ENTRER DANS LA DANSE
Elisabeth et Marie : deux femmes. Il serait donc préférable que ce soient des femmes qui commentent ce récit ! Cela nous changerait, nous ferait bouger...
Car cet évangile parle de mouvement et d'émotion, ce qui est encore un mouvement, un mouvement intérieur. Je vous propose tout d'abord de suivre le mouvement des personnages de ce récit, puis d'analyser le lien profond de la foi avec le mouvement, enfin je vous propose de réfléchir à ce mouvement qui anime le c½ur de Dieu et qui le conduit à se rapprocher de nous, à se faire l'un de nous, à se remettre entre nos mains, comme un bébé à Noël.
Tout d'abord, cela saute aux yeux, il y a, dans ce récit, le mouvement géographique de Marie qui rend visite à sa cousine. « Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée... ». Elle se met en route, et même elle se met en route « rapidement ». Elle va vers la montagne. Depuis Nazareth calculez, cela fait plus de 150 km. Il ne s'agit pas d'une petite promenade mais de plusieurs jours de marche, à pieds. Pour une jeune femme enceinte, c'est un voyage sérieux. Mais les détails du voyage n'importent pas. A peine nous a-t-on dit qu'elle est partie que l'on conclut : « elle entra dans la maison ». Elle passe de la condition de voyageur à celle de visiteur. C'est encore un changement.
Ensuite c'est Elisabeth qui se met en mouvement. Un mouvement interne cette fois : elle entendit la salutation de Marie, ce qui fait bouger en elle l'enfant qui n'est pas encore né. Il « tressaillit ». Pour Elisabeth, il s'agit d'un mouvement psychologique, passif, qu'elle assume et reconnaît avec joie. Considérée comme stérile et trop vieille, elle change de statut. Elle accueille la salutation de Marie et ressent les mouvements de l'enfant qu'elle interprète comme mouvements de joie. Jean Baptiste, lui, dès avant sa naissance, est déjà actif, comme un vrai prophète ! Sa mère est remplie de l'Esprit Saint, comme l'a été Marie. L'Esprit Saint se communique à l'enfant qui exulte de joie. C'est Elisabeth qui parle. Plus encore : sous l'effet de l'émotion, donc d'un mouvement intérieur, remplie de l'Esprit Saint, elle s'écrie d'une voix forte « Tu es bénie entre toutes les femmes » !
Vous l'avez peut-être remarqué : Elisabeth n'a pas besoin d'entendre le récit de Marie. Elle est déjà au courant, par un tweet, un sms ou un email, cela n'a pas d'importance. La communication est parfaite, elle est accordée par l'Esprit Saint à la vie qui se manifeste aussi dans sa cousine. Elle est prête à comprendre, à tout comprendre. Elle n'est pas scandalisée de cette grossesse avant mariage. Elle a tout compris et elle encourage. Plus que cela, elle félicite Marie d'avoir cru.
***
Marie a cru puisqu'elle est venue. Le mouvement signe la foi qui déplace les montagnes et donc les gens. Car la foi s'exprime toujours par la mobilité. Entrer dans la foi, c'est entrer dans une relation de confiance qui fait bouger. La foi permet de surmonter la peur du changement, elle communique une confiance qui aide à traverser les moments d'inquiétude. La foi guérit des différentes formes de paralysie. Elle rend mobile et sûr face à l'inconnu. L'homme de foi accepte de ne pas tout contrôler, de ne pas tout comprendre, de ne pas tout maîtriser. Il marche « comme s'il voyait l'invisible », mais il ne le voit pas. « C'est de nuit » Car la vie n'est pas dans la répétition, ni dans l'autonomie mais dans la relation et dans la transmission, dans le changement et le mouvement, dans la confiance et la réciprocité.
Quand on a peur, c'est à dire en l'absence de confiance et de foi, l'on se crispe dans la répétition du même, dans des rituels figés, et la mort n'est pas loin, elle est même déjà là. Toute la Bible est mouvement. Abraham partit nous dit le livre de la Genèse qui précise en insistant : « et il partit, sans savoir où il allait ! » Jésus est toujours en mouvement et personne ne peut le retenir. Les apôtres aussi s'en vont en mission. « Nul n'est prophète en son pays ».
***
Pour comprendre cela il est possible de méditer le mystère même de Dieu, un et trois. Au c½ur de la Trinité, disent les théologiens, se trouvent les processions. « Il procède du Père et du Fils » dirons nous tout à l'heure dans le Credo. Le Fils vient du Père, l'Esprit du Père et du Fils. Dieu est mouvement. C'est lui le grand migrant, pas seulement parce que Jésus va fuir avec sa famille d'Israël en Egypte mais parce que le Verbe de Dieu vit un dépaysement radical. Il plante sa tente parmi nous dit l'hébreu. Il prend chair, dit le grec. « Sarx egeneto », il devient un être humain. « Lui qui était de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu » écrit saint Paul (Ph 2). Après demain nous célèbrerons Noël, « Dieu avec nous », Emmanuel.
4e dimanche de l'Avent, année C
- Auteur: Van Aerde Michel
- Temps liturgique: Avent
- Année liturgique : C
- Année: 2012-2013