Confiance en toi, confiance en moi. Retrouver la confiance au creux même de cette déchirure, alors que mon coeur baigne au risque de se noyer dans une mer de larmes qui de temps à autre viennent se mourir dans un pli de mon visage. La blessure est béante. Elle saigne et arrive si difficilement à se refermer, comme si une part de moi-même s'était affaisée, écroulée. Et voilà, que toi, trahison, tu deviens compagne de ma vie. Je ne puis t'ignorer, t'oublier. Tu es en moi, tu es là, prête à surgir au moment où je m'y attend le moins. Trahison, ennemie qui dès à présent me façonne et m'offre un autre regard, une image blessée sur mon existence. J'ai mal à mon âme et je me sens si seul, au plus profond de ma solitude. Qui peut m'aider ? L'amitié qui vient d'être trahie ? La confiance à retrouver ? Qui ? Un Père aimant qui part à la rencontre de son fils ? Un Père qui remontre le chemin de la tendresse, celle qui sommeille dans un recoin de ce que je deviens. Un Père, un Dieu, mon Dieu, qui ce soir encore me fait retrouver le sens profond du pardon, celui qui conduit à la réconciliation.
Pardonner, c'est entre autre accepter de te reconnaître, toi qui m'a fait si mal, dans ce que tu es, en ton altérité. C'est accepter de reconnaître en toi une part d'inconnaissance, d'imperfection, une sorte de nocturnité dont toi-même n'a pas pleinement la maîtrise. Pardonner, c'est ainsi ouvrir en toi qui m'a blessé un nouveau chemin sur lequel tu pourras continuer d'avancer, de vivre avec un fardeau moins lourd. C'est te permettre, je l'espère et te le souhaite du plus profond de mon coeur, d'aller à la rencontre du meilleur de toi-même. Le pardon est alors une forme particulière d'amour. C'est pouvoir continuer à dire tendrement « je t'aime », malgré la peine reçue de toi, être aimé. Jamais rien n'est perdu, tout peut toujours recommencer. Mais, il y a également dans le pardon une dimension plus personnelle et que nous oublions souvent, c'est-à-dire que j'ai aussi à me libérer de moi-même. En effet, j'ai à prendre conscience que faute de pardon, je resterai toujours hanté par un souvenir douloureux. Et ce dernier ne cessera de resserrer en moi un noeud de tristesse et peut-être de colère. Cette colère que j'éprouve à la fois contre moi-même puisque : quelque part, je me reproche d'avoir trop vite fait confiance mais également contre toi qui, outre la blessure, reste le maître de mon existence par l'emprise que tu as maintenant sur ma destinée, sur mes souvenirs, si douloureux soient-ils. Le pardon devient pour moi, dans cette dimension, l'expression, mon expression d'un farouche désir de reprendre ma liberté. Par cette démarche, j'espère pouvoir délier au fond de moi-même cette tension qui m'empoisonne la vie et me rend prisonnier de l'événement. Ainsi, arriverais-je à retrouver une certaine estime de moi, où la blessure n'aura plus le dernier mot, ma propre volonté ayant pris le dessus.
Si cette dynamique m'est donnée à vivre, alors, je peux affirmer que seule une démarche de pardon pourra éliminer cette tristesse installée entre nous. Nous éviterons ainsi une escalade dans la violence négative des sentiments qui me conduiront immanquablement à t'exclure de ma vie. Le pardon ouvre au plus intime de nous-même une nouvelle voie faite d'amitié, de tendresse où toi et moi en nous "déliant" mutuellement, nous retrouvons notre liberté et redonnons par là une certaine dignité à la relation blessée. Il sera pour nous ce passage qui va permettre d'abandonner notre passé-souffrance pour prendre possession d'un futur possible, notre futur, celui qui va libérer toutes nos forces de vie, d'amour et de tendresse, pour marcher à nouveau sur le chemin de nos existences. Alors et alors seulement, nous vivrons entre nous ce que nous appelons la réconciliation. Cette dernière, à l'image de la parabole du fils prodigue trouve, avant tout sa source, dans notre relation à Dieu, notre Dieu, Père de tendresse et de miséricorde. En lui, en prenant le temps, nous puiserons la force pour dépasser ce qui nous semble impossible humainement. L'évangile est une invitation à choisir entre l'attitude du père et du frère, ce soir, quant à moi je ne puis hésiter. Que Dieu nous donne la force de traverser ce chemin de réconciliation. A toi l'ami qui m'a blessé, je te pardonne. A toi l'ami, pardonné, je t'aime. Amen.