4e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

QUELLE JOIE DE RECEVOIR LA MÈRE DU SEIGNEUR


Lorsque les évangélistes rédigent leurs livrets (après les années 70), deux mouvements se répandent dans les communautés juives : les uns annoncent que Jésus est le Messie, les autres répliquent que Jean-Baptiste lui est supérieur puisqu'il est apparu le premier sur la scène publique, et que Jésus, venu derrière lui, a été son disciple et a reçu son baptême. C'est pourquoi Luc, en traçant le parallèle entre les 2 enfants, a bien soin de montrer que c'est Jésus, le cadet, qui a sanctifié son aîné.
D'autre part, il semble qu'à la suite de son décès, la figure de Marie prend de plus en plus d'importance. Qui est cette jeune Galiléenne choisie par Dieu et qui a eu un destin hors du commun ? Comment l'accueillir dans la piété et le culte ?...L'évangile de ce dimanche porte l'écho de ces questions. Accueillons MARIE  qui vient nous visiter et nous apporte son fils pour qu'il devienne le nôtre.

MARIE PART EN VISITE

En ces jours là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth.
Il importe de préciser cette notation vague : « ces jours-là », ce sont ceux qui suivent immédiatement l'annonciation. Dans son village perdu, la jeune Marie vient de vivre un événement bouleversant : il lui a été annoncé qu'elle aura un fils qui sera le Messie attendu et, en même temps, on lui a appris que sa parente, Elisabeth, était enfin enceinte. Marie pourrait se cloîtrer chez elle, se replier dans la méditation  mais sans attendre, « en hâte », affrontant les aléas d'un long voyage (Nazareth - Judée : 150 km ?), elle part chez Elisabeth. Non pour vérifier l'exactitude du message reçu ni pour aller se prévaloir de sa dignité supérieure mais pour se mettre au service de son aînée pendant les dernières semaines de sa grossesse. Celle qui vient de murmurer : « Je suis la servante du Seigneur » se voue à présent comme « servante de l'autre ». Son Fils enseignera que le 1er commandement d'aimer Dieu entraîne le second qui est d'aimer son prochain. La foi, parce qu'elle est espérance, suscite une charité qui ne souffre pas de retard.
Luc suggère que Marie agit envers l'autre de la même manière que le Seigneur à son égard : l'Ange est venu à elle : elle va chez Elisabeth ; l'Ange est entré et l'a saluée de son nom : elle fait de même. Elle devient l' « ange » de l'autre c.à.d. l'envoyée de Dieu. Si Dieu s'occupe des hommes, c'est pour qu'ils s'occupent les uns des autres.
Venir à l'autre sans orgueil, le rencontrer dans sa personne, son nom propre, cela suffit. Point n'est besoin de préparations minutieuses, de tenues d'apparat, de manifestations splendides, de discours théologiques. Trop souvent encore l'Eglise croit nécessaire d'impressionner les foules par un cortège de cardinaux rouges comme des homards, des discours interminables, des catéchèses compliquées, dans un faste suranné. Marie, elle, se rend chez l'autre en toute simplicité, sans « virgimobile », elle demande l'accueil, elle salue l'autre par son nom. On ne dit même pas qu'elle apporte des cadeaux. La réussite exemplaire de la scène, c'est qu'elle est rencontre de deux personnes, non encombrées par le culte des choses. Tu es toi, je suis moi. L'essentiel, c'est la Vie que nous portons et Dieu qui nous rassemble.

