Je ne suis pas Marie-Thérèse.
Je ne suis pas bulgare
Je ne suis pas ostéopathe
Je ne suis pas ostendais
et je ne suis pas Dominique Collin.
Voilà, j'espère que vous cernez un peu mieux l'être mystérieux que je suis.
Se définir de la sorte par la négative ne nous engage pas véritablement
et dans certains cas, cela prête plutôt à rire. Il y a quelques années, je suis tombé sur un drôle de livre présentant la Belgique de cette manière--avec un humour bien anglais. Dans cet ouvrage, la Belgique y était présentée comme
le pays se définissant par la négative, car ses habitants y parlent le français, le néerlandais ou l'allemand mais ne veulent pas être confondus
ou assimilés à un des trois grands pays qui les entourent !
Présenter quelque chose ou quelqu'un par la négative ou bien par l'opposition
est facile, mais ce n'est jamais un chemin très constructif. Il est toujours plus facile
de dire ce que nous ne sommes pas, plutôt que de révéler ce que nous sommes réellement.
C'est pourtant ce chemin-là, face aux questions fermées des prêtres et des lévites,
que doit emprunter pour commencer Jean-Baptiste au début de l'Evangile.
Je ne suis pas Elie, je ne suis pas le Messie, je ne suis pas la lumière...
Je ne suis pas celui qui dira 'Je suis' plus loin dans l'Evangile.
Dans nos vies, nous pouvons être traversés de manière plus ou moins forte par cette quête d'identité par l'opposition. Certains essaieront de réussir là où d'autres ont échoués. D'autres chercheront une reconnaissance qu'ils n'ont jamais reçue.
D'autres encore essaieront de se poser, en s'opposant... laissant paradoxalement la clé de leur identité dans les mains de ceux contre qui ils s'opposent !
Mais aujourd'hui, nous sommes invités à remettre la clé de notre identité
de manière positive, dans les mains du tout Autre,
dans les mains de celui qui nous appelle chaque jour à vivre.
Et il nous invite à le faire en faisant place à nos déserts et à nos manques.
Alors, ce chemin d'identité pourra venir par le détour de l'Autre, par cet Esprit de Dieu qui nous convoque à l'existence
et nous invite à dire véritablement qui nous sommes.
Au c½ur même de nos existences parfois tortueuses,
Dieu advient chaque jour dans nos déserts intérieurs pour nous dire 'qui es-tu ?'
pour nous inviter à quitter la négation acquérir notre véritable identité.
Jean le Baptiste ne s'arrête donc pas à une définition de lui par la négative...
A la question 'Que dis-tu sur toi-même ?' Jean le Baptiste révèle positivement
qui il est. Comment ? En criant dans le désert, en faisant résonner sa voix,
il passe de l'individu à la personne !
Il y a un jeu de mot en latin entre persona et per-sonare, 'faire résonner', 'faire retentir'. Jean Baptiste devient véritablement qui il est en faisant retentir sa voix. Car une identité n'est jamais donnée. Elle ne vient pas de l'extérieur. Elle ne vient pas de ceux qui veulent nous raisonner. ( A - I). Mais elle se donne lorsque notre voix résonne, notre 'je' s'exprime dans la dépendance.
C'est ce chemin d'affirmation et d'humilité que nous sommes conviés à prendre aujourd'hui. Humilité dans la confiance, car Jean le Baptiste, tout en prétendant ne pas être la lumière, nous dirige cependant vers elle. C'est en suivant Jésus,
en permettant à Dieu même de nous guider, que nous arriverons à faire advenir le divin dans nos vies.
***
Il y a très exactement 500 ans, en décembre 1511, le frère Dominicain Antonio de Montesinos proclamait à Saint Domingue cet Evangile que nous venons d'entendre et dénonçait l'esclavage des indiens d'Amérique. Son sermon commençait comme ceci : « La voix qui crie dans le désert de cette île, c'est moi qui vous l'apporte.» C'est ce sermon qui a réveillé Las Casas, autre dominicain célèbre pour avoir défendu les droits des Indigènes en Amérique en élevant sa voix. Las Casas a su transformer son opposition, son indignation en engagement positif auprès des exclus, pour libérer les captifs de l'esclavage.
Puissions, à notre tour, être éclairés par cet Esprit
afin qu'il nous aide à transformer notre indignation
en engagement concret.
Que ce temps de la venue soit pour
nous source de joie véritable, car Il vient,
celui dont la Parole d'encouragement
nous libère de nos prisons intérieures. Amen.
3e dimanche de l'Avent, année B
- Auteur: Croonenberghs Didier
- Temps liturgique: Avent
- Année liturgique : B
- Année: 2011-2012
-