3e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Berten Ignace
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Les quelques lignes de Matthieu introduisent, dans cet évangile, toute l'activité de Jésus : une grande lumière se lève pour le peuple qui était dans les ténèbres. Matthieu dit donc à la communauté à laquelle il s'adresse, il nous dit aujourd'hui, que l'Évangile est une grande lumière. Pour le dire, il fait appel au prophète Isaïe : la première lecture nous en a rappelé le texte. La grande lumière dont Isaïe parle est le retour de l'exil : « Le joug qui pesait sur eux, tu l'as brisé ».

Notre expérience n'est pas de vivre continuellement dans une grande lumière ! Matthieu ne serait-il qu'un illuminé ? Sur quoi donc se fonde son annonce ?

Quand en 1945, les armées allemandes ont capitulé, une grande lumière s'est levée pour la population de nos pays. Quand le mur de Berlin s'est écroulé, une grande lumière s'est levée pour les populations de l'Est en Europe... On peut prendre de multiples exemples de ces tournants historiques, où à un moment la lumière se lève, parce que l'histoire qui était fermée, brusquement se rouvre, parce qu'un peuple qui avait perdu sa liberté voit le moment où il peut de nouveau disposer de lui-même. Tout n'est pas résolu pour autant : de Babylone à la terre de Palestine, il y a une longue marche, et il faudra apprendre à reconstruire le peuple. En 1945, tout est ruine, et les temps seront bien difficiles. Et à l'Est, c'est le dur apprentissage de la liberté... La lumière n'est pas le paradis. Mais il y a la liberté.

Pour Matthieu, la venue de Jésus ou la présence du Christ dans nos communautés, est de cet ordre. Une liberté nouvelle est offerte, une route nouvelle est ouverte. Mais il n'y a pas de grands bouleversements : Jésus se met à prêcher ; il rassemble quelques disciples ; il offre le pardon à quelques pécheurs et guérit quelques malades... Ce n'est pas la révolution. Et un peu plus loin dans son texte, Matthieu nous dit que Jean-Baptiste, toujours en prison, vient faire interroger Jésus : es-tu bien celui que nous attendions ? Jean-Baptiste commence à en douter : rien ne change semble-t-il. Jésus lui répondra : les aveugles voient, les boiteux marchent, la bonne nouvelle est annoncée au pauvres. Quelques aveugles, quelques boiteux, quelques pauvres bénéficient des gestes de Jésus. Cela suffit-il à apporter la lumière dans le cachot obscur de Jean-Baptiste ?

Oui, c'est vraiment une lumière : l'histoire n'est pas fermée, il n'y a pas de fatalité : la liberté est offerte pour faire jaillir la vie. La liberté et la responsabilité. Et au c½ur de cette liberté capable d'agir par la puissance de la foi et de l'amour, Dieu lui-même est à l'½uvre : son Royaume est en train de germer. La lumière est aussi dans le regard : percevoir les signes de ce Royaume pour entrer activement dans cette dynamique nouvelle.

Mais rien n'est simple, rien n'est donné une fois pour toutes. Tout est constamment à faire, à refaire et à reprendre. Il en est ainsi dès le début. Les lettres de Paul et les Actes des Apôtres en témoignent de multiples fois. Ainsi à Corinthe. On a reçu la bonne nouvelle dans l'enthousiasme. Une communauté s'est créée, rassemblant des gens de toutes sortes. Et puis rapidement, ce sont les divisions, les conflits, les querelles de personnes. Comme dans toutes les communautés et dans les Églises. Et Paul en appelle à l'unité et à la réconciliation. Il n'apporte pas de solution, il n'a pas de recette. Il invite simplement à se recentrer sur l'unique fondement de la foi, l'unique raison d'être de la communauté chrétienne : le Christ lui-même. Et il nous laisse cette interpellation urgente : quel chemin trouver entre nous, entre nos Églises, dans nos communautés ou nos familles, pour aller au-delà des déchirements et trouver l'unité dans le respect des différences ?

Et comment, dans notre humanité si souvent déchirée, témoigner de l'unité qui nous est offerte par Dieu ? En accueillant cette lumière qui nous est donnée par le Christ : l'histoire n'est pas fatale, le passé n'enferme pas le présent : nous n'en sommes pas prisonniers. Accueillons donc la liberté qui nous est offerte pour ouvrir ensemble l'espace où peut naître le Royaume de Dieu au milieu de nous.