3e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

A chacun de nous, une certaine (et incertaine) durée est impartie pendant laquelle il nous faut accomplir notre mission chrétienne. Car à un moment, le temps du témoignage sera terminé (Apocalypse. 11, 7) et nous devrons céder la place à d'autres qui poursuivront la lutte.

Ainsi de Jean-Baptiste. Un jour, bousculé par un mystérieux appel, il a surgi, a entrepris sa tâche, a désigné Jésus puis, peu après, les soldats sont venus l'arrêter et ils ont jeté en prison celui qui avait eu l'outrecuidance de dénoncer le péché du roi. S'il ne se cantonne pas dans une piété inoffensive, le témoin sait qu'il doit s'attendre au pire.

Et alors qu'il s'était retiré dans la solitude afin de comprendre ce à quoi l'engageait la révélation reçue lors du baptême ( "Tu es mon Fils bien-aimé : aujourd'hui..."), Jésus apprend l'arrestation de Jean : c'est le signal, le temps de son propre témoignage s'ouvre. La voix du précurseur est bâillonnée, la voix du Fils va retentir. Mais il doit s'attendre probablement à la même issue.

UN PREDICATEUR ITINERANT

Si Jean s'était cantonné à la frontière, au-delà du Jourdain (là où Moïse avait disparu et où Elie avait été enlevé au ciel - comprenons : là où s'arrêtaient la Loi et les Prophètes, donc la Révélation première), Jésus, lui, rentre dans le pays pour y instaurer le Royaume de Dieu.

Il regagne sa région de Galilée, cette province au nord d'Israël qui si souvent fut envahie et occupée par les armées ennemies, cette zone où se côtoient Juifs et païens, où la foi est affrontée aux diverses croyances et donc exposée aux compromissions. Ainsi, dit Matthieu, s'accomplit la prophétie :

"Galilée, carrefour des païens ! : le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande Lumière : sur ceux qui habitaient dans le pays de l'ombre et de la mort, une lumière s'est levée..." ( Isaïe 8, 23...)

Car n'est-ce pas au c½ur des ténèbres qu'il importe d'allumer la Lumière, n'est-ce pas là où pèse la menace de mort qu'il faut faire jaillir la Vie ?.....C'est dans cette Galilée turbulente, ouverte au monde, loin du temple de Jérusalem, lieu de passage et de trafic, que Jésus va réaliser sa mission. Et c'est là, à la fin de l'Evangile, que le Ressuscité convoquera ses disciples afin de les envoyer dans le monde entier ( Matthieu 28, 16-20).

La foi doit se vivre en plein monde, dans la grisaille des jours.

" LE ROYAUME DE DIEU VIENT"

" A partir de ce moment, Jésus se met à proclamer :

-  Convertissez-vous car le Royaume des cieux est tout proche !"

Telle est la Nouvelle, bonne, ultime, indépassable, urgente que Jésus lance pour la première fois. Avec Lui, Dieu vient régner ici tout de suite. Car prenons garde : "les cieux" remplace le nom imprononçable de Dieu et ne désigne pas un état désincarné, un rêve pour "les belles âmes", une utopie renvoyée à l'après mort.

Mais Dieu ne s'impose ni par les armes ni par la magie, il ne trace pas un territoire, ne recrute pas une élite. Pour "voir" ce royaume, l'homme doit accepter de remettre en cause ses idées et manières de voir : il doit se retourner, entreprendre ce déchirant travail, jamais achevé, de la "conversion". De même que Jésus, dans le désert, avait refusé les formes diaboliques d'une nouvelle société, de même l'Eglise doit écarter sans cesse ces tentations récurrentes et opter pour le chemin tracé par Jésus.

Très vite, celui-ci appelle quelques jeunes pêcheurs pour collaborer à son ½uvre (ils répondent illico à son appel sans doute parce qu'ils l'ont connu dans l'entourage du Baptiste). Et notre texte se clôt par une petite phrase qu'il importe de méditer car elle situe la méthode de travail de Jésus - et donc celle de son Eglise. Pour la rendre de façon plus exacte, il faut rectifier un peu la traduction du lectionnaire :

" Et il circulait dans toute la Galilée,

enseignant dans leurs synagogues,

et proclamant l'Evangile du Royaume,

et soignant toute maladie et toute infirmité dans le peuple".

Les prêtres officiaient au temple, Jean-Baptiste, comme les Esséniens, se tenait dans le désert : Jésus, lui, tel un prophète, marche, bouge, circule dans le monde. Il ne fonde pas un lieu saint dans le but d'y attirer les foules (ni Vatican ni "maison de retraites") : il se met en route afin de rejoindre les gens là où ils vivent. Il les invite non à un pèlerinage géographique mais à un voyage intérieur terriblement plus dur : changer, se convertir, oser entrer dans ce mystérieux Royaume que Jésus leur ouvre... s'ils consentent à l'accueillir.

Son activité est donc triple.

Au centre, la note essentielle : " PROCLAMER LE ROYAUME DE DIEU"

Et, l'encadrant, les deux actions complémentaires :

-  ENSEIGNER. Jésus, en bon Juif, se rend à la synagogue chaque shabbat. Il explique aux gens ce que signifie son appel, ce que Dieu désormais attend d'eux, il fait de la catéchèse.

-  SOIGNER. Jésus s'approche des corps meurtris, des handicapés. Car si Dieu vient, alors le mal recule : l'homme est corps et âme, et l'Evangile n'est pas une idéologie. Les guérisons ne sont pas des preuves apologétiques mais les signes de l'efficacité de la PAROLE que Jésus proclame.

*

SEMAINE DE PRIERE POUR L'UNITE DES CHRETIENS.

Notre évangile nous éclaire. D'accord sur l'essentiel - annoncer le Royaume aux hommes-, nous nous sentons tenus de surmonter nos divisions. Car les hommes ne nous croiront que si nous sommes UN. Différents mais UN. La Parole unique à proclamer, à expliquer, à appliquer sur les angoisses et les détresses, bref l'évangélisation, telle que Jésus l'a vécue, n'est-elle pas le chemin de nos retrouvailles ?...