4e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

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Chaque année, en ce 4ème dimanche de Pâques, la très célèbre parabole du Bon Pasteur est lue, par fragments. Contrairement à certaines représentations mièvres et « bêlantes », elle n'évoque pas une scène pastorale paisible : elle est une arme de combat. Jésus la destine aux Pharisiens, à ses adversaires acharnés qui l'accusent d'être un « possédé de Satan » (8,48) et qui, avec les grands prêtres, sont décidés à le faire mourir le plus tôt possible. Jésus y affirme la fonction que son Père lui a confiée : devenir le guide unique et définitif des hommes. Et il ne faut jamais oublier que « les Pharisiens » ne désignent pas uniquement le groupe des adversaires juifs de Jésus mais une mentalité, un comportement, une piété hypocrite. Et cette dérive épouvantable se retrouve dans toute religion...y compris celle de Jésus !

LE SEUL VRAI GUIDE DE L'HUMANITE

Jésus parlait ainsi aux Pharisiens : «  Amen, amen, je vous le dis : celui qui entre dans l'enclos des brebis sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit. Celui qui entre par la porte, c'est le pasteur, le berger des brebis.
Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir. Quand il a poussé dehors toutes les siennes, il marche à leur tête, et les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix. Jamais elles ne suivront un étranger, mais elles s'enfuiront loin de lui, car elles ne connaissent pas la voix des étrangers. »
Jésus se situe par contraste avec d'autres qui prétendaient diriger le peuple : soit ils le font pour s'enrichir, comme Judas, le voleur qui dérobait l'argent dans la bourse (12,6), soit ils recourent à  la violence, comme Barabbas, le bandit condamné pour meurtre (18, 40).
Moi, affirme Jésus, je n'ai ni ces mobiles ni ces moyens pervers : je viens les mains vides, sans cupidité et sans haine. C'est pourquoi Dieu, mon Père, m'a envoyé et m'a ouvert l'accès à tout Israël : c'est parce que JE SUIS LE BERGER et non un mercenaire. Et Jésus développe en images sa mission, sa méthode :

JE FAIS ENTENDRE MA VOIX : La seule arme de Jésus, c'est sa Parole, la Bonne Nouvelle qu'il n'a cessé de proclamer. Devant tous les auditoires, en ville comme dans les villages, il parle sans fard, sans ruse, sans prétention intellectuelle ; il respecte toute personne, il ne viole pas les consciences, il fait appel à la liberté de chacun. D'ailleurs  IL EST LA PAROLE, LE LOGOS, LE SENS, LA RAISON.

J'APPELLE MES BREBIS, CHACUNE PAR SON NOM : Jésus n'enrôle pas une masse,  il ne tient aucun discours électoral pour appâter la foule par des promesses aléatoires. Sa Parole appelle chacun et chacune « par son nom » c.à.d. de façon personnelle : tel disciple fondera une famille, tel autre laissera tout pour le suivre sur une route ardue, tel autre portera un lourd handicap. Mais chacun, à sa manière, se sent interpelé et a une vocation. Jésus ne se vante pas de ses propres qualités : ceux qui lui font confiance sont ceux que le Père lui donne (10,29 ; 17, 2-6-9...), il  les reçoit comme des cadeaux de son Père. Ce sont « ses brebis » : son amour pour elles est tel qu'elles ne sont jamais aliénées.

IL LES FAIT SORTIR : sa Parole n'est pas caresse, tranquillisant, somnifère, elle n'encourage pas à rester ce que l'on est, bercé par des rites et une bonne conscience. Elle tranche dans le vif, elle met debout, elle exige une décision coûteuse : accepter de quitter son bien-être et ses certitudes pour commencer une aventure. De même que Moïse avait fait sortir (exode) les esclaves hébreux d'Egypte, leur avait transmis la Loi de Dieu et les avait conduits à travers le désert, ainsi à présent Jésus fait sortir (nouvel exode) ses disciples de la servitude d'une religion devenue hiératique, pointilleuse, culpabilisante, pharisienne, il leur donne l'Esprit de Dieu afin de les conduire à la Vie éternelle. Juste avant cette parabole, il y a eu un exemple : Jésus « a fait sortir » l'aveugle-né (9).

LE BERGER MARCHE A LEUR TETE : Jésus n'est pas un chef planqué à l'arrière et envoyant ses troupes au front. L'Evangile le montre marchant toujours en tête de ses disciples, le premier à essuyer sarcasmes, critiques, injures. Et lorsque le danger menace, c'est lui qui s'avance vers Judas et la troupe venue l'arrêter. « C'est moi ; laissez donc aller ces hommes » (18,8). Lorsqu'il s'agit de donner sa vie, c'est Lui seul qui s'offre.

