelonnent sur une SEMAINE (de 1, 19 à 2, 11). La Bible présentait la création du monde en 7 jours : l'évangile de Jean débute par la re-création de l'humanité en une première semaine symbolique. Les lois et préceptes ne peuvent que sermonner, admonester, exhorter : la Grâce de Jésus, elle, accomplit une NOUVELLE GENESE. C'est pourquoi la foi chrétienne n'est pas obéissance à une règle mais renaissance, re-création radicale.
En ce dimanche, nous écoutons la scène du 1er jour : le précurseur Jean se dresse dans toute sa grandeur  (l'évangéliste ne l'appelle jamais que Jean et non Jean-Baptiste).

Et voici quel fut le témoignage de Jean quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : «  Qui es-tu ? ». Il le reconnut fermement : «  Je ne suis pas le Messie ». Ils lui demandèrent : «  Qui es-tu donc ? Es-tu le prophète Elie ? » - Non - Alors es-tu le grand Prophète ? - Ce n'est pas moi - Qui es-tu ? Il faut que nous donnions réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? - Je suis la voix qui crie à travers le désert : « Aplanissez le chemin du Seigneur »  comme a dit le prophète Isaïe ». Or certains des envoyés étaient des pharisiens. Ils le questionnent encore : «  Si tu n'es ni le Messie, ni Elie, ni le Prophète, pourquoi baptises-tu ? ».
Jean répondit : «  Moi je baptise dans l'eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; c'est lui qui vient derrière moi et je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale ». ---- Tout cela s'est passé à Béthanie de Transjordanie, à l'endroit où Jean baptisait.

Immédiatement l'ambiance est tendue. A Jérusalem, les autorités religieuses, gardiennes des traditions légales et liturgiques, sont en effervescence et dépêchent une commission d'enquête : qui est cet individu ? De quel droit pratique-t-il ce baptême ? Car c'est au temple, par des sacrifices et l'observance de la Loi, que s'obtient le pardon. Jean se présente dans la ligne de celui que l'on appelle aujourd'hui « le 2ème Isaïe », l'inconnu qui, en - 538, a tout à coup lancé l'étonnante « bonne nouvelle » à ses frères et s½urs déportés en Babylonie suite à la chute de Jérusalem et l'incendie du temple : « Prenez courage ! Après 50 ans de détresse, l'exil va prendre fin, nous allons enfin rentrer au pays » (cf. Isaïe 40).

Il n'est pas anodin que Jean se soit installé sur la rive orientale du fleuve Jourdain (où l'on a retrouvé les vestiges d'une antique église bâtie en son souvenir). De la sorte Jean obligeait les gens à sortir du pays pour s'approcher de lui, accepter le baptême qu'il conférait, puis passer l'eau pour ensuite rentrer à nouveau sur leur terre. Ainsi il les obligeait à mimer le retour de leurs ancêtres qui jadis étaient revenus de déportation à Babylone. Le procédé est radicalement différent de celui pratiqué dans la communauté essénienne de Qûmran (tout proche de là) où les initiés se purifient eux-mêmes par des bains sans cesse répétés.
Mais Jean est conscient de ses limites : en plongeant les gens dans l'eau et en leur rappelant leur état de pécheurs incurables, il ne peut que les préparer à accueillir celui qui va survenir après lui et qui accomplira une ½uvre infiniment supérieure. Jean se sent moins qu'un esclave à l'égard de Jésus car celui-ci sera comblé de l'Esprit de Dieu et il baptisera - c.à.d. il plongera - les personnes dans l'Esprit-Saint -  ce dont Jean est radicalement incapable (suite de son témoignage en 1, 33).

CONCLUSIONS

1)   Pendant des siècles, nous, chrétiens, nous pouvions interpeler ceux que nous appelions « incroyants et non-pratiquants » : « Pourquoi n'avez-vous pas la  foi ? Pourquoi n'allez-vous pas à la messe ? ». Aujourd'hui la situation s'est inversée (peut-être est-ce un retour à la normale ?) et c'est la minorité chrétienne qui est sommée de se justifier : «  Pourquoi croyez-vous ?.... ». C'est l'heure du TEMOIGNAGE. D'où l'importance de regarder Jean (Baptiste), premier « témoin » dans l'évangile. Depuis le « désert » que sont devenues nombre de nos chapelles et églises vidées de leurs pratiquants, comment témoigner de Jésus ?
2) Jean prend d'abord toute la place puis il s'efface ; il parle «lois, règlements » mais il annonce Quelqu'un « au-delà ». Ainsi doit faire l'Eglise. Le fait-elle ?...
3) Jean-Baptiste n'est pas attaqué par des malfaiteurs mais par des hommes pieux, excédés par ce qu'ils estiment une innovation insupportable. De même St Thomas d'Aquin, maître Eckhart, Galilée, tant d'autres et jusqu'au pape Jean XXIII promulguant l'initiative du concile Vatican II furent l'objet de contestations à l'intérieur même de l'Eglise. De hauts prélats ne comprenaient pas des nouveautés qui semblaient remettre en question leurs certitudes.
Jean-Baptiste se situe comme un marginal. Et tout l'évangile de Jean montrera Jésus en posture de suspect. Sans cesse on lui dira : « Pourquoi agis-tu ainsi ? Qui es-tu ? Que dis-tu de toi-même ? ». 
Comment porter un témoignage non arrogant mais paisible dans sa force ?

4) Plusieurs personnages de l'évangile de Jean apparaissent aussi comme des témoins de Jésus : les premiers disciples (1, 41) ; la Samaritaine (4, 39) ; le paralytique (5, 15) ; la Bible (5, 39) ; l'aveugle-né (9) ; .....Il est important de faire une étude du TEMOIGNAGE dans Jean. Que nous apprennent ces croyants sur nos possibilités de témoigner de notre foi aujourd'hui ?

4)    La Révélation biblique présente l'homme comme appelé sans cesse à PASSER :
Abraham passe de Ur en terre de Canaan.
Les esclaves hébreux sortent d'Egypte et passent le Nil pour marcher vers la liberté
Avec Josué, ils passent le Jourdain pour entrer dans la terre promise.
Les déportés judéens sortent de Babylone et passent l'Euphrate.
Jean-Baptiste se place au-delà du Jourdain afin d'obliger les baptisés à repasser le fleuve.
Jésus accepte lui-même ce passage.
Et à la fin, il entraîne les siens à passer, avec lui, de la mort à la Vie.
Sommes-nous une Eglise installée ? Ou cherchons-nous les sorties, les passages que la foi nous presse de faire : trouver un nouveau langage, des rites plus parlants, une organisation plus souple...pour passer à  un autre style de vie chrétienne, un monde plus juste, une terre préservée...  ? etc....