3e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Heureux sommes-nous que saint Luc n'ait pas adressé son évangile à une personne qui se serait prénommée Raymonde ou Roger.  En effet, si tel avait été le cas, seuls celles et ceux qui portent un tel prénom  pourraient avoir le sentiment que cet écrit leur est spécifiquement adressé.  Non, l'apôtre Luc écrit à Théophile, c'est-à-dire, en français, à l'ami de Dieu.  Toutes et tous, nous sommes appelés à être des théophiles en puissance, à devenir des amis de Dieu.  Comme si entre Dieu et nous, nous étions liés par un noble sentiment d'amitié. 

Il est vrai que toute amitié naît d'une histoire de rencontres qui se sont confirmées, enrichies et ont ainsi donné naissance à une conjugaison nouvelle, celle d'un présent toujours  renaissant.  Au fil des saisons, ces rencontres sont d'abord régulières pour prendre le temps de l'apprentissage de la connaissance de l'autre puis plus ou moins espacées par la réalité de nos vies. Dans l'amitié, le miracle surgit à chaque fois : la conversation reprend comme si nous venions de nous quitter.  Quoi de plus normal puisque nous sommes sur la même longueur d'ondes, celle du c½ur. La rencontre est pourtant chaque fois différente, car nous mûrissons. Au long des mois et des années, s'est construit un lien dans une proximité plus réelle que la distance, dans une présence plus forte que l'absence. Nous apprenons à rester ouvert à l'altérité de l'autre. Nous nous découvrons plus vivants, plus forts, reconnus dans notre singularité.  Nous nous enrichissons par nos discussions sur le sens de la vie, sur les soucis que nous traversons, sur les bonheurs que nous vivons. Par ailleurs,   chacun trace sa route comme il le souhaite tout en espérant toujours être aimé dans les chemins qu'il emprunte.  Si la confiance en la vie vacille, l'ami revient au bercail de l'amitié pour à nouveau partager, interroger, confirmer car il sait qu'au-delà d'une absence l'océan de sentiments ne perd pas une once de tendresse.  Ensemble nous découvrons, dans la fidélité des sentiments partagés, que l'amitié est une vertu car elle se vit de sincérité et se nourrit dans la vérité.  Finalement, le véritable nom de l'amitié ne serait-il pas celui de « confession ». En effet, les rencontres sont toujours teintées d'une sensibilité à la faiblesse de l'autre, à sa fragilité ou sa vulnérabilité.  Une forme de tendresse teintée de compassion.  La tendresse, ce sont finalement deux faiblesses qui se reconnaissent mutuellement et entrent en résonance. Ici, la sensibilité acquiert une dimension nouvelle, celle d'être capable d'être touché par l'autre, tout autant vulnérable et proche que je puis l'être.  La sensibilité nous conduit à une proximité où la présence importe plus que les projets, où l'être engage plus que l'agir.  Ce qui nous bouleverse, dans toute amitié vécue, c'est cette acceptation de la beauté d'une fragilité fondamentale, mieux encore cette manière unique, absolument inédite, d'être et de se livrer.  Il en va ainsi tant entre deux êtres humains que dans notre relation avec le Père dans le Fils et par l'Esprit.  En Dieu, il suffit de faire taire en nous toute forme de pollution du bruit afin d'entrer dans le silence de notre c½ur.  Libérés de la sorte, nous pouvons reprendre notre prière là où nous l'avions laissée et déposer en Lui tout ce qui nous fait vivre, souffrir, toutes les personnes que nous aimons et/ou dont nous nous préoccupons.  Dans la foi aussi, nous mûrissons car nous cherchons à ajuster notre vie au projet divin.  La vérité est le fondement de notre rencontre intime.  Elle nous ouvre tout entier vers cette liberté promise aux enfants de Dieu.  Le chemin de l'amitié de Dieu se laisse découvrir dans les pages de son évangile.  Oui, heureux sommes-nous alors d'être des théophiles, des amis de Dieu car comme le souligne le prophète Esdras : « La joie du Seigneur est notre rempart ».  Dans l'amitié divine, Dieu est notre force, notre compagnon de route ou pour le dire plus simplement, Lui et moi, nous sommes amis mais cette fois pour la Vie.

Amen.