"Tous avaient les yeux fixés sur lui"
Dans la synagogue de Nazareth, en ce jour de sabbat, il s'était mis debout pour faire la lecture. Et, bien sûr, tous les regards des assistants étaient tournés vers lui. Pensez donc, ce fils du charpentier avait quitté le village depuis quelque temps. Maintenant on parlait de lui dans toute la région. Partout on faisait son éloge. En revenant chez lui, qu'allait-il donc leur dire ?
Dans le livre d'Isaïe, Jésus choisit le passage qui décrit la vocation d'un prophète investi par l'Esprit de Dieu. Ce prophète est envoyé pour proclamer une bonne nouvelle de libération en faveur des pauvres, des prisonniers, des aveugles et des opprimés. Ce choix de Jésus était déjà étonnant ! Car le maître de la synagogue les avait habitués à écouter, à chaque assemblée, les multiples préceptes de la thora, ...au point même de leur donner des complexes. En effet, à tous les tournants, il les traitait d'ignorants, d'incapables d'accomplir la loi. Il les accusait d'être des pécheurs. Et Jésus lui, se mit à lire : " Le Seigneur m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle " Tous avaient les yeux fixés sur lui. Ainsi donc, c'était possible : une parole de Dieu qui soit Bonne Nouvelle !
Raison de plus de garder les yeux fixés sur lui quand il ferma le livre et se mit à parler. "Cette parole, dit-il, que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit". Il ne s'agissait pas d'une parole du passé, du bon vieux temps quand Dieu parlait encore par les prophètes pour corriger les rois ou reprocher les infidélités de la nation. Il n'était pas question non plus de s'évader, en rêve, dans un avenir lointain, attendu patiemment, où le messie viendrait chasser l'occupant, rétablir la justice et assurer la suprématie d'Israël sur les autres peuples. Ainsi, c'était possible une parole de Dieu qui soit pour aujourd'hui. !
Ces gens de Nazareth ont eu raison de garder les yeux fixés sur lui. Car voici qu'il précisait : "Bonne Nouvelle aux pauvres, aux prisonniers la liberté, aux aveugles la vue et la libération pour tous les opprimés. Pour tous une année de bienfaits de la part du Seigneur". Dès lors, ils ne pouvaient plus rester là à regarder. S'ils le voulaient, ils pouvaient eux-mêmes devenir partie prenante du bouleversement que Jésus déclenchait. Il invitait au bonheur et il apportait une parole de Dieu qui soit pour les petits, pour les pécheurs, une parole de Dieu qui soit enfin libératrice ! Il annonçait cette année de bienfaits accordée par Dieu. Une année jubilaire, non pas comme celle que nous allons vivre en l'an 2000, faite principalement de réflexions et de prières, mais une année jubilaire qui arrive tous les cinquante ans, où les champs demeurent en repos, où les esclaves recouvrent leur liberté, où les terres aliénées reviennent à leurs anciens maîtres, où les dettes sont remises. La vie peut donc recommencer à neuf. En effet, quand Dieu parle, quand Il vient lui-même à la rencontre des siens, son message est toujours porteur d'un amour pour les plus faibles, porteur d'une libération pour ceux qui souffrent et d'une grande joie pour tous ! C'était déjà le cas, 400 ans auparavant, lors du retour d'exil, quand les rescapés sont rentrés au pays, que les murs du temple ont été relevés et que toute la ville de Jérusalem a célébré à nouveau la fête des tentes. Le prêtre Esdras fit la lecture publique de la Loi. Si certains pleuraient en regrettant de n'avoir pas observé les commandements, Esdras les rassurait en leur disant : "Ne vous affligez pas. Festoyez et partagez avec ceux qui n'ont rien de prêt. La joie du Seigneur est votre rempart". Dans le récit de Luc, Jésus a conscience d'être cet Envoyé de Dieu qui révèle à ses contemporains la puissance de l'amour divin et actualise la volonté de salut du Dieu vivant ! Toute sa prédication, tous ses comportements, tous ses gestes ne seront que la réalisation et la mise en oeuvre de cette Bonne Nouvelle de salut pour tous. La suite du récit de Luc nous dira que les Nazaréens, interpellés par la prédication de Jésus, ne l'ont cependant pas suivi. Pouvons-nous juger sévèrement ces gens de Nazareth ? Non, car si les siècles ont passé depuis la rédaction des textes de Néhémie et de Luc, la situation précaire de l'ensemble de l'humanité n'a guère évolué. Les injustices, le mal moral et social sont toujours bien présents comme si le message biblique n'avait rien changé et restait un voeu pieux, une vue de l'esprit, réservé au domaine de l'utopie. Et "Aujourd'hui, cette parole s'accomplit-elle ?" La question est posée. Nous qui prétendons tous être disciples de Jésus aurons-nous à coeur de traduire dans nos actes cette Bonne Nouvelle de salut que leur Maître nous a chargés d'annoncer ? Comprenons-nous que, maintenant encore, nos yeux peuvent fixer le visage de Jésus ? Car lorsque nos coeurs battent en harmonie avec son message et surtout quand nos actes s'y conforment, nous accomplissons aujourd'hui cette parole de tendresse que Dieu lui-même adresse à notre monde.