ELISABETH BENIT MARIE

Alors Elisabeth fut remplie de l'Esprit-Saint et s'écria d'une voix forte : «  Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ? Car lorsque j'ai entendu tes paroles de salutation, l'enfant a tressailli d'allégresse au-dedans de moi »
A l'Annonciation, l'ange Gabriel avait dit à Marie : « L'Esprit-Saint viendra sur toi » : comme la Gloire de YHWH remplissait le Temple contenant l'arche d'alliance, ainsi « la fille de Sion » est comblée de l'Esprit : sa présence et sa simple parole suffisent à rayonner cette Puissance divine. Elisabeth, l'aînée, reconnaît qu'elle-même et son enfant sont sanctifiés par l'enfant présent en Marie. Celle-ci est plus que mère d'un prophète : « Mère de mon Seigneur » ! Elisabeth interprète son émotion non comme un étonnement ou un simple plaisir mais comme l' «allégresse », la joie unique et profonde que le Messie devait, dit-on, apporter à tous. C'est bien Jésus, dit Luc, qui a apporté l'Esprit de Dieu à Jean.
« Bénie sois-tu...Béni soit ton enfant » : comme « fille d'Abraham », comme lui, tu as eu le privilège d'être élue de Dieu, non en récompense de tes mérites mais par grâce et dans le but de répandre cette « bénédiction », cet influx de vie qui vient de Dieu et qui, en se communiquant aux croyants, les restitue à Dieu

LE BONHEUR : CROIRE QUE LA PAROLE DE DIEU S'ACCOMPLIRA.

« Heureuse celle qui a cru à l'accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ».
Et Elisabeth « béatifie » Marie : « HEUREUSE ES-TU... ». Elle la félicite à cause de sa foi car elle a reçu un message inouï, bouleversant et, sans exiger de délai de réflexion ni une preuve, elle a fait confiance. Le messager de Dieu n'avait rien dit de l'avenir : le OUI de Marie n'était que le début, indispensable, d'une aventure dont elle ignorait tout. « Voici la servante du Seigneur » : ce n'est pas un aveu de modestie mais le don courageux de soi : je me mets au service de ce dessein de Dieu qui me dépasse, je remets ma vie dans les mains de Dieu qui a sollicité ma liberté.
Ainsi Elisabeth devient la première de la foule immense de ceux et celles qui, à travers l'histoire, vont chanter la gloire unique de Marie. Celle-ci le dira dans son cantique qui clôturera cette scène : «  Tous les âges me diront bienheureuse », heureuse, bénie. Et lorsque, plus tard, une femme écoutant Jésus s'écriera : «  Heureuse la femme qui t'a porté », Jésus répondra : «  Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique » (11, 27).
On comprend qu'à l'époque de Luc, les communautés perçoivent déjà la grandeur unique de la petite Galiléenne et elles proclament que l'Eglise, jamais, ne cessera de chanter sa foi-confiance.

CONCLUSIONS

A notre dernière étape d'Avent, à quelques heures de Noël, MARIE se présente encore à nous, comme elle survenait chez Elisabeth, si jeune, si fragile, souriante.  Elle appelle chacun et chacune par son nom et nous invite à lui ouvrir notre vie et notre c½ur.  Elle ne porte pas de belle toilette telle une princesse sur un palanquin, escortée de gardes suisses. Allons-nous reconnaître cette VISITATION si humble, nous qui faisons tant de cas de la visite de personnalités de marque et serions vexés d'être vus avec un clochard ?   
Allons-nous enfin surmonter nos peurs et sortir de chez nous pour aller à la rencontre de l'autre ?  Nous n'allons pas bardés de notre science théologique, de notre éloquence enflammée, de notre « sainteté » nickelée : ce qui frappera l'autre, ce n'est pas notre belle apparence, mais de deviner que dans le chrétien parfois mal dégrossi, pataud et maladroit, se cache un secret qui le transfigure.
Laissons entrer Marie : elle vient nous saluer, nous partager son secret, sa joie, nous servir afin que, en nous, s'éveille ou se réveille notre propre vocation. Pas de jalousie ni de rivalité : certains ont une vocation plus étourdissante, plus spectaculaire, d'autres une responsabilité plus discrète, plus cachée. Mais le bonheur est de s'étreindre comme ces deux pauvres femmes enceintes qui riaient et sanglotaient d'allégresse. Elles sont les premières choisies  de même qu'à la fin de l'Evangile, Marie-Madeleine et les autres seront les premières à  pénétrer le mystère de la résurrection, les premières à aller dire aux apôtres que Jésus est vivant.
L'icône de la Visitation est la plus apte à nous guider dans nos préparatifs de Noël : amas de choses ou rencontres de personnes ? ivresse d'alcool ou allégresse de foi ?...