3e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

QUE  FAUT - IL  FAIRE  ?...

Ecrasé et exilé à Babylone, rentré sur sa terre mais pour être occupé par les Perses, puis les Grecs puis les Romains, le peuple d'Israël se lamentait pendant des siècles sur ses désastres successifs et l'interminable silence de Dieu qui n'envoyait plus de prophètes comme jadis. Or voici qu'apparaît enfin un envoyé de Dieu : sur les bords du Jourdain, à la frontière, Jean appelle à la conversion et confère le baptême. L'évangile de ce dimanche poursuit la présentation de sa mission.
Les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : «  Que devons-nous faire ? ». Jean leur répondait : «  Celui a deux vêtements, qu'il partage avec celui qui n'en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu'il fasse de même ! »?Des publicains (collecteurs d'impôts) vinrent aussi se faire baptiser et lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? ». Il leur répondit : «  N'exigez rien de plus que ce qui vous est fixé ».
A leur tour, des soldats lui demandaient : «  Et nous que devons-nous faire ? » ; il leur répondit :
«  Ne faites ni violence ni tort à personne ; et contentez-vous de votre solde ».

Si, à Qumran, on triait les candidats selon des critères très stricts, Jean, lui, baptise tout le monde. Toutefois le baptême n'est pas un rite magique qu'il suffit de recevoir pour être sauvé : l'acte de passage par l'eau symbolise et appelle un changement de comportement. Un baptisé sincère doit regretter ses fautes, renoncer à mener sa vie à sa guise et humblement demander : « Que dois-je faire ? ». Cette démarche est pour lui une bonne nouvelle puisqu'il apprend ainsi que rien n'est jamais joué, que le plus lourd passé n'enferme pas dans une prison définitive. Il reste que le rite engage à une conversion coûteuse : « Apprenez-moi comment je dois vivre ».
Luc donne trois exemples de réponses : renoncer à sa cupidité et son égoïsme pour écouter les appels des pauvres et aller à leur secours ; être honnête en affaires, ne pas être corrompu ; ne faire violence à personne, ne pas profiter de son pouvoir mais l'utiliser au service des faibles. Ces prescriptions laconiques balisent le chemin d'une existence nouvelle.

IMPUISSANCE DE JEAN  :  L'ANNONCE DE JESUS

Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Messie. Jean s'adressa alors à tous : «  Moi, je vous baptise avec de l'eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit-Saint et dans le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s'éteint pas ». Par ces exhortations et bien d'autres encore, Jean annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.

Ce Jean à la haute stature et au verbe fort impressionnait : ne serait-il pas le Messie qui doit venir nous libérer ? A cette question qui commence à courir parmi le peuple, le Baptiseur apporte un démenti formel. Ce qu'il fait - exhorter à reconnaître ses fautes, demander la plongée dans l'eau, donner des conseils de morale - est important mais ce n'est qu'une ½uvre préliminaire, préparatoire. Quelqu'un va apparaître, non nommé, mais qui dispose d'un pouvoir infiniment supérieur. Entre Jean et Jésus, il y a un abîme, une différence plus grande encore qu'entre un maître et son esclave agenouillé à ses pieds pour lui rendre un menu service.

LE BAPTEME DANS L'ESPRIT

« Il vous baptisera dans l'Esprit-Saint et le feu » : telle sera l'½uvre essentielle que Jésus va accomplir et dont il est seul capable. Tous les prophètes, de Moïse à Isaïe, de Jérémie à Malachie et Jean-Baptiste ne pouvaient qu'enseigner, reprendre, moraliser, exhorter, menacer. Ils transmettaient les lois de Dieu sans donner la force de les accomplir. Devant eux, les gens ne pouvaient qu'écouter, approuver, promettre d'obéir mais ILS N'AVAIENT PAS LE MOYEN ET LA FORCE D'OBEIR ET DE DEMEURER FIDELES A LEURS ENGAGEMENTS.

