4e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Nous faisons tous la même expérience dans les salles d'attente médicales ou dentaires : pour tuer le temps, et parfois même le stress, nous feuilletons machinalement les quelques revues laissées là pour occuper le patient. Parmi celles-ci, il m'arrive de parcourir une revue pour vous, mesdames. Du genre " Elle " ou " Femmes d'aujourd'hui ".

Quelle chance avez-vous de lire une telle littérature ! Ainsi, dans un numéro, avant les recettes de cuisine, je suis tombé sur un article intitulé " Paraître s'impose ". Notre corps, nous dit-on, notre visage, nos vêtements, notre allure générale joueraient un rôle essentiel dans notre vie. Plus question de faire dire n'importe quoi à notre apparence, d'où l'importance capitale, continue l'article, de la " mise en scène de soi ". Et l'article ajoute une série de conseils et de recettes afin de mettre en valeur l' " image globale " de votre personnalité.

Quel contraste avec l'évangile que nous venons d'entendre : ce texte ne parle pas d'apparence, mais de présence et de la grâce d'une rencontre : celle de Marie et de sa cousine Elisabeth. Représentons-nous cette scène. Pour le faire, il faudrait se transporter à Zaventem à l'arrivée d'un avion en provenance du Moyen Orient : quelle profusion de joie, quelles accolades et embrassades quand des familles se retrouvent. C'est probablement cela qu'on dû vivre Marie et Elisabeth. Marie " court " littéralement vers la montagne de Judée afin de visiter sa cousine. A peine arrivée Marie échange avec Elisabeth des paroles d'intense émotion. Leurs corps se touchent, et leurs enfants, déjà, tressaillent. Une même joie débordante inonde ce texte, le bonheur de deux femmes qui figurent l'une - Elisabeth-, l'Ancien Testament, et l'autre - Marie -, le Nouveau. Les deux testaments se réjouissent l'un et l'autre de la visite de Dieu sur terre en la personne d'un petit enfant.

Je ne veux pas trop caricaturer et nier le " poids des apparences " ou de la " mise en scène de soi ", mais cet évangile nous permet d'aller plus loin. Il nous apprend tout d'abord à nous mettre à l'écoute de notre intériorité car c'est de cette intériorité retrouvée que jaillissent les émotions et les attitudes justes qui nourrissent les vraies rencontres. Souvent, en effet, nous restons avec les autres, dans une attitude un peu superficielle ou convenue : nous savons ce que nous pouvons dire ou ne pas dire, faire ou ne pas faire pour être " bien " en société. Mais nous connaissons aussi la joie profonde de l'amour et de l'amitié où s'exprime une palette plus riche et plus variée de nos sentiments. Avec un être aimé, nous n'avons pas besoin de réfléchir à notre " apparence " : si notre amour est riche, riche sera aussi sa manifestation ou sa " visitation " : pas besoin de beaucoup de paroles, comme dans l'évangile, mais joie de la rencontre, joie des c½urs, mais aussi joie des corps.

On nous a appris à réfléchir d'abord, à exprimer ensuite. Cela est utile en société car toutes nos relations ne demandent- heureusement pas- le même investissement. Si, par exemple, chaque fois que je m'ennuie à un cours, je me lève et je dis au professeur ce que je pense de sa manière de donner cours, je risque quelques ennuis à l'examen. Mais n'est-il pas bon quelque fois de laisser exprimer une intense émotion, une joie des retrouvailles, un encouragement et toute la gamme des attitudes émotionnelles et corporelles dont nous sommes souvent demandeurs ? A nous aussi de les donner avec cette liberté qu'ont eu Marie et Elisabeth à se " visiter ".

L'évangile n'est pas un code de politesse ou de bonnes manières. Il ne donne aucun conseil d'étiquette ou de protocole et, quand il en donne, c'est pour conseiller de se mettre à la dernière place lors d'un repas. L'évangile est avant tout une " bonne nouvelle " inouïe : Dieu nous visite dans la joie et la tendresse : il ne vient pas à nous après s'être soucié de son " image globale ", il n'a pas lu un magazine féminin avant de nous rejoindre dans notre chair. " Paraître " ne s'impose pas à lui, pas plus que sa présence ne s'impose à nous.

Il n'y a aucune apparence trompeuse dans la présence de Dieu parmi les hommes car elle s'exprime avec toute la vérité de l'amour : simple, caché mais débordant d'une allégresse profonde. C'est ainsi que Dieu vient habiter chez les hommes ; c'est aussi ainsi que l'amour vient habiter nos c½urs. A nous de quitter un peu la région du paraître afin de descendre dans l'intime de notre c½ur. Nous y retrouverons des trésors de tendresse, d'amour et de pardon qui n'attendent qu'à être exprimés et vécus.

Avons-nous plus beau cadeau à offrir aux autres en ce temps de fêtes ?

Amen.