4e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

En cette veille de Noël, nous aurons peut-être un peu de mal à nous reporter là où l'évangile veut nous donner rendez-vous : dans la maison d'Elisabeth, quelques neuf mois avant la naissance de Jésus.

Nous y voilà, dans la peau même d'Elisabeth, cette vieille femme jusqu'ici stérile mais qui s'apprêtait à enfanter malgré son grand âge le futur Jean-Baptiste, pour mieux nous dire que la fécondité spirituelle ne suit pas les mêmes lois que la fécondité biologique mais peut surgir partout où elle trouverait la foi humble et confiante d'une Elisabeth et d'un Zacharie. Cette fécondité spirituelle est même féconde avant terme. Une simple salutation de Marie, elle aussi féconde au-delà des règles biologiques, et voilà que le futur Jean-Baptiste, en signe avant-coureur d'une trentaine d'années, reconnaît et désigne déjà le futur Messie en bondissant de joie dans le ventre de sa mère. Mais la scène en rappelle une autre aux connaisseurs de l'Ecriture qu'était le public des évangélistes.

Avant de faire entrer l'Arche d'Alliance dans Jérusalem, David, quelques mille ans auparavant, l'avait fait transiter dans une ville de la montagne de Judée (exactement comme dans notre texte) et l'avait confiée à une vieille famille de prêtres (exactement comme dans notre texte) afin de mieux se préparer à la recevoir dans une joie digne de l'événement. Jésus, encore porté par Marie, n'est-il pas -nous suggère Luc- la nouvelle Arche d'Alliance avant qu'elle n'entre à Jérusalem ? Jean-Baptiste ne refait-il pas ici les mêmes gestes que David bondissant de joie devant l'Arche ? Ne sommes-nous pas invités à nous préparer à recevoir le Christ pour ce qu'il est, roi d'une Jérusalem nouvelle, avant même son entrée à Jérusalem et avant même que sa mission ne soit réalisée ? Mais l'évangéliste pousse encore plus loin la subtilité : la bénédiction qu'il met dans la bouche d'Elisabeth s'adressant à Marie « bénie es-tu entre toutes les femmes » est une bénédiction toute célèbre que le judaïsme répétait et répète encore chaque année en souvenir de celle que le peuple hébreu adressa à Judith, cette femme qui, seule, là où les armées d'Israël avaient échoué, sauva tout son peuple d'un anéantissement certain. Voilà qui est Marie, explique Luc à ses auditeurs.

Il faut nous préparer à recevoir Jésus pour ce qu'il est. Il est ce petit enfant fragile comme le représente un peu trop mièvrement nos crèches mais cet enfant fragile est déjà aussi « celui qui doit gouverner Israël », comme nous le rappelle la lecture de Michée. Sa puissance sera de rassembler comme peut le faire le berger. Sa puissance sera aussi de donner la paix à tous les c½urs meurtris par les blessures de la vie. Michée sait de quel rêve il parle tant son époque était celle de ce « délaissement », de cette impression d'être abandonné, seul. C'est bien la première fois que viendrait un roi, non pas pour conquérir des territoires ou terroriser des peuples mais pour les délivrer du délaissement et de la peur.

Comprendre cela va nous demander un fameux retournement, une fameuse conversion des mentalités et va supposer d'ailleurs un nouveau type de culte, non plus formaliste et extérieur mais « en esprit et vérité », la vérité que manifestera nos actes, des actes dictés non par nos caprices et nos instincts mais par l'écoute de la volonté divine. Que nos sucreries de Noël ne nous le fassent pas oublier.