4e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

« Je te salue, comblée de grâces », quelle bien étrange façon de saluer quelqu'un.  Que diriez-vous si je vous saluais en disant : je vous salue, rempli de péchés ? la façon d'interpeler quelqu'un est très importante et révélatrice de la relation que l'on veut avoir avec cette personne.  Rappelez-vous durant la période communiste tout le monde se saluait en disant camarade.  Cela soulignait le fait que l'on partageait le même labeur, le même combat.  Pendant la révolution française, on se saluait en disant citoyen.  Cela supprimait toutes les différences sociales et cela rappelait que tous formaient une seule nation à laquelle il fallait tout donner.  Dans les couvents, nous nous saluons en disant frère.  Cela nous rappelle que nous avons tous un même père et que nous devons vivre en conséquence.  Ici, l'ange dit : salut, comblé de grâces.  Il ne dit même pas Marie.  Or appeler quelqu'un par son prénom, c'est le reconnaître comme une personne unique.  Mais non, l'ange ne se base pas sur l'individualité humaine de Marie, il se base sur sa grâce.  Car, quand on donne un nom à quelqu'un, on reconnaît en lui l'élément le plus important, le plus significatif.  Si quelqu'un vous appelle : salut, pointure quarante-deux, vous savez que c'est un cordonnier.  Si au contraire il vous appelle : salut, carie numéro, vous savez que c'est un dentiste.  Chacun appelle son voisin par l'aspect le plus important et le plus significatif.  Ici, l'ange dit : comblée de grâces.  La grâce divine, c'est son domaine.  Inutile de dire que l'ange ne voit que cela dans une personne humaine : la quantité de grâce divine.  C'est plus important que l'identité humaine.  Pour l'ange, le plus important, c'est le rayonnement divin à l'intérieur de Marie.  Marie est toute rayonnante de grâce divine et c'est cela qui tout d'abord stupéfie l'ange.  Et on connaît cela : on a eu la chance de rencontrer des gens qui étaient tout rayonnants de Dieu, comme on a également rencontré des gens qui étaient tout remplis d'eux-mêmes et ce n'est pas la même chose.
Mais une question se pose aussitôt : pourquoi est-ce que c'est Marie qui a bénéficié de cette overdose de grâces, et pas moi.  C'est vrai : elle n'a rien fait de spécial pour cela, c'est Dieu qui l'a choisi.  Et pourquoi pas moi ? Poser la question de cette façon, c'est déjà y répondre, parce que c'est réagir comme un enfant jaloux de son frère ou de sa s½ur.  Et pourquoi est-ce que lui il peut sortir jusqu'à trois heures du matin, et pas moi ? C'est une attitude d'enfant difficile et jaloux.  La question est plutôt de savoir comment Marie a pu laisser s'ouvrir son c½ur de telle façon que Dieu a pu le remplir de tant de grâces.  Le plus difficile dans la vie, ce n'est pas d'aimer, mais de prendre le risque d'être aimé.  Car alors on se met en position d'infériorité, on laisse sa vie entre les mains de quelqu'un d'autre qui peut nous laisser tomber, qui peut nous blesser par maladresse, car notre c½ur est grand ouvert comme une plaie béante.  Et c'est sans doute une des raisons pour laquelle l'ange n'a pas appelé Marie par son prénom, c'est parce qu'elle était comme transfigurée par l'amour de Dieu.  Voir Marie, c'est voir Dieu dans ses yeux, dans son regard, dans son écoute, dans son aptitude à rendre service.  Marie n'a peut-être pas très bien compris tout ce qu'on lui demandait, mais cela n'avait pas d'importance ; elle avait confiance : que tout se fasse selon ta volonté.
En cette dernière semaine avant Noël, retrouvons cette attitude toute simple et pourtant pleine de risque de se laisser emporter par l'amour de Dieu afin que le soir de Noël nous ne soyons pas simplement émus par le petit Jésus, mais que nous aussi nous soyons rayonnants de l'amour de Dieu.