3e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Parce qu'il a eu le front de critiquer les m½urs du roi, Jean-Baptiste est arrêté et jeté en prison où un sort tragique l'attend (Matth 14). Cet événement, dirait-on, sert de signal à Jésus : il sort de la solitude du désert où il a fait ses choix décisifs sur la façon de réaliser la mission reçue de son Père au baptême.

Mais il ne prend pas la place de Jean au Jourdain. Le précurseur a préparé la voie : Jésus, lui, vient pour accomplir le dessein de Dieu. Quittant la Judée, il remonte au nord dans sa province de Galilée non pour retrouver son village de Nazareth mais pour s'installer à Capharnaüm, petite ville au nord-ouest du lac qui va dès lors devenir le centre de son activité.

Au croisement des deux grands axes commerciaux (Mer Méditerranée / Syrie et Liban/Jérusalem), la Galilée voit se côtoyer Israélites et païens, synagogues et temples : c'est une région très ouverte à tous les vents du monde. En s'y installant, Jésus révèle déjà son projet universel qu'il précisera à la fin de l'Evangile : c'est à partir d'une montagne de Galilée que le Ressuscité enverra ses disciples : " Allez... ! De toutes les nations, faites des disciples ....... " (Matth 28).

Ainsi les chrétiens se doivent-ils de vivre en plein monde, rencontrant chaque jour des gens de toutes origines, de toutes opinions, de toutes religions. C'est dans le "capharnaüm" d'une société mêlée qu'ils ont à faire retentir le message de la Bonne Nouvelle et à en témoigner.

LA PROCLAMATION DU REGNE DE DIEU.

Et c'est alors que nous entendons pour la 1ère fois la voix de Jésus : une phrase capitale résume l'essentiel de la mission qu'il va remplir jusqu'au bout. Elle lui coûtera la vie, à lui aussi !.

A partir de ce moment, Jésus se mit à proclamer : " Convertissez-vous car le Royaume des cieux est tout proche".

Selon Matthieu, cet appel était déjà lancé par Jean-Baptiste (3, 1) : la Nouvelle Alliance surgit donc en pleine continuité avec l'Ancienne. Mais avec une différence considérable : Jean prédisait la venue de la colère de Dieu, d'un messie qui mettrait fin à l'histoire...or Jésus vient en douceur, pauvreté et patience. Jean pressentait l'arrivée du Règne de Dieu : Jésus, lui, le déclare présent, déjà en voie de réalisation.

"Le Royaume des cieux" : Matthieu se garde de prononcer le Nom de Dieu mais attention : il ne s'agit pas d'une réalité évanescente, destinée aux belles âmes, limitée à des pensées pieuses et des liturgies sacrées. Alors que tous les rois avaient été infidèles, Jésus annonce que désormais c'est Dieu lui-même qui vient régner. Non sur un territoire limité mais sur le monde entier. Non par l'emploi de la force mais de la douceur- c'est pour cela que Jésus use de la parole. Il n'impose pas : il propose. Il en appelle à la réponse libre de chacun.

Car si Dieu vient inviter les hommes à entrer dans son Royaume de paix et d'amour, il est nécessaire que chaque interlocuteur accepte l'invitation et décide de se remettre en question.

"Convertissez-vous !" : l'homme doit refuser le culte des idoles -dont le règne fait des ravages - et se laisser retourner totalement car les idées de Dieu sont infiniment au-dessus des nôtres. L'enjeu est énorme. Sur les plans de la politique, de la culture, de la science ou des idées, les options, les idéologies, les inventions se succèdent sans fin : au plan spirituel du salut c'est-à-dire de la réussite de l'humanité en Dieu, le moment clef est là.

Sommes-nous d'accord de laisser Dieu diriger notre vie ? Acceptons-nous de renoncer à nos a priori égoïstes ? Osons-nous quitter nos chemins pour nous engager sur les siens ?

MARCHER : PROCLAMER ... ENSEIGNER ... GUERIR

Très vite, Jésus embauche des collaborateurs mais, par concision, nous sauterons la scène de l'appel des quatre pêcheurs pour commenter la fin du texte de Matthieu qu'il convient de traduire et disposer comme ceci :

Jésus parcourait toute la Galilée : enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume guérissant toute maladie et toute infirmité dans le peuple.

Au contraire de Jean qui stationnait au Jourdain, des prêtres qui attendaient les fidèles au temple, des scribes qui recevaient leurs élèves, Jésus CIRCULE. Il restera toujours un prophète itinérant comme si Dieu voulait nous rejoindre là où nous vivons, au sein de nos maisons et de nos lieux de travail. La foi n'est pas un moment sacré lors d'une liturgie ou d'une visite à un monastère ou d'un temps de pèlerinage- ce qui laisserait indemne notre quotidien. Dieu pénètre dans nos demeures, nos entreprises, nos écoles. C'est là que l'Evangile doit être vécu ...en bousculant beaucoup d'habitudes !

A la façon biblique, l'activité principale de Jésus, est notée au milieu : "proclamer la bonne Nouvelle du Royaume".

De même que les rois avaient un corps de hérauts chargés de publier les grandes nouvelles de l'Etat, ainsi Jésus est le Héraut de son Père : inlassablement il va parcourir villes et villages afin que toute personne entende de ses oreilles la Nouvelle la plus importante de l'histoire : Dieu vient ! L' Evangile n'est pas d'abord un livre, un code, une morale : il est un cri, la joyeuse nouvelle d'un événement, un appel ("le Kérygme")

N'est-ce pas de "hérauts" que manque notre Eglise aujourd'hui trop engluée dans le rituel, la catéchèse et le social ?...

"enseignant..." Après la 1ère annonce, il faut expliquer ce que signifie l'intrusion de ce Royaume : qu'est-ce que cela entraîne ? à quoi faut-il renoncer ? quelle conduite adopter ? quelles m½urs ? quelle morale ? y a-t-il des rites spécifiques ?...Cette explication s'appelle "enseignement", "catéchèse". Jésus proposait cet enseignement "dans les synagogues" qui lui proposaient d'assurer la prédication. Acceptons-nous d'apprendre notre foi ? Quels efforts consentons-nous pour la mieux connaître ?

Et enfin Jésus "guérissait toute maladie...". Car le Royaume s'adresse à tout l'homme, dans son esprit et dans sa chair. La vérité accueillie dans les âmes doit retentir dans les corps. Certes Jésus ne guérira pas tous les malades et handicapés mais jamais il ne leur dira qu'ils doivent se résigner, que souffrir est nécessaire, que la foi se cantonne dans la pensée. Si Dieu vient régner, il se doit de remettre l'homme debout dans son c½ur et dans son corps. C'est pourquoi une paroisse, sans être "un service social", doit avoir le souci des malades. L' Evangile est nécessairement thérapeutique.