4e dimanche de Carême, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

PROLONGER LA VIE OU L'ETERNISER ?
Le récit de « la résurrection de Lazare » est le dernier « signe » accompli par Jésus : lui qui a donné la LUMIERE à un aveugle-né rend la VIE à un défunt. Les 2 dons par excellence : LUMIERE ET VIE.
Lors des fêtes d'automne à Jérusalem, Jésus s'est heurté à l'incrédulité et à la haine ; il a même échappé à des tentatives de lapidation (8, 59: 10, 31). Alors il a quitté la capitale et est retourné au Jourdain, là même où il avait reçu sa vocation et où Jean-Baptiste l'avait désigné comme « l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». On l'imagine méditant la signification de cet appel. Des gens commencent à croire en lui (10, 41) mais il ne s'agit pas seulement de créer une petite secte paisible à la campagne. Que faire ? Lors de ces semaines d'hiver (10, 22), Jésus attend un signal de son Père.
Au début du printemps, alors qu'approche la fête de la Pâque, le signal survient : on lui apporte un message de Marthe et Marie, deux s½urs qui habitent à Béthanie, village proche de Jérusalem : « Notre frère Lazare, que tu aimes, est très malade ». C'est une supplique : « Viens vite ! ».
Néanmoins, au lieu de se rendre d'urgence près de son ami, Jésus demeure sur place 2 jours. Le 3ème jour (notation qui reviendra à la résurrection de Jésus !!), il convoque ses disciples :
« Retournons en Judée. ». Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? ». Jésus répondit : »....Lazare, notre ami, s'est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. ». Les disciples lui dirent: « Seigneur, s'il s'est endormi, il sera sauvé. ». Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n'avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! ».
Thomas dit aux autres: « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »
Jésus sait donc qu'il va se jeter dans la gueule du loup mais  pour lui une seule chose importe : accomplir la volonté de son Père. En lui obéissant il demeure dans la lumière de la Vérité, quoi qu'il arrive ; s'il refusait l'appel, il basculerait dans les ténèbres. « Pour que vous croyiez » : ce qui va se produire devra entraîner les disciples dans une confiance totale. Jésus est l'Agneau qui arrive à Jérusalem afin d'être immolé pour la Pâque, il est le Fils de Dieu qui vient rendre vie à l'homme mort quitte à offrir sa propre vie en échange. La mort n'est qu'un sommeil dont l'homme peut s'éveiller en écoutant la voix du Fils.
........Lorsque Marthe apprit l'arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l'accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Elle reprit : « Je sais qu'il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? ».   Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. »
Marthe croyait en Jésus guérisseur, capable de sauver son frère de la maladie, elle croyait également en la résurrection des morts à la fin des temps (sans doute appartenait-elle à la mouvance pharisienne) mais Jésus la place devant une foi beaucoup plus radicale. Quiconque croit que Jésus est le Fils de Dieu est habité par une Vie divine : dans son corps certes, il connaîtra la mort mais dans son être le plus profond, il vivra déjà d'une Vie sur laquelle la mort n'a pas de prise. Marthe a-t-elle compris la stupéfiante  révélation ? Toujours est-il qu'elle fait la profession de foi qui sera celle des premiers chrétiens, lorsque, croyant en la Résurrection de Jésus, ils croiront aussi à la leur.
Marthe partit appeler sa s½ur et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t'appelle. » Marie se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Les Juifs la suivirent. Dès qu'elle  vit Jésus, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Quand il vit qu'elle pleurait, et que les Juifs pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d'émotion, il fut bouleversé et il demanda : « Où l'avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. ». Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient : « Voyez comme il l'aimait ! ». Mais certains d'entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Les deux s½urs savent la menace qui plane sur Jésus et elles tentent de taire son arrivée mais, sans le vouloir, Marie entraîne vers lui « les Juifs » : saint Jean emploie souvent ce mot non pour indiquer la nationalité de ces hommes (tous les personnages sont juifs, à commencer par Jésus) mais pour désigner les « judéens »qui lui sont farouchement hostiles. Et devant cet immense chagrin qui submerge ses amies et leurs proches, Jésus est bouleversé : « il aimait Lazare et ses s½urs ».
Dans l'amour, Dieu et l'homme se rapprochent,  ils communient, pourrait-on dire. Dieu n'est pas un Tout-Puissant impassible, il n'exige pas que nous supportions tout sans broncher. Et Jésus n'est pas un stoïcien. Perdre un ami le bouleverse : il pleure sur ce malheur extrême qu'est la mort d'un frère, d'un ami. Mais pourquoi donc, lui qui a opéré tant de guérisons, n'a-t-il pas empêché la mort de son ami ?....
Jésus, repris par l'émotion, arriva au tombeau. C'était une grotte fermée par une pierre. Il dit : « Enlevez la pierre. » Marthe lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c'est le quatrième jour qu'il est là. ». Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l'ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. ». On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m'as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m'exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m'entoure, afin qu'ils croient que c'est toi qui m'as envoyé. ». Après cela, il cria d'une voix forte : « Lazare, viens dehors ! ». Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d'un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. »
Jésus n'est pas un magicien obligé de multiplier les invocations divines pour obtenir la force de réaliser un miracle ; sa prière est louange, action de grâce, signe pour entraîner les témoins à la foi. C'est le Père qui va agir par son Fils : leur gloire commune va se manifester.

Beaucoup de détails évoquent la mort prochaine de Jésus et sa résurrection mais Jean souligne les énormes différences. Au Golgotha, la pierre sera découverte déjà roulée ; les vêtements funéraires seront identiques  (drap du corps et linge de la tête) mais alors ils seront découverts, vides, à plat, à leur emplacement ; et personne n'aura à délier Jésus.
C'est pourquoi il est préférable de parler de la « réanimation de Lazare » et de garder le mot « Résurrection » pour Jésus car Lazare se retrouve dans le même état qu'avant. Et s'il se tait en sortant, s'il ne dit rien de ce qu'il aurait pu expérimenter dans l'au-delà, c'est sans doute parce qu'il comprend qu'il vient seulement de bénéficier d'un sursis, qu'il lui faudra reprendre la marche à la mort et « re-mourir ». On comprend donc la réticence de Jésus à offrir cette possibilité à son ami. La solution à notre angoisse est-elle de prolonger la vie terrestre ou de recevoir une Vie tout autre, éternelle ?

Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui. Mais quelques-uns allèrent trouver les pharisiens pour leur raconter ce qu'il avait fait.
Comme il en va toujours, le « signe » opéré par Jésus divise l'auditoire. Certains commencent à croire en lui tandis que d'autres courent rapporter l'événement aux autorités religieuses.

Il faut lire la suite tragique du récit : on convoque le grand conseil (le Sanhédrin) car on craint que la rumeur se répande et que de plus en plus de gens se mettent à croire en Jésus le messie. Puisque celui-ci peut rendre la vie, le peuple, enthousiasmé, risque de se soulever contre les Romains mais ceux-ci noieront la révolte dans le sang et saccageront la ville et le temple. D'où la conclusion du grand prêtre Caïphe : «  Votre avantage, c'est qu'un seul homme meure pour le peuple.... ». Jean note : « C'est ce jour-là qu'ils décidèrent d'exécuter Jésus » (11, 47-53). On décide de faire mourir celui qui vient de redonner la vie !

REFLEXIONS :
Attendre et comprendre les appels que le Seigneur nous lance à travers les malheureux. Oser y répondre même s'il y a risque.
Le Seigneur crie : « Sors !! » : de quelle résignation, de quel sommeil dois-je « sortir » ?...A qui répercuter ce cri d'encouragement ?...
Tous nous sommes écrasés par la mort d'un être aimé, scandalisés s'il s'agit d'un jeune, nous voudrions qu'il continue à vivre. Réaction bien normale mais cet évangile nous rappelle que nous sommes mortels et que la solution n'est pas de prolonger la vie terrestre mais de faire confiance au Christ Seigneur qui nous offre de participer à la Vie divine. Celui qui croit vraiment vit dès aujourd'hui d'une vie sur laquelle la mort n'a pas de prise. Il est donc essentiel que les chrétiens soient présents lors de la mort d'un homme. Non pour tenir des propos faussement consolateurs mais pour témoigner, debout, de Jésus ressuscité et donc de l'espérance. Les funérailles ont retrouvé par bonheur leurs ornements blancs et on y chante l'Alléluia car là où il y la croix, là même jaillit la Vie éternelle.