Dans l'antiquité, il était habituel d'appeler "pasteurs" les souverains et les grands prêtres puisque ces dirigeants avaient le devoir de guider leur peuple sur les chemins du bonheur, de la prospérité et de la paix. En Israël, les prophètes osaient fréquemment dénoncer l'incurie des chefs qui, trop souvent, au mépris de la Loi divine, ne veillaient pas avec sollicitude sur leur troupeau, ne gouvernaient pas selon le droit et la justice. C'est ainsi que le prophète Ezéchiel lance une violente invective contre les mauvais dirigeants qui se sont enrichis et ont laissé dépérir le peuple que Dieu leur avait confié. Mais, dans son élan, le prophète enchaîne avec une extraordinaire promesse de Dieu : puisque les guides ont failli, lui-même viendra :
" Moi, le Seigneur, je viendrai chercher moi-même mon troupeau pour en prendre soin...Je le rassemblerai des différents pays...Je le ferai paître.. Et je susciterai à la tête de mon troupeau un berger unique : ce sera mon serviteur David. Moi, le Seigneur, je serai leur Dieu et mon serviteur David sera Prince au milieu d'eux...Et mon peuple sera en sécurité" ( Ez 34, 11-25).
Curieux : Dieu sera berger...mais aussi un descendant de David le sera ! Dans cette annonce, Jésus a compris son identité et sa mission : oui, il est bien ce descendant du roi David, le "re-présentant" de Dieu, envoyé maintenant comme guide définitif de son peuple. Donc (évangile de ce dimanche) il peut déclarer - et ce sera intolérable aux yeux des dirigeants de l'époque, comme pour des multitudes encore aujourd'hui- :
"Je suis le Bon Pasteur. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire, lui, n'est pas le pasteur car les brebis ne lui appartiennent pas : s'il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s'enfuit ; le loup s'en empare et les disperse. Ce berger n'est qu'un mercenaire et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui.
Le métier de berger, en ce temps-là, n'était pas une sinécure : il fallait aller loin pour trouver l'eau et la pâture, des prédateurs rôdaient, affamés. Le jeune qui avait été embauché par un éleveur et qui tout à coup se voyait attaqué par un loup songeait d'abord à sauver sa peau : il s'enfuyait et laissait le carnassier égorger l'une ou l'autre brebis tandis que les autres se dispersaient.
Jésus, lui, affirme qu'il n'a rien d'un mercenaire : il comprend sa relation à ses disciples comme un lien d'amour tel qu'il peut donner sa vie pour eux. C'est pourquoi il peut se dire le BON, le VRAI berger. Sa BONTE et sa VERITE résident dans le fait qu'il s'offre pour les autres. Pour lui chaque disciple compte. Il ira seul à la Croix.
Moi, je suis le Bon Pasteur : je connais mes brebis et mes brebis me connaissent comme le Père me connaît et que je connais le Père. Et je donne ma vie pour mes brebis.
Le verbe "connaître" ici a une signification prégnante : il ne s'agit pas d'un savoir extérieur ( je connais ce Mr...je connais les mathématiques...). Jésus n'est pas un envoyé de Dieu qui exerce sa mission "de l'extérieur" : il vit avec les siens les mêmes liens de tendresse et d'affection qu'il entretient lui-même avec son Père. Il nous aime de l'amour même dont son Père l'aime et dont lui aime son Père. Nous sommes aimés par lui d'un amour proprement divin.
J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur.
Jésus a d'abord appelé des personnes appartenant à "la bergerie Israël" mais sa mission est universelle : son Père lui a confié mission d'unir tous les peuples dans la paix. "Il faut" : cela signifie qu'il y va du projet de Dieu. La réalisation en est certaine mais au prix de la croix : car "il faut que Jésus meure pour la nation et non seulement pour elle mais pour réunir dans l'unité les enfants de Dieu qui sont dispersés" ( Jean 11,51) L'unité ne pourra évidemment pas s'accomplir par la conquête, l'imposition d'une religion par la force. La foi ne peut qu'être une réponse libre à une VOIX qui propose l'Evangile. La voix de Jésus (l'Evangile) devra donc être proclamée, expliquée, traduite et répercutée dans toutes les langues jusqu'à la fin des siècles. Elle propose la Vie. A chacun de répondre librement.
Quand bien même des multitudes feront la sourde oreille et refuseront le message, partout des hommes et des femmes écouteront et diront : " Jamais homme n'a parlé comme cet homme" ( Jn 7, 46). Ils s'adjoindront aux autres et ainsi grandira sans cesse le peuple de Dieu issu de tous les peuples et pérégrinant sur les pas de Jésus, et avec lui, vers l'UNITE définitive.
Le Père m'aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne ne me l'enlève : je la donne de moi-même. J'ai pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre. Voilà le commandement que j'ai reçu de mon Père".
Il est capital d'insister : la croix n'est ni le projet d'un Dieu sadique exigeant l'immolation de son Fils ni un piège qui se serait refermé par surprise sur Jésus, victime inconsciente d'un complot. La croix qui ne serait que souffrances demeurerait un fait-divers dramatique, elle ne changerait rien, pas plus que toutes les exécutions d'innocents.
Si les hommes le prennent, Jésus affirme qu'en réalité, c'est lui qui SE DONNE. La croix a valeur unique parce qu'elle est fondamentalement OFFRANDE d'AMOUR du FILS AIME DU PERE POUR LES SIENS. C'est pourquoi Jésus mourant par amour peut traverser la mort et devenir le Berger de ses disciples. les unissant, tous, enfants du même Père, pour toujours.
Les premiers chrétiens ont aimé représenter Jésus, Bon Pasteur portant une brebis sur l'épaule, sur les murs des catacombes où ils ensevelissaient leurs martyrs. Persécutés, ils proclamaient ainsi leur espérance indéfectible : leur doux Seigneur était vivant et lorsque les "loups" les tuaient, il les sauvait de la mort pour les introduire dans les pâturages éternels de la Vraie Vie.
AUJOURD'HUI DIMANCHE DES VOCATIONS
* Le Bon Pasteur appelle : écoutons-nous sa voix ? Lisons-nous l'évangile ? ....Que faisons-nous pour qu'il résonne partout et parvienne aux brebis perdues ?...Que désigne l'image du "loup" aujourd'hui ?...N'est-ce pas l'idolâtrie de l'argent ?...
* Est-ce que nous nous laissons guider par la Volonté du Seigneur ou voulons-nous tracer nous-mêmes la route de notre vie ?...
* Le Seigneur nous agrège à son peuple afin que nous vivions dans la paix et la justice et qu'il n'y ait qu'UN troupeau : luttons-nous contre les zizanies ? sommes-nous heureux d'être une paroisse multiculturelle, internationale ? arrachons-nous les tentations de racisme ? prions-nous pour l'Unité des chrétiens ?...
* Nos pasteurs ne sont pas des chefs à la manière du monde mais des hommes à qui le Christ a confié ses frères. "M'aimes-tu, Pierre ?...Pais mes brebis" a dit le Ressuscité. La guidance d'une Eglise est déléguée, elle ne peut s'effectuer qu'avec un grand amour du Christ, comme une grâce imméritée, dans la pauvreté du Maître, et avec le courage d'offrir sa vie pour les autres.
R. Devillers , dominicain Tél. et Fax : 04 / 223 51 73 - Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
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