En ce 4è dimanche de carême, Jean nous rappelle cet épisode du serpent, raconté au livre des Nombres de l'AT., pour en faire le rapprochement avec le symbole de la croix.
Le peuple hébreu errait dans le désert, sans horizon, sans repères, il tournait en rond et se retrouvait sur ses anciennes traces. Où est cette terre, promise par Dieu, vers la quelle doit nous conduire Moïse ? "Pourquoi nous avez-vous fait quitter l'Egypte ? disaient-ils. Pour nous faire mourir dans le désert ? Il n'y a ici ni pain ni eau et nous sommes dégoûtés de la manne, cette nourriture de misère"
Le livre des Nombres nous raconte alors que Yahvé, pour punir son peuple du manque de confiance, lui envoya des serpents venimeux qui décimèrent rapidement les rangs hébreux.
Le peuple se tourne alors vers Moïse pour qu'il supplie Yahvé d'éloigner ces serpents. Dieu dit alors à Moïse de couler un serpent en bronze et de l'accrocher en hauteur au dessus d'un poteau pour que le peuple puisse se mettre devant lui, le regarder, reconnaître son manque de confiance, sa faute, et par cette démarche, être guéri de la morsure et du venin du péché. Ce serpent de bronze est donc tout le contraire d'une idole, d'un faux dieu. C'est le rappel du serpent de la Genèse qui renvoie l'homme à sa véritable destinée qui est le long et exigeant chemin de la relation, de l'amour. Le serpent de bronze est un miroir qui renvoie à l'homme sa véritable image, non pas dans un paradis avec tous les fruits, toute la connaissance a portée de main, tout de suite, mais sur le long chemin de la confiance à Dieu qui conduit à la connaissance de Dieu.
Regarder vers le serpent au dessus de son mât, c'est prendre de la hauteur pour être capable de voir nos propres traces qui tournent en rond, n'ont plus d'objectifs et se perdent dans la banalité des sables de nos déserts, c'est prendre de la hauteur pour voir plus loin, l'horizon de la terre promise et sortir du cercle infernal, du venin mortel qu'est le péché du manque de confiance, en soi, dans les autres ou en Dieu.
En reliant l'image du serpent de bronze de l'AT. à celle du Christ sur la croix, Jean nous met déjà dans ce chemin vers Pâques, debout devant la croix comme les Israélites devant le serpent dans le désert.
Jean nous dit dans l'évangile : "De même que le serpent de bronze fût élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut il que le fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit en lui obtienne la vie éternelle."
Le serpent de bronze, en renvoyant l'homme à la prise de conscience de son péché, le guérissait du venin dans son corps. Le Christ, par sa mort, nous entraîne à sa suite, malgré tout le poids de nos manques d'amour, non pas dans la guérison physique mais dans la vie éternelle. C'est cela la grâce qui nous sauve si nous y croyons. Alors, qui suis-je devant ces représentations du Christ souffrant cloué sur une croix ? De qui et de quoi ces crucifix sont ils pour moi le signe ?
Je préfère à ces images de tristesse peintes ou sculptées, la simple croix plantée ou sommet d'une montagne. Celle dont l'approche est difficile et me fait souffrir dans mon corps, celle surtout qui me dynamise, qui me montre le chemin et m'attire vers le sommet en plein soleil, cette lumière dont parle l'évangile. C'est la croix au pied de laquelle, je me sens tellement petit, émerveillé et plein de projets dans l'immensité qui m'entoure et m'attend. Se tourner vers la croix, c'est se mettre en face de son destin. C'est voir la croix avec un miroir en arrière plan.
"C'est vrai, Seigneur Jésus, que je suis faible et fragile. Je reconnais que mes lâchetés et trahisons ont conduit ton corps à la mort. Mais je crois aussi que malgré mes faiblesses tu me fais l'immense confiance de me confier ton relais. Par ta mort, c'est ta place que tu me demandes de prendre. En me demandant seulement d'aimer, c'est la vie de Dieu que tu me confies." Le chemin d'amour que Jésus est venu montrer aux hommes est loin d'être terminé. Se tenir devant la croix, c'est reconnaître la mort du fils de Dieu, c'est voir la place devenue vide et accepter de la prendre nous-mêmes en se lançant dans l'aventure d'une longue et difficile ascension, souvent dans l'ombre et les pierrailles, mais avec en point de mire, là-bas, tout en haut dans le soleil et la lumière, cette croix qui se découpe dans le ciel. C'est le chemin vers Pâques, celui du bonheur de l'homme, vers la résurrection du Christ qui passe par la nôtre.
Se tenir devant la croix, c'est aussi entrer dans la démarche sacrée de l'Eucharistie à laquelle nous sommes appelés dans quelques instants : "Seigneur Jésus, devant toi, nous reconnaissons que tu es la source et le sens de l'amour, que tu es le Dieu amour. En recevant ton corps et ton sang, nous voulons, malgré nos faiblesses, que nos corps deviennent le tien pour oser aimer comme tu nous l'as montré."
Le serpent de bronze a permis la guérison des Israélites après la reconnaissance de leurs péchés, ce venin du manque de confiance.
Jésus, mort sur la croix, laisse sa place aux hommes, les renvoie à leur destin, celui de devenir à leurs tours partenaires du plan d'amour de Dieu pour le monde.
Que la croix en soit pour nous le signe, Amen.