Cette prise de conscience de l'incurable faiblesse humaine et de la nécessité d'une force divine s'était levée après l'épreuve de l'exil (vers 500 avant J.C.) : Jérémie et Ezéchiel (ou leurs disciples) avaient promis une Nouvelle Alliance qui ne serait pas différente par son contenu mais par sa puissance interne d'animation.
« Des jours viennent - oracle de YHW - où je conclurai avec la communauté d'Israël une NOUVELLE ALLIANCE. Elle sera différente de l'Alliance que j'ai conclue avec leurs pères quand je les ai pris par la main pour les faire sortir d'Egypte. Ils ont rompu mon Alliance...Je déposerai mes directives au fond d'eux-mêmes, les inscrivant dans leur être » (Jér 31, 31-33)
«  Je ferai sur vous une aspersion d'eau pure et vous serez purs...Je vous donnerai un c½ur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf ; j'enlèverai de votre corps le c½ur de pierre et je vous donnerai un c½ur de chair. Je mettrai en vous mon propre Esprit, je vous ferai marcher selon mes lois, garder et pratiquer mes coutumes » (Ez 36, 25-27)

Jean reconnaît ses limites : sa grandeur est de montrer celui qui va enfin réaliser cette promesse. Mais, dans son intuition eschatologique, Jean lie le don de l'Esprit et la fin du monde : reprenant des images des prophètes, il annonce la venue du Messie comme un Feu terrifiant qui va dévorer les impies, ou comme le Moissonneur de Dieu qui déclenche le règlement final.
Jésus, on le sait, viendra effectivement donner l'Esprit-Saint à ses disciples mais il renverra la « moisson » des hommes dans des temps lointains. Le temps du Messie - c'est le nôtre - introduit un intervalle entre sa venue et son retour en Gloire - temps nécessaire au respect de la décision libre de l'homme, temps de l'extension universelle de la mission. Pour l'heure, il ne sera pas un Messie écrasant et condamnant. Au contraire, il dira : « Venez à moi : je suis doux et humble de c½ur » ; il courra vers les pécheurs - Matthieu et Zachée, des voleurs ; Marie, la pécheresse...- pour leur offrir la miséricorde ; il donnera sa vie sur la croix pour qu'enfin les hommes rejettent l'image d'un Dieu implacable et découvrent le Père qui accueille le larron repentant et le fils prodigue.
Le Feu de la Pentecôte consumera la lâcheté des apôtres et les enflammera pour annoncer la Bonne Nouvelle.

Les quatre évangélistes commencent leur récit par l'½uvre préliminaire de Jean. Il était indispensable qu'il paraisse, appelle à la purification, au passage par l'eau et rappelle les grands commandements. Mais le seul et unique Sauveur, celui qui peut nous « faire passer » dans de nouvelles possibilités, celui qui nous communique l'Esprit d'amour qu'il reçoit de son Père, c'est celui qui vient après Jean.

N'y a-t-il pas encore un certain nombre de chrétiens qui en sont restés à la religion de Jean ? Par coutume, ils demandent le baptême sans trop s'informer sur les attitudes qui en sont les conséquences. D'ailleurs ces prescriptions de l'Eglise leur apparaissent toujours comme des commandements contraignants auxquels il faudrait peut-être obéir mais on n'en a pas la force. Jean-Baptiste, aujourd'hui encore, dénonce cette croyance scolaire et les presse de la quitter pour « passer sur l'autre rive », là où se trouve Celui qui vient, qui est toujours en train de venir, qui répète l'enseignement de Jean en même temps qu'il communique le Souffle de Dieu, la force d'amour qui change l'obéissance forcée en désir de faire. Par le feu de l'Esprit, le croyant se sent porté par une force nouvelle : ce qu'il croyait hors de sa portée devient plus facile, il s'élance vers ce qui lui répugnait, il reprend avec courage ce qu'il avait abandonné par lassitude.
Noël est pour nous une nouvelle occasion de rencontrer « Celui qui est plus puissant » et qui paradoxalement ne se présente pas d'abord comme un prédicateur sévère mais comme un nouveau-né. Devant lui, chacun sait « ce qu'il doit faire » : s'émerveiller, le contempler, le porter, le protéger, l'aider à grandir, le montrer aux hommes. Alors le Feu de l'Esprit rayonnera sur la moisson des hommes qui mûrissent au soleil de l'amour de Celui qui est venu non pour condamner mais pour guérir et sauver.
Noël est vrai quand il signe notre re-naissance.