3e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Lorsque je suis cité dans un sermon au cours de cette célébration dominicale, plusieurs personnes viennent me voir et se demandent toujours comment je vais répondre. Aujourd'hui m'est donnée l'occasion unique de vous parler du frère Lorenzo, frère dominicain, membre de l'Equipe pastorale, doctorant en théologie, responsable de la liturgie communautaire et de l'accueil des gens en difficulté. Il dirige également la chorale de dix-neuf heures. Et nombreux sont ceux qui viennent écouter ses homélies où il cite toujours le grand auteur contemporain qui alimente sa pensée, c'est-à-dire moi. Le frère Lorenzo, depuis son plus jeune âge, a toujours voulu être témoin de l'Amour de Dieu. Nous sommes alors en droit de nous demander à quoi reconnaît-on un témoin ? Ceux de Jéhovah c'est assez simple, ils sont toujours à deux et ont une mallette. Pour le frère Lorenzo, je ne sais pas si c'est sa coiffure, ses sandales ou encore ses bas en accordéon qui vous mettront la puce à l'oreille. Au-delà de ses petits détails, témoin il est par la vie qu'il a choisie. Je pourrais continuer à vous parler de lui mais cela flatterait un peu trop son ego. Et j'ai déjà tellement affaire à gérer le mien. Je peux parler de lui, comme je peux parler de chacun d'entre nous parce que toutes et tous nous sommes appelés à être témoin. Et c'est peut-être plus qu'un appel, parce que sans témoin la foi en Dieu se meurt.

Pour être témoin, il y a me semble-t-il trois étapes. La première est plus passive. Nous voyons, nous entendons, nous lisons. En ce sens les Ecritures sont importantes dans la construction de notre foi. Mais ce que nous voyons, lisons ou entendons, nous le faisons à partir aussi de ce que nous sommes. Pas un témoin d'un accident ne racontera l'événement de la même manière. Je ne crois pas qu'il existe de témoignage objectif. Tous sont profondément subjectifs. Il en va de même pour la Bible, ce n'est sans doute pas pour rien qu'il y a des textes où nous avons l'impression que nous les entendons pour la première fois alors qu'à de nombreuses reprises, ils avaient déjà été entendus. Entendus, c'est vrai, mais ils ne faisaient aucun écho en nous avant aujourd'hui. Notre capacité d'écoute et de découverte est dès lors bien intimement liée à notre état d'esprit et de vie. La première tâche du témoin est donc d'accueillir, de s'ouvrir à la réalité proposée, voire même de se laisser surprendre par ce qui nous dépasse. Vient ensuite un deuxième mouvement dans la dynamique du témoin. C'est le temps de la compréhension. Je ne reste pas un témoin passif de l'événement. Il n'est pas une simple photo vers laquelle je jette un regard furtif. Non, je prends le temps d'analyser, de saisir, de comprendre. Je le fais mien, je me le réapproprie sans vouloir pour autant le posséder. C'est tout le travail de l'intégration de ce que j'ai vu, lu ou entendu. Ce n'est plus simplement quelque chose qui est extérieur à moi, je l'absorbe dans mon histoire et je vois comment il me fait écho. Lui et moi, nous commençons à nous conjuguer à la première personne du pluriel. Et je commence de la sorte, petit à petit, à mon rythme, à habiter l'événement humain ou divin.

Voir, lire ou entendre ; ensuite, comprendre et habiter pour enfin témoigner de manière active. Voilà donc la troisième étape de ce qui fait de chacune et de chacun de nous des témoins. Selon les dires du Christ, nous ne pouvons pas nous contenter des deux premières étapes de ce processus. La foi n'est pas quelque chose uniquement pour nous ; elle n'est pas une propriété privée. Non la foi se partage et se transmet. Nous l'avons reçue, nous l'avons acceptée, nous tentons de comprendre, ou en tout cas nous réfléchissons sur ce mystère mais nous ne pouvons le boucler sur nous-mêmes. La foi se donne à vivre aux autres. Elle est un trésor merveilleux qui ne peut s'enfermer, s'engloutir dans nos pensées. Elle est vie et nous convie à la partager, à l'offrir. Oh pas par de grands discours, pas par de belles paroles. Non la foi se propage par contagion. C'est parce qu'elle donne sens à nos vies, parce qu'elle donne du goût à nos existences, que nous souhaitons que celles et ceux qui croisent nos chemins puissent aussi goûter à un peu de notre bonheur.

Ne soyons donc pas croyants pour nous-mêmes mais osons témoigner de ce qui habite au plus profond de nos êtres car sans nous la foi se meurt. Telle est notre responsabilité. Amen.