LES BREBIS LE SUIVENT CAR ELLES CONNAISSENT SA VOIX : les disciples ne sont pas des pèlerins en Terre Sainte à la recherche de vestiges improbables de Jésus. Le suivre  signifie prêter l'oreille à ce qu'il dit et obéir en toute fidélité à sa Volonté. Comme les disciples d'Emmaüs, nous croyons connaître les Ecritures et nous sommes à côté de la plaque. Si les premiers chrétiens se sont appelés « disciples », ce n'est pas parce qu'ils acceptaient une « discipline » mais qu'ils voulaient  « apprendre » toujours mieux le message d'une Voix qui commandait des refus radicaux et forçait à se démarquer de l'entourage.

JAMAIS ELLES NE SUIVENT UN ETRANGER PARCE QU'ELLES NE CONNAISSENT PAS SA VOIX. Bombardé de messages séducteurs, sollicité  par des promesses de bonheur et d'épanouissement, le vrai disciple développe son instinct de foi qui lui permet de discerner entre toutes la Voix de son Seigneur. Au niveau religieux, social, politique, il débusque les mensonges, il flaire les pièges, il refuse d'être mené par le bout du nez. Car le disciple de Jésus est tout sauf « un mouton de Panurge ».
Il faudrait dire « il devrait » car hélas, combien de fois les baptisés ont suivi des leaders fous (Hitler), ou se sont lancés dans des croisades (L'Eglise), ont provoqué des carnages (Rwanda) ou aujourd'hui, se laissent embobiner par le « bling-bling » d'une société qui idolâtre l'argent et le profit, ne voient même plus qu'ils trahissent l'Evangile par une vie païenne saupoudrée de quelques rites religieux.

JESUS LA PORTE DE LA LIBERTE ET DE LA VIE

Jésus employa cette parabole pour s'adresser à eux, mais ils ne comprirent pas de quoi il leur parlait. C'est pourquoi Jésus reprit la parole : « Amen, amen, je vous le dis : Moi, je suis la porte des brebis. Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ; mais les brebis ne les ont pas écoutés. Moi, je suis la porte. Si quelqu'un entre en passant par moi, il sera sauvé : il pourra entrer et sortir, il trouvera un pâturage. Le voleur ne vient que pour voler, égorger, faire périr. Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie, la vie en abondance ».
Sans cesse des leaders se levaient et promettaient à Israël d'ouvrir les portes de la prison où l'enfermaient les puissances païennes. Contre ces essais pervers, Jésus proclame qu'il est le seul qui peut apporter la véritable libération. Non même par son message ou ses actions mais par son être, sa personne. Une fois encore, Jean approfondit la présentation des premiers évangélistes : chez eux Jésus enseignait où est « la porte étroite » pour entrer dans le Royaume. Chez Jean, Jésus EST LA PORTE.
Quiconque le découvre et communie à lui « sera sauvé ». Ce thème majeur est rare chez Jean : ici il l'explique. Le salut de l'homme, c'est deux choses :
1 ) la liberté. Le vrai disciple peut « aller et venir » sans entraves : ses croyances, ses cérémonies, son appartenance à l'Eglise ne sont pas des carcans qui l'étouffent, des obligations insupportables. Et même ses péchés ne  l'emprisonnent pas puisque son Seigneur lui offre sans cesse son pardon. « Va, je ne te condamne pas et ne pèche plus » (8,11). La foi est vie au grand air, liberté.
2) la nourriture c.à.d. la vie. Dans une société qui idolâtre la consommation et promet la vie par les dépenses et les divertissements, le disciple découvre que ces nourritures terrestres sont toujours décevantes. Il s'émerveille de constater que la Parole de Dieu dans l'Evangile, le Pain partagé avec ses frères « le jour du Seigneur », la communion fraternelle,  le nourrissent sans le gaver, l'épanouissent sans décevoir. « Je suis le Pain vivant : celui qui mangera de ce Pain vivra pour l'éternité » (6, 51).
----- Et la page du jour se termine par une des plus magnifiques déclarations de Jésus, Berger et Porte :
« JE SUIS VENU POUR QUE LES HOMMES AIENT LA VIE, LA VIE EN SURABONDANCE ».
Fr. Nietzche écrivait : « Je croirais en leur Dieu s'ils avaient l'air un peu plus sauvés ». Le pape François nous exhorte à ne pas avoir peur : « Ne sommes-nous pas souvent fatigués, déçus, tristes ? Ne nous replions pas sur nous-mêmes, ne perdons pas confiance...Il n'y a pas de situations que Dieu ne puisse changer...Accepte que le Christ ressuscité entre dans ta vie, accueille-le comme ami.....
Il est la VIE. S'il te semble difficile de le suivre, n'aie pas peur, fais-lui confiance. Il est proche de toi, il est avec toi... » (30 mars 2013)