3e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

La levée de l'excommunication des évêques intégristes, puis les propos négationnistes de l'un d'eux, puis l'avis péremptoire d'un évêque brésilien sur l'affaire de la gamine avortée, puis la déclaration du pape à propos du sida et du préservatif en Afrique : cette cascade d'événements a provoqué une fameuse tempête. Certains médias se déchaînent, les avis les plus violents se font entendre et on parle d'une crise très grave de l'Eglise. Certes il est normal que le peuple chrétien s'exprime haut et clair et qu'éventuellement, il ose désavouer certains propos au moins maladroits de ses responsables. Il est sain qu'il y ait une opinion publique franche. Mais il l'est moins que certains catholiques déchargent leur fureur contre l'Eglise et demandent à leurs évêques d'être "débaptisés" !!?... A l'encontre de cette demande d'"ex-communion" ( !!), il est intéressant d'écouter l'évangile de ce jour.

LE RESSUSCITE REVIENT VERS NOUS QUI L'AVONS TRAHI

Les disciples rentrant d'Emmaüs racontaient aux 11 apôtres et aux compagnons ce qui s'était passé sur la route et comment ils avaient reconnu le Seigneur quand il avait rompu le pain. Comme ils en parlaient encore, lui-même était là au milieu d'eux et il leur dit : " La Paix avec vous". Frappés de stupeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : "Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées en vous ? Voyez mes mains et mes pieds : c'est bien moi. Touchez-moi, regardez : un esprit n'a pas de chair ni d'os et vous constatez que j'en ai"..

Voilà donc devant lui les hommes qu'il avait appelés à le suivre, qui avaient partagé sa vie pendant des années, qu'il avait mis en garde, qui lui avaient promis de donner leur vie pour lui et qui s'étaient enfuis comme des lâches dans la nuit à Gethsémani. Voilà Pierre, le téméraire, qui, à quelques mètres de son maître prisonnier dans la cour du tribunal, avait juré par trois fois ne pas le connaître. Les voilà tous, piteux, misérables, honteux !

Jésus les retrouve. C'est lui qui prend l'initiative de revenir vers eux. Et il ne les rejette pas pour les remplacer par une autre équipe. Et, magnanime, il ne les accable pas, ne les foudroie pas. Et, tout au contraire, il les regarde avec tendresse et s'il leur montre ses plaies, ce n'est pas du tout à notre façon rancunière et rageuse (" Regarde un peu ce que j'ai subi ! Dis : n'oublie pas le mal que tu m'as fait").

Lui, l'ancien crucifié, leur parle avec douceur : "Voyez mes plaies. Ces souffrances atroces que j'ai subies, je ne vous les reproche pas ; la Croix, c'est pour vous que je l'ai acceptée. Les plaies de mes mains et de mes pieds ne sont pas cause de votre condamnation mais de votre rachat. Vous m'avez laissé aller à la mort : je reviens vous apporter la vie. Vous n'avez pas eu pitié de moi : moi j'ai pitié de vous. Vous n'avez pas su m'aimer jusqu'au bout : moi, je vous ai aimé dans ma mort et vous aime encore au-delà de ma mort. PAIX A VOUS ".

Lors de nos pauvres liturgies, le dimanche, comment écoutons-nous ces appels : " La Grâce du Seigneur soit avec vous" ou "La Paix soit avec vous" ?...

Sont-ce des formules ressassées, entendues dans l'indifférence, ou même pas remarquées ? Ou comprenons-nous ce merveilleux cadeau qui nous est offert sans mérites ?...

La Paix avec vous : la croix a été vécue pour réaliser ce but. Pour créer un peuple qui est réparé, refondé, restitué par la Miséricorde divine. Pour rassembler des gens qui reconnaissent leurs fautes et qui explosent de joie parce que le pardon de Dieu leur est à chaque fois accordé. Pour faire une Eglise !

Toute la semaine, chez nous et ailleurs, nous nous jugeons avec sévérité : les autres remarquent nos manquements, soulignent nos gaffes ; et nous-mêmes nous nous en voulons de nos erreurs, pleins de ressentiment de ne pas correspondre à notre idéal.

Au moins, quelque part - à l'église - il y a quelqu'un qui, chaque fois, sans se lasser, nous accueille avec bonté, qui ne croit pas se valoriser en écrasant les autres, qui nous regarde sans nous jeter le passé en pleine figure, sans nous obliger à nous aplatir de honte.

Mais pour cela, il nous faut oser contempler les plaies du Christ avec attention. Ne pas vouloir un Ressuscité qui n'aurait pas d'abord été un crucifié - tels certains qui voudraient que l'Eglise soit un peuple parfait et qui s'en vont en claquant la porte dès qu'ils remarquent une erreur, un échec, un malentendu, une brisure.

Sur la route de la terre, l'Eglise se traînera toujours en haillons parmi les épreuves inévitables et nous ne pourrons jamais chanter des alléluias qu'avec des voix discordantes : Oui je t'ai trahi, Seigneur, et mes frères autour de moi également. Et pourtant tu nous montres tes plaies pour que nous sachions y voir la source unique de notre pardon. Voilà le sang qui, seul, permet la communauté. Je jugeais mes frères, et moi-même je me croyais meilleur ou, parfois, un moins que rien : tu nous révèles notre valeur divine puisque, pour chacun de nous, un Dieu a accepté de mourir ! Si tu es au milieu de nous, nous ne pouvons que nous accepter les uns les autres.

UNE GRANDE LECON D'EXEGESE

Nullement choqué par le scepticisme de ses disciples qui n'en reviennent toujours pas, Jésus poursuit :

Jésus déclara : " Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j'étais encore avec vous : il fallait que s'accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi, les Prophètes et les Psaumes". Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Ecritures. Il conclut : " C'est bien ce qui était annoncé par l'Ecriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d'entre les morts le 3ème jour et la conversion proclamée en son Nom pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. C'est vous qui en êtes les témoins".

Le temps pascal est propice à une relecture des Ecritures, à une nouvelle interprétation. En effet comme les premiers apôtres qui n'avaient retenu que les prophéties annonçant un Messie puissant et vainqueur, nous sommes portés à opérer un tri, à ne garder que les passages consolants, agréables, faciles. Nous aimons nous retrouver entre "bons pratiquants" bien élevés, apparaître comme une Eglise respectable, nombreuse dont le monde écoute les avis avec attention. Et voilà que nous sommes un petit groupe minoritaire, objet de vexations, considéré avec dédain par le monde qui se soucie de l'Eglise comme d'une guigne ! Demandons au Seigneur de nous ouvrir à une lecture intégrale de ses paroles afin de voir la croix avec toute son horreur inéluctable, d'entendre tous les appels à la conversion qui parsèment les Ecritures, d'obéir à l'obligation de l'humilité, du service, du partage, du pardon, d'accepter toutes les annonces de persécutions.

La valeur de l'Eglise n'est que dans la présence invisible de Celui qui est au milieu d'elle pour lui pardonner et la conduire vers plus de fidélité. Alors, bouleversée, remise dans la vérité, elle peut, elle doit, annoncer la Bonne Nouvelle de la Miséricorde parce que, elle, la première, en a été bénéficiaire.

R. Devillers - dominicain Tél. et Fax : 04 / 2 23 51 73 courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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