Quatrième dimanche de Pâques : le 3 mai 2009
Il y aurait, paraît-il, parmi nous ce matin, principalement des wallons et des bruxellois ainsi que quelques flamands. Certains prétendent même qu'il y aurait encore l'une ou l'autre nationalité autre que belge représentée dans notre assemblée. Les différences culturelles sont bien marquées. Il y a aussi parmi nous des hommes et des femmes. Les différences sexuelles sont bien marquées. Il y a également des plus jeunes et des plus âgés. Les différences générationnelles sont bien marquées. Je pourrais ainsi continuer à écrire une longue liste de ce qui nous différencie les uns des autres. Mais ce serait aller tellement à l'encontre de l'évangile que nous venons d'entendre. Permettez-moi d'illustrer ce constat par l'exemple suivant. Egerton Young était le premier missionnaire envoyé auprès des indiens de la tribu des Peaux-Rouges. Dans le village de Saskatchewan, il leur parla de l'amour de Dieu. Pour ces indiens, les propos de ce religieux étaient comme une nouvelle révélation. Le vieux chef s'adressa à lui : « quand vous avez parlé du grand Esprit là, juste maintenant, est-ce que je vous ai bien entendu dire « notre Père » ? Oui, répondit Egerton Young. Ca, c'est très nouveau, reprit le vieux chef indien. « Nous ne pensons jamais au grand Esprit comme étant un Père. Nous l'entendons dans le tonnerre ; nous le voyons dans l'éclair, la tempête et le blizzard et nous en avons peur. Alors, lorsque vous nous avez expliqué que le grand Esprit est notre Père, c'est vraiment très nouveau et surtout très beau pour nous ». Le vieux chef fit une petite pause et poursuivit ensuite sa réflexion alors qu'une petite onde de lumière rayonnait sur son visage. « Vous avez également dit que le grand Esprit était votre Père ? » Oui, reprit le missionnaire. « Et, vous avez bien dit qu'il était aussi le Père des Indiens ? » C'est bien ce que j'ai dit, souligna l'homme de foi. Alors, conclut le vieux chef indien dont le ton de la voix trahissait une joie profonde, vous et moi, nous sommes frères ! ». Le vieux chef peau-rouge avait fait sienne la parole de l'évangile que nous venons d'entendre : « J'ai encore d'autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur ». Entre lui et ce missionnaire venu d'une terre étrangère, une nouvelle relation s'est établie, celle de la fraternité. Toutes et tous, par notre foi, nous sommes liés les uns aux autres car nous partageons au plus profond de notre intimité quelque chose de l'ordre de l'indicible, du merveilleux de Dieu. Sans pour autant nous connaître, il y a entre nous un lien exceptionnel qui prend sa source et se réalise en Dieu. La fraternité devient l'essence des relations entre nous. Mais qu'est-ce à dire ? Comment y arriver ? Cela ne se réalise par en un coup de baguette magique. Refaisons ensemble cette fois le chemin des Peaux-Rouges. Puisque la fraternité prend sa source en Dieu, il est bon de s'arrêter quelques instants sur notre propre relation à la divinité. Sommes-nous comme ces indiens qui avaient une vision terrifiante de l'Esprit ? Croyons-nous en un Dieu grondeur, le front plissé ayant la foudre entre le mains et dont la relation est marquée par la peur ou bien avons-nous découvert par la vie de son Fils que Dieu était un Père plein de douceur et de tendresse qui s'agenouille aux côtés de ses créatures et les accompagne lors de leur pèlerinage terrestre quoiqu'ils leur arrivent ? Notre perception de Dieu aura bien évidemment une incidence dans la manière dont nous vivrons les relations entre nous. Si le Dieu auquel nous croyons est un Père plein d'amour, c'est cet amour qui doit être le moteur de nos manières de nous rencontrer pour vivre de cette fraternité à laquelle nous sommes appelés. Toutefois, cette fraternité est à dissocier de ce que le psychiatre Robert Neuburger appelle la fratitude. La fratitude quant à elle dit quelque chose des relations au c½ur d'une même famille. Il est vrai que les relations familiales ne sont pas toujours aisées. En effet, elles peuvent parfois être marquées de sentiments négatifs comme la colère, la convoitise, la jalousie etc. Il en va tout autrement dans la fraternité. Puisque celle-ci trouve sa source en Dieu, la fraternité est une occasion divine de vivre nos relations au son de la musique de l'Esprit Saint. La fraternité se décline au-delà du respect. Elle dit quelque chose de la joie divine. Elle se réalise dans l'empathie et la tendresse. Elle se dévoile dans toutes ces mains offertes pour nous permettre de traverser ce à quoi nous sommes confrontés. Que cette fraternité ne soit pas un vain mot entre nous mais bien l'essence de vie qui nous permettra de transformer notre regard pour devenir un seul troupeau à l'écoute d'un seul pasteur : le Christ ressuscité.
Amen