Les lectures de ce 3° dimanche de l'Avent nous invitent à la joie. Traditionnellement, ce dimanche était appelé « Gaudete » (réjouissez-vous).
L'invitation à la joie chez Sophonie éclate en fait dans un ciel bien sombre. Sophonie écrit dans le courant du 7° siècle (avant notre ère) à une époque où l'Assyrie dominait toute la région d'une main « de bronze ». Cette domination militaire était doublée d'une domination culturelle : l'Assyrie était parvenue à réintroduire du polythéisme en Juda et en Israël. Beaucoup de Judéens, par réalisme, s'étaient rangés sous le modèle assyrien. Le livre de Sophonie se présente comme une suite d'imprécations, de condamnations, d'oracles contre les puissances étrangères, certes, mais aussi contre les collaborateurs de l'intérieur (les chefs, les faux prophètes et les marchands). L'extrait que nous venons d'entendre vient tout à la fin et est en rupture totale avec le reste du livret. Il s'adresse en fait au « reste d'Israël » (le petit reste humble et fidèle, pauvre et faible). Il est une promesse, une vision.
Pour le christianisme, cette promesse est réalisée en Jésus-Christ, par sa naissance même. C'est pourquoi l'Eglise nous invite à nous réjouir de cette naissance comme Sophonie se serait réellement réjoui s'il avait connu ce roi-Messie qu'il appelait de ses v½ux. Mais pour vivre cette joie, nous devons prendre conscience du renversement radical, de la rupture qu'introduit la présence de ce Seigneur Dieu, roi d'Israël, par rapport aux habitudes du « monde ». Les habitudes du « monde » du temps de Sophonie sont stigmatisées par lui-même dans son livret. Quelles sont ces « habitudes du monde » à notre époque, en contradiction avec le Royaume de Dieu ? Chaque génération doit refaire ce travail d'analyse et chaque chrétien doit le refaire pour lui-même. Nous ne pouvons pas nous laisser-aller, adopter le modèle ambiant de la société ni les modes idéologiques « pour être dans le vent ». Il nous est demandé « d'être en Jésus-Christ », comme le dit St Paul. Si nous gardons notre c½ur et notre intelligence en Jésus-Christ, nous nous rendrons compte de la rupture et nous connaîtrons cette joie qu'entrevoyait Sophonie.
Cette joie n'est pas une affaire de ripailles, de flots de boisson. Cette joie est sérénité. Mais pas seulement une joie intérieure, privée mais une sérénité qui puisse être connue par tous les hommes, nous précise l'épître. Mais d'où nous viendrait cette sérénité ? alors que dans notre monde -comme à l'époque de Sophonie- tout est là pour nous agresser physiquement, moralement et spirituellement. Ne pas craindre, nous dit Sophonie, relayé par Paul. Dans leur bouche, il ne s'agit pas d'un pieux conseil d'autosuggestion psychologique. Il s'agit de se soustraire à certains mécanismes du monde pour qu'ils n'aient plus prise sur nous, qu'ils ne puissent plus être moyen de chantage, de nous faire faire ce à quoi une conscience chrétienne répugnerait. D'autres passages de la Bible nous parlent de la nécessaire crainte de Dieu, ce qui pourrait nous sembler contradictoire. Mais « craindre Dieu », ce n'est pas trembler toute la journée devant son crucifix, c'est -dans la ligne du texte de Sophonie- ne pas craindre ce qui n'est pas Dieu (se libérer donc de toutes les craintes du monde).
Le texte de l'évangile nous parle du baptême proposé par Jean le Précurseur. Les gens s'y montrent tout disposés. Ils ont bien compris le renversement, la rupture, la conversion que cela supposait. En cela, les temps sont prêts pour accueillir un Messie tel que souhaité par Sophonie et les prophètes. Les gens demandent : « Que devons-nous faire ? », la seule vrai question pratique après tous les raisonnements. Le fait que différents cas soient présentés et qu'un conseil approprié à chaque cas soit donné est une première leçon : Jean le Baptiste ne propose pas de grands slogans ; il propose des conseils concrets, proches des gens. La teneur même de ces conseils est une autre leçon : les directives n'ont rien d'extraordinaire ni d'impossible. Jean le Baptiste n'exige pas des gens de se renier eux-mêmes, ni leur métier, ni de sacrifier leur vie (ou celle des autres !) pour une quelconque cause révolutionnaire. Jean ne leur propose pas quelque chose ; il leur indique Quelqu'un « de plus puissant », mieux à même de nous aider à lutter contre les puissances de ce monde. Car la vie éthique suivant la voie de Dieu est, en effet, un combat : tout n'est pas égal ; il y a du bien, il y a du mal ; et il faut choisir ! Et pour faire ces choix, difficiles, il faut être solide. Nous le serons si nous nous adossons à « plus puissant que nous ». Ce n'est pas en nous réfugiant dans une bulle protégée que nous devons trouver la sérénité. Nous devons la trouver au milieu du combat.
Ayant trouvé nous-mêmes la sérénité et la joie dans la présence de Dieu, nous devrons encore apporter cette sérénité, cette « paix qui dépasse toute imagination » à tout notre entourage, à ce monde inquiet et tourmenté.
3e dimanche de l'Avent, année C
- Auteur: Sélis Claude
- Temps liturgique: Avent
- Année liturgique : C
- Année: 2012-2013