4e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Charles Dominique
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Dans la nuit de Noël, nous entendrons le récit de la naissance de Jésus selon saint Luc. Joseph quitte Nazareth pour aller à Bethléem qui est appelée « la ville de David » car, explique le texte, « il était de la maison et de la descendance de David. »  Or, dès le premier verset de Matthieu (et donc du Nouveau Testament), il est dit que Jésus est « fils de David ». Ensuite, les gens l'interpellent avec ce titre de « Fils de David » ; les aveugles crient « aie pitié de nous, fils de David ! » (Mt 9,27 ; 20,30) ; la Cananéenne : « aie pitié de moi, Seigneur, fils de David ! » (Mt 15,22) ; les foules, quand il entre à Jérusalem : « Hosanna au fils de David ! » (Mt 21,9).

Dans l'évangile de l'Annonciation à Marie que nous venons d'entendre, avez-vous remarqué ce que dit l'ange : « Le Seigneur lui donnera le trône de David son père, il règnera pour toujours sur la maison de Jacob et son règne n'aura pas de fin » (Lc 1,32). Pourquoi donc est-il si important que Jésus soit « descendant » de David ? Essayons de comprendre.

David est très vénéré dans le judaïsme. On lui attribue la composition de tous les psaumes et, selon la tradition, il priait Dieu en chantant et en s'accompagnant de la lyre à dix cordes ou de la harpe (cf. Ps 33,2). Pas de doute, c'était un poète, un musicien, un artiste ! C'est ainsi que les peintres et les sculpteurs l'ont souvent représenté ! Mais David fut aussi un pécheur ! N'est-il pas important pour nous de constater que les plus grands personnages bibliques ne sont pas irréprochables. La Bible en effet garde la mémoire de son double péché : son adultère avec Bethsabée, la femme d'Urie le Hittite, et son homicide puisqu'il a fait tuer ce pauvre homme pour cacher son adultère ! Mais elle souligne surtout en contrepoint son profond repentir et le pardon que son attitude de conversion a obtenu de Dieu. Cette attitude est exemplaire et nous aussi, nous n'avons jamais à nous considérer comme impardonnables ou perdus.

Le personnage de David a ainsi été très idéalisé : il est devenu le modèle du roi que Dieu aime : religieux et serviteur de son peuple. Après lui, le plus grand nombre de ses successeurs seront de très mauvais rois. Il leur sera reproché d'avoir adoré les faux dieux, d'avoir fait « ce qui est mal aux yeux du Seigneur », c'est-à-dire de n'avoir pas respecté les gens vulnérables comme la veuve, l'orphelin, l'étranger, et d'avoir surtout cherché leur profit personnel par tous les moyens... Tout cela a provoqué leur condamnation par Dieu et le renversement de la royauté : Jérusalem fut prise par le roi Nabuchodonosor et la population fut déportée à Babylone.

On s'est alors souvenu de la prophétie de Samuel que nous avons entendue dans la première lecture. C'est un texte très impressionnant. Dieu y rappelle à David qu'il a toujours habité avec son peuple, non pas dans une maison mais sous la tente : il a choisi d'accompagner son peuple dans ses déplacements. Dieu ne s'est pas installé dans un lieu mais dans un peuple. Sa maison, c'est son peuple au milieu duquel il a choisi de planter sa propre tente !

C'est une très belle image ! Nos ancêtres dans la foi sont des bédouins, des migrants qui se déplaçaient sans cesse avec leurs troupeaux. Ils vivaient sous la tente. Il y en a toujours en Jordanie et en Palestine. Leur mode de vie ressemble à celui des Touaregs d'Afrique du Nord. Cette belle image du campement est reprise dans le prologue de l'évangile de Jean que nous entendrons le jour de Noël : « Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous. » On pourrait traduire littéralement : « et il a planté sa tente parmi nous. » Le Dieu du ciel veut résider avec les hommes et au milieu d'eux, cheminer en leur compagnie, sur leurs propres chemins. Jésus, Fils de David est aussi « Emmanuel » : « Dieu avec nous » (Mt 1,23).

Dieu ne veut pas qu'on l'enferme dans une maison en dur ! Son projet est de se construire une maison humaine, d'être au milieu d'un peuple, d'une humanité. En donnant une descendance à David, il se construit une maison vivante : « Le Seigneur te fait savoir qu'il te fera lui-même une maison. Quand ta vie sera achevée, je te donnerai un successeur dans ta descendance, qui sera né de toi, et je rendrai stable ta royauté. Je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils. Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi ! » Nous reconnaissons ici les mots que nous avons entendus dans les paroles de l'ange à Marie ? Car la mission de Marie est de réaliser cette promesse faite à David par l'intermédiaire du prophète Nathan.

Le peuple en exil à Babylone s'est souvenu de cette promesse faite à David. Au pire moment de son histoire, s'éveille dans le peuple exilé l'espérance en la venue de ce descendant de David pour qui Dieu sera un père et dont la royauté ne passera pas. Le roi recevait l'onction d'huile au début de son règne pour bien signifier qu'il avait été choisi et qu'il avait reçu la mission de guider son peuple et on lui donnait le nom de « Messie » parce qu'il avait reçu l'onction. L'attente du descendant promis au roi David s'est ainsi transformée en attente du « Messie » ! Le mot « Christ » est la traduction en grec du mot « Messie ».

Pendant des siècles, le peuple de Dieu a ainsi espéré voir naître ce descendant de David ! Cette attente continue pour le peuple juif. Mais pour nous, chrétiens, cette attente a été comblée avec la naissance de Jésus. Pour nous, Jésus est ce roi messie attendu.

Chers amis, j'ai voulu, vous faire comprendre pourquoi il est si important que Jésus naisse à Bethléem, la ville de David, et pourquoi le titre de « fils de David » est tellement présent dans le Nouveau Testament. Ce titre résume toute l'espérance chrétienne. Quand Paul dit : « je proclame l'Évangile en annonçant Jésus Christ », il veut tout simplement dire que proclamer l'Évangile consiste à annoncer que Jésus est le Messie, le fils promis à David ! Préparons-nous donc à accueillir ce Messie, Jésus Christ et Emmanuel, Dieu qui vient planter sa tente chez nous. Que Dieu vienne naître en nos c½urs car, comme l'écrit Angélus Silésius, mystique du 17e siècle :

« Le plus doux : voir Dieu enfant d'homme,
Le plus heureux : sentir en soi sa naissance. »