Elisabeth est de la descendance sacerdotale d'Aaron. La bible ne nous en dit que peu de chose et la liturgie encore moins puisque Ste. Elisabeth, épouse de Zacharie, n'a même pas une fête, pas plus que son saint époux d'ailleurs ! Cousine de Marie, mariée, on la disait stérile. Le pire opprobre pour une épouse en Israël.
Dans un contexte où la virginité deviendra symbole de Foi, l'adultère d'idolâtrie, la maternité de promesse et de vie, la viduité d'abandon et de mort, la stérilité de néant, la malheureuse Elisabeth est bien mal lotie. Mais le Dieu de la bible est le Dieu des surprises. Dans sa vieillesse Elisabeth conçoit un fils car, « rien n'est impossible à Dieu » remarque Luc. Tous les faits majeurs de la vie d'Elisabeth sont issus de rencontres et c'est là qu'ils y trouvent leur importance. Jeune fille, elle rencontre Zacharie son mari. Toute femme, par expérience, peut imaginer le bonheur d'un tel événement, source de promotion, de richesse, d'épanouissement. Et ce dialogue est secrètement nourri du désir de maternité. Mais le temps passe, la jeune femme vieillit et c'est une autre forme de rencontre qui se présente à elle, la rencontre avec la stérilité, plaie douloureuse pour une femme en ces temps-là. Ce handicap est si mal considéré que l'on veut le taire et le cacher. Pour Elisabeth, cette rencontre est celle de la peine, du regret, de la déception et du déshonneur. Et ne retarde-t-elle pas la venue du Messie ? Mais, on l'a dit, le Dieu biblique est surprenant. Il est le Dieu de « l'impossible » selon Luc. Pour Elisabeth, âgée, vieillie, c'est alors la merveilleuse rencontre avec la sollicitude admirable de Dieu et sa toute puissance. Cette rencontre est vécue avant tout dans la foi car la future mère a vraiment passé l'âge de concevoir. Advient alors une rencontre doublement mystérieuse avec sa jeune cousine Marie. Rencontre troublante avec Jésus que porte secrètement Marie et qui fait tressaillir le futur Jean-Baptiste, tout aussi ému, dans le sein de sa mère. Elisabeth est une femme qui, comme chaque femme dans le monde, a connu la joie et la souffrance. Il lui a fallu une grande foi, une vive espérance et beaucoup de force d'âme pour vivre et assumer toutes ces « rencontres ».
Qu'en est-il pour chacun d'entre nous ? Nos vies ont aussi leurs rencontres. Sont-elles aussi, chacune, porteuses d'un message, d'un appel, d'une vocation ? Il n'y en a pas de petites. Toutes sont porteuses d'une mission. Toutes ont valeur d'éternité. Dieu, présent en chacune d'elles, nous y livre une leçon, un secret, une tâche. Quand on en a pris conscience, la vie n'est peut-être pas plus facile, mais elle prend forme de dialogue et de discours intime. On y découvre des messages qui éclairent, interpellent et galvanisent.
Dans un monde de solitude, c'est important de se rencontrer. Rencontrer Dieu dans les évènements de la vie, mais aussi se rencontrer entre soi, entre homme et femme de ce monde, entre frères humains. On croise tant de gens sans les voir. Etre attentif à l'autre, le croiser dans son c½ur, se mettre soi-même en partage, communiquer par un sourire, un regard, un silence, c'est donner un peu de l'amour qui nous habite. Nos rencontres peuvent être riches de ces échanges.
On m'a dit un jour « Lorsque tu as rencontré quelqu'un et vraiment communié avec lui, tu n'as plus le droit de l'oublier. » Cette phrase doit habiter nos prières. On dit que chaque femme, fidèle à sa nature, porte en elle un c½ur de mère. C'est leur privilège. C'est avec ce c½ur-là que nous devons faire nos rencontres d'homme, de femme, de célibataire, de veuve ou d'époux, des moments de grâce, des sources de sanctification, des sacrements de Salut, des présents de Dieu.
La psychologie moderne nous définit par ce pouvoir de relation, par cette faculté de dialogue qui nous constitue. Parole et c½ur de feu symbolisés par la dualité sexuelle de l'homme et de la femme. De l'apprentissage de cette relation devrait naître la réussite potentielle de toute autre rencontre. Enfant d'entre deux mondes, âme bicéphale, galaxies pas tout à fait opposées ni tout à fait jumelées dès le départ, se repoussant et s'appelant sans cesse, se touchant presque et s'attirant en s'éludant et se rapprochant en se reconnaissant ! Se dire à demi, se murmurer à peine et s'émerveiller toujours de se comprendre. S'étourdir de cette étrange complicité et se lamenter de ne pouvoir, en tout, élire le mot juste, trouver le ton qui donne amour à la parole, n'est-ce point là notre vocation de croyant ?
Sainte Elisabeth, par sa vie, nous ramène à l'amour. Elle nous dit que la sainteté chrétienne n'est pas un souci individualiste de salut personnel, ni effort volontariste d'intégrité. Mais, par la présence de Jésus, fondement et ferment de toute rencontre créatrice, elle nous dit que la sainteté est sympathie et empathie, passion et compassion, le tout en toute gratuité, pour la vie sur la terre comme au ciel.