3ème dimanche de Carême

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 28/02/16
Temps liturgique: Temps du Carême
Année: 2015-2016

L’Evangile d’aujourd’hui me fait penser à une discussion entre parents. Leur grand garçon qui vient d’avoir 18 ans vient de rater pour la deuxième fois les examens au collège. C’est fini ! Il est condamné à tripler son année. Le père est furieux. Il ne veut pas entendre cela. Il veut mettre son fils à la porte, lui couper les vivres, l’obliger à se débrouiller seul. Et la maman, comme c’est souvent le cas dans les familles, essaie d’apaiser le courroux paternel. La Bible aime bien ce genre de situation : un homme qui négocie avec Dieu pour apaiser la colère divine. C’est le fameux marchandage d’Abraham avec le Seigneur au sujet de Sodome (Genèse 18, 17 – 33). L’horreur est à son comble. Le Seigneur a décidé de détruire cette ville. Et Abraham intervient et se met à négocier. « Oui, mais s’il y a cinquante justes, est-ce qu’ils doivent périr avec toute la ville ? Et s’il n’y en a que quarante, trente, vingt, dix, est-ce qu’ils doivent périr avec toute la ville ? » C’est un véritable marchandage. On se croirait au souk, à Marrakech. Et ça marche. Et cela nous apprend quelque chose : Dieu se laisse émouvoir par la prière d’intercession.

            C’est une très belle chose que l’Evangile nous invite aujourd’hui à méditer : la prière d’intercession. On a une mentalité tellement matérialiste qu’on en oublie la dimension spirituelle de notre vie. Oui, c’est beau de prier les uns pour les autres. C’est encore mieux de pouvoir aider les autres de façon concrète et saint Jacques a bien raison de mettre en garde les beaux parleurs. « Allez vous réchauffer et vous rassasier », disent-ils, mais ils ne donnent rien aux pauvres qui les interpellent. Mais, parfois, nous sommes démunis devant l’épreuve que traverse notre frère. Alors nous pouvons prier pour lui. C’est ce que je recommande souvent aux personnes qui sont seuls et qui se plaignent de leur solitude. Je leur dis : chaque jour, priez pour quelqu’un en particulier. Cela va l’aider. Cela aussi transforme la personne qui prie sans cesse.

            Car il est dit qu’il faut prier sans cesse. Et c’est vrai, c’est beau, cela transforme le cœur. Imaginons que je prie tous les jours pour être le chef à la place du chef. Au bout d’un certain temps, comme ça ne marche pas, je peux me demander si c’est vraiment une bonne idée, s’il n’y a pas une autre façon d’être heureux, de rendre service aux autres et à moi-même. Prier transforme parce que cela m’oblige à ne plus regarder les personnes et les événements de la même façon, mais cela m’oblige à me placer sous le regard de Dieu. Cela m’oblige à me demander : « et toi, Jésus, que ferais-tu à ma place ? »

            C’est cela, la prière d’intercession. C’est peut-être Dieu qui se transforme, qui change d’avis, qui passe d’une parole de condamnation à un geste de réconciliation. C’est aussi et surtout moi qui me transforme, qui regarde ma vie et mon entourage à la lumière de l’amour infini de Dieu pour chacun d’entre nous. prions donc les uns pour les autres, non pas pour éviter de les aider concrètement, mais pour mieux voir et comprendre comment les aider comme Dieu le ferait à notre place, comme Dieu le fait depuis toute éternité. Car Dieu est allé jusqu’à mourir pour nous alors que nous étions plongés dans l’entêtement de notre erreur et dans la solitude de notre orgueil. Prions chacun pour un de nos frères ou une de nos sœurs pour mieux participer à l’œuvre d’amour et de salut que Dieu entreprend pour chacun d’entre nous.