Jn 3, 14-21
Pas de souci ! Bruxelles, Finistère, 25-26 mars 06 Ep 2, 4-10 « Le salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; il ne vient pas des ½uvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier. » Jean 3, 14-21 « Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. »
Il y a une petite expression bien sonore, toute nouvelle, qui s'est glissée dans notre langage et qui jaillit de plus en plus souvent dans nos salutations comme un chant de canari. En français, on dit « Pas de souci », en anglais « No stress », cela rime avec tendresse et politesse. C'est un cadeau que l'on se fait comme une caresse d'âme pour calmer l'angoisse. « Pas de souci, ne vous inquiétez pas, tout va bien, no stress ! S'il vous plaît ! Soyez en paix ! »
Mais vous le devinez, est-ce que l'on répèterait cette formule à tout bout de champ si l'on n'en avait pas besoin, si l'on n'était pas stressé justement, si l'on parvenait à se reposer vraiment ? Notre civilisation active, pressée, transpire d'angoisse, d'inquiétude et de peur. Que faire pour survivre, vais-je pouvoir m'en sortir ? S'il fallait trouver un titre pour résumer ce que je retiens de la Parole qui résonne aujourd'hui, je choisirais donc cette expression nouvelle et amicale : « pas de souci ! » Pas de souci, nous dit Jésus : Reposez-vous. « N'ayez pas peur ! » Je gère ! J'assume, je le prends sur moi.
Saint Paul le dit aussi à sa manière : « Le salut ne vient pas de vous ». Le mot « salut » ne nous dit plus rien car nous ne pensons ni à l'enfer ni au paradis, s'est pour aujourd'hui que nous avons peur de tout simplement couler et d'être perdus. Mais le salut, pour Dieu, c'est tout l'homme et cela commence maintenant. Donc pas de souci : bonne nouvelle ! Enfin quelque chose qui ne dépend pas de nous ! Nous faisons des efforts de Carême (vous du moins, parce que je vous confesse que je n'en fais pas plus que d'habitude et j'ai déjà beaucoup de mal...) mais ces petits efforts n'ont aucune importance en eux-mêmes ! Le salut ne vient pas de nous. Il nous est offert, inconditionnellement : Pas de souci !
Le bon pape Jean XXIII méditait dans une nuit d'insomnie, et voici que la lumière lui vient : « Que tu es bête, Angelo, que tu es bête ! Ce n'est pas toi qui diriges l'Eglise, c'est le Saint Esprit ! » Nos préoccupations seraient-elles plus importantes que celles du Pape lui-même ? Pas de souci ! Faites confiance au Saint Esprit ! Notre péché n'est-il pas surtout le manque de foi, c'est-à-dire de confiance ? « Le parfait amour bannit la crainte ». Alors pourquoi nous effrayer ? La vie est difficile et ce que je dis ne va pas la changer superficiellement mais profondément. Voici qu'à l'opposé de ce monde de compétition, de sélection et d'exclusion, l'assurance d'une solidarité divine nous est donnée. Une assurance vie gratuite et garantie. Une assurance vie éternelle, pour la vie spirituelle, pour l'essentiel. Ce salut ne s'achète pas, il se reçoit.
Peut-être pensez vous que j'exagère en disant qu'il se reçoit. Il est vrai que le rapport entre la foi et l'action a été un sujet très débattu. Catholiques et Protestants se sont étripés à propos de la question des ½uvres et de la foi. Depuis, le pape Jean Paul II, réhabilitant Martin Luther, a bien précisé qu'en fait nous étions tous d'accord. La question était mal posée. En effet, comment pourrait-on croire sans chercher, du même coup, à s'ajuster à ce que l'on croit ?
Il est clair que nous serons toujours en dette et que nous ne pourrons jamais rendre tout ce que nous avons reçu. Mais en est-il question ? Où est le problème ? Le Dieu de Jésus-Christ serait-il un banquier qui demanderait remboursement avec les intérêts ? Ce qu'il a donné, il l'a vraiment donné. Il est même prêt à donner plus encore pour que nous soyons dans la joie. « Demandez et vous recevrez ». Il nous fait un chèque en blanc. Je vous encourage donc à demander le maximum, c'est-à-dire pas seulement un beau pantalon ou une nouvelle machine à laver la vaisselle, mais Dieu lui-même : rien moins que son Esprit, sa Vie, sa force, son Amour.
Voilà pour les donc reçus. Réciproquement, si nous accueillons à plein l'amour de Dieu offert si généreusement, comment notre vie n'en serait-elle pas transformée ? Comment la foi ne nous conduirait-elle pas à l'espérance, à l'amour et donc à l'action ? Opposer la foi, la confiance, et le comportement, c'est un peu comme opposer l'arbre à son fruit, cela n'a pas de sens car tout va ensemble.
Penser s'en sortir tout seul, c'est rester enfermé sur soi. La sortie, le salut et la vie, c'est entrer en relation justement, entrer dans la confiance et dans l'amitié. Alors, de n'être plus seul nous dynamise et nous fait rayonner.
Avoir confiance, ne plus avoir peur, ne plus être stressé, nous remet sur pieds comme le paralytique guéri et pardonné, qui va jusqu'à prendre son brancard pour le porter à bout de bras.
Le salut, c'est la vie, la vie en abondance, c'est-à-dire le contraire de la vie solitaire. C'est la vie en communion, la vie en amitié, les grands projets et la force de les accomplir.
Pas de souci ! « J'ai vaincu le monde ! » Jésus a ouvert ce qui était fermé, replié, séparé. Il a ouvert les yeux, ouvert les mains, ouvert les oreilles, ouvert le c½ur. Il a même ouvert les tombeaux. Rien ne devrait plus nous faire peur, rien ne devrait plus nous arrêter. Le stress peut stimuler mais, en excès, il paralyse, c'est comme la culpabilité : en clignotant, comme indicateur, c'est excellent mais il faut mesure garder. Alors aujourd'hui, faisons un pas, franchissons un seuil, décidons de croire que nous sommes aimés inconditionnellement, pour de vrai, accueillons cette nouvelle ne serait-ce qu'un tout petit peu, pour aujourd'hui et pour demain. Nous serons surpris, en bien, alors : Pas de